Boris Johnson © AFP

Brexit: pourquoi Boris Johnson s’en mêle

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Les négociations pour un accord post-Brexit entre le Royaume-Uni et l’Union européenne patinent depuis des semaines. Mais le temps presse. Boris Johnson se rend donc à Bruxelles pour un « rendez-vous de la dernière chance » avec Ursula von der Leyen.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen se rencontrent ce mercredi à Bruxelles. Objectif : débloquer les négociations post-Brexit qui font du surplace depuis des semaines.

Dernière chance, ou presque

Une rencontre que certains qualifient de « dernière chance », vu l’échéance : dans trois semaines, la rupture entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sera définitive. La rencontre se déroule à la veille d’un sommet européen et quel que soit son résultat, le Brexit risque d’être l’un des sujets chauds de la réunion. Les États membres espèrent un accord, mais pas « à n’importe quel prix » et la France a averti qu’elle n’hésiterait pas à mettre son veto.

La rencontre au sommet doit déterminer si les blocages les plus importants peuvent être levés et éviter un no deal. Cela ne devrait cependant « pas de ficeler de manière définitive la négociation », a souligné Bruxelles. « Elle s’apparente à un rendez-vous de la dernière chance pour voir si les lignes rouges des deux camps peuvent encore bouger », estime Eric Maurice, de la Fondation Schuman.

En cas d’échec, les échanges entre Londres et l’UE se feront dès le 1er janvier selon les seules règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane ou de quotas, au risque d’un nouveau choc pour des économies déjà fragilisées par la crise sanitaire du Covid. S’il est conclu, l’accord commercial – de plus de 700 pages – devra encore être ratifié par les Parlements britannique et européen avant d’entrer en vigueur le 1er janvier.

Un déplacement rare et délicat

Le déplacement de l’actuel chef du gouvernement à Bruxelles est un fait assez rare. Boris Johnson ne sait que trop bien que les voyages à Bruxelles ne sont pas exactement propices à l’image d’un Premier ministre britannique. Avant lui, Theresa May avait également décidé de prendre personnellement en main les discussions face aux nombreux blocages. Mais chaque fois qu’elle est venue à Bruxelles, elle a été mise devant le fait accompli par l’Union et a dû retourner, battue, au Parlement où elle n’avait pas la majorité. Boris Johnson voulait à tout prix éviter ce scénario.

Mais puisque que les discussions ont atteint une telle impasse, une intervention politique au plus haut niveau est nécessaire. La grande question pour l’Union européenne est de savoir dans quel but Johnson vient à Bruxelles. Est-il prêt faire des concessions symboliques, comme il l’a fait la dernière fois en donnant aux États membres européens la possibilité de vendre un accord chez eux comme une victoire ? Ou bien cherche-t-il un Brexit dur, mais en montrant qu’il a fait le maximum pour l’éviter ?

Guéguerre d’influence

La Commission européenne est peut-être à ce jour la meilleure alliée de Johnson. Le négociateur en chef Michel Barnier et Ursula von der Leyen servent actuellement de tampon entre le Royaume-Uni et certains États membres qui ne sont guère disposés à faire d’autres concessions. La Belgique est l’un des pays qui tentent de sauver les meubles dans le domaine de la pêche. La manière dont le Premier ministre Alexander De Croo a raillé mardi son homologue sur le fait que les vaccins que le Royaume-Uni administre actuellement sont produits sur le sol européen reflète l’état des relations actuelles avec certains pays membres.

Mais il se pourrait aussi que Johnson tente, en cas de no deal, de mettre sur le dos de l’UE la perte de PIB estimée à 6 %, l’arrêt de la coopération en matière de sécurité et le chaos aux frontières. De l’autre côté de la Manche, des voix eurosceptiques estiment que l’Union chercherait délibérément un Brexit dur, forçant le gouvernement britannique à se mettre à la table en position de faiblesse. Mais si Brexit dur il y a, il sera encore plus difficile de relancer les discussions sur des sujets très difficiles de manière constructive dans le futur.

Besoin d’une victoire

Boris Johnson tente également de redorer son blason au sein de son pays. Ces derniers mois ont été difficiles pour le Britannique, et il a besoin d’une victoire. L’an dernier, Boris Johnson a signé de nombreuses concessions auxquelles il avait farouchement résisté en tant que ministre des affaires étrangères dans le gouvernement de Theresa May. Deux mois plus tard, il tournait la situation à son avantage, l’accord lui apportant une victoire éclatante aux élections législatives. Ses slogans « Get Brexit Done ! » et « an oven-ready deal » ne correspondaient pas exactement à la manière dont les discussions s’étaient déroulées, mais ont su apporter une réponse à la lassitude des citoyens face à la saga Brexit.

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Mais on en est encore loin. Les deux camps ont affiché des positions très fermes jusqu’à présent et les lignes ne bougent pas. L’UE ne sacrifiera « jamais (son) avenir » pour conclure un accord post-Brexit au prix de concessions qui fragiliseraient son marché unique, a prévenu le négociateur européen Michel Barnier. « Nos amis doivent comprendre que le Royaume-Uni a quitté l’UE pour pouvoir exercer un contrôle démocratique. Nous en sommes encore loin », a rétorqué Boris Johnson.

Britanniques et Européens achoppent toujours sur les trois mêmes sujets depuis mars: l’accès européen aux eaux britanniques, la manière de régler les différends dans le futur accord et les garanties exigées par l’UE à Londres en matière de concurrence en échange d’un accès sans droits de douane ni quotas au marché du continent. Lors d’un entretien téléphonique lundi soir, Johnson et von der Leyen n’avaient pu que constater que les conditions pour finaliser un accord n’étaient toujours « pas réunies ».

Maigre avancée sur un sujet qui fâche

Malgré l’impasse sur leur relation future à partir du 1er janvier, Londres et Bruxelles ont malgré tout réussi à s’entendre mardi sur l’application du traité encadrant le divorce intervenu le 31 janvier 2020. Une réunion a permis d’arriver à un « accord de principe » sur les dispositions douanières spécifiques à l’Irlande du Nord, censées éviter le retour d’une frontière avec la République d’Irlande.

Le gouvernement britannique va retirer les articles d’un projet de loi controversé qui visaient à les contourner, mais violaient de son propre aveu le droit international, au nom de la nécessité d’assurer la continuité des échanges entre Irlande du Nord et Grande-Bretagne. L’UE avait lancé une procédure d’infraction contre Londres et le Parlement européen avait menacé de ne pas ratifier l’éventuel futur accord.

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