Lire les changements climatiques dans les stalagmites : quand la Terre écrit à Sophie Verheyden
La Terre regorge d’informations sur le climat. Le territoire Famenne-Ardenne n’est pas en reste. C’est d’ailleurs pour cette raison que des scientifiques y ont installé un Geopark : un parc où touristes et habitants sont sensibilisés aux géosciences, pour prévenir les changements climatiques.
« La plupart des choses que l’on sait sur le climat, c’est grâce à la paléoclimatologie », explique fièrement Sophie Verheyden, chercheuse à l’Institut des sciences naturelles de Bruxelles. Effectivement, la paléoclimatologie est la science qui étudie les climats passés et leurs variations. En Belgique, Sophie Verheyden analyse notamment les stalagmites des grottes du Geopark Famenne-Ardenne, de véritables « pièges à infos ».
Créé en 2014, le Geopark Famenne-Ardenne est le seul Geopark de Belgique. Il s’étend sur une bande calcaire de 915 km², soit sur huit communes (Beauraing, Durbuy, Hotton, Marche-en-Famenne, Nassogne, Rochefort, Tellin et Wellin), rassemblant plus de 67.000 habitants. En 2018, il reçoit alors le label UNESCO : celui-ci reconnaît les sites de la zone géographique comme d’importance géologique internationale, et devant être gérés selon un concept global de protection, d’éducation et de développement durable.
Protéger et valoriser son patrimoine naturel
Ce projet était notamment à l’initiative de Sophie Verheyden. Pour la chercheuse en paléoclimatologie, le territoire du Geopark Famenne-Ardenne est un véritable terrain de jeu, propice aux recherches sur le climat. Également, le patrimoine géologique est utilisé pour améliorer les connaissances des habitants et des visiteurs sur les géosciences. Cela permet d’aborder les problèmes sociétaux tels que le changement climatique, l’environnement et le patrimoine, tant naturel que culturel.
Un projet pilote avec l’école de Marche-en-Famenne a été mis en place autour des grottes de Han-sur-Lesse, afin de sensibiliser les élèves aux géosciences. Ces mêmes grottes attirent 300.000 visiteurs par an. Des panneaux explicatifs sont mis en place. De plus, d’autres visites des géosites sont sont encadrées par deux géologues. « Par la connaissance, nous voulons conscientiser les gens à propos de leur environnement« , insiste la scientifique. « On ne nous a pas enseigné les bouleversements climatiques correctement et ça nous impacte aujourd’hui », regrette-t-elle.
Viser la durabilité
« Les grottes renferment des informations piégées sous terre, fossilisées dans la calcite : un mélange de calcium, de carbone et d’oxygène. » Grâce à cela, Sophie Verheyden a pu récolter des renseignements sur l’environnement du territoire, et même du continent. « On peut aussi remonter jusqu’à 600 000 ans, et ainsi, dater les grands changements climatiques. »
Selon leurs couleurs, leur densité et les sédiments qui la composent, les différentes strates observées sur une stalagmite permettent à la chercheuse repérer les événements climatiques qui ont eu lieu. Ainsi, il est possible de dire que le changement climatique que l’on vit aujourd’hui, avec l’augmentation du taux de CO2 très rapide, n’est pas le premier que la Terre connaît. Elle nuance toutefois : « La dernière fois, c’était au crétacée et on n’est pas des dinosaures… Si l’on augmente encore, on ne sait pas dans quelles conditions l’Homme le vivra », s’inquiète Sophie Verheyden. De plus, l’environnement d’aujourd’hui est bien plus pauvre. « Nous sommes en train de rendre notre propre environnement impossible à vivre. Il faut viser la durabilité. » Selon la scientifique, la protection des sols et des sous-sols est essentielle pour restaurer notre environnement.
Un recul apaisant
Ce changement climatique à venir peut paraître alarmant. C’est pourquoi la paléoclimatologue insiste sur l’importance d’un changement d’action de la part de l’Homme, et c’est ce qu’elle promeut notamment avec le Geopark. « Il faut être conscient de notre impact et modifier nos habitudes, même si cela nous demande des efforts. On voit déjà une levée de boucliers dans la jeune génération et c’est très encourageant pour la suite. »
Sophie Verheyden se veut rassurante : « la géologie est un recul apaisant. Cela nous permet de réfléchir comment faire de façon cohérente et pertinente. » Selon elle, chacun peut amener sa pierre à l’édifice pour changer de paradigme. « Nous pouvons encore nous maintenir à une situation d’humainement soutenable. » Elle le répète alors : « Chaque geste compte pour changer les mentalités. »
Un tourisme vert et pédagogique
Les recherches scientifiques se font en étroite collaboration avec le secteur touristique. Alain Petit, le directeur du Geopark Famenne-Ardenne, travaille dans le tourisme depuis 25 ans. Il explique que le projet du parc « s’inscrit aussi dans le développement durable en se distinguant au niveau du tourisme, grâce à la plus-value scientifique. »
Des géobalades sont ainsi organisées, avec des explications géologiques et archéologiques sur l’environnement, ainsi que sur sa biodiversité. Des chartes et des codes de bonne conduite sont aussi prodigués. « Il est nécessaire de valoriser les bonnes pratiques environnementales quand on visite », appuie Alain Petit. « On lance des pistes pour que les voyageurs pratiquent un tourisme durable, dans le respect de l’environnement. »
Guylaine Germain
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici