« L’arrêt du nucléaire n’est pas la meilleure décision, mais l’absence de décision est pire encore » (analyse)
C’est donc en mars 2022 que le gouvernement fédéral décidera de prolonger ou non une partie de la capacité nucléaire après 2025. Sans dire adieu à l’atome, puisqu’il prévoit d’investir dans le nucléaire de seconde génération. Pour le professeur Francesco Contino (UCLouvain), il est toutefois » risible de vouloir arrêter le nucléaire pour en commencer un autre « .
Dans la saga du nucléaire, le gouvernement a le don de décider de décider plus tard. C’est en effet ce qui ressort de l’annonce de ce 23 décembre associant le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), et la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen). Si elle réitère la sortie complète du nucléaire d’ici à 2026, la prolongation éventuelle d’une capacité de deux gigawatts, chère aux libéraux francophones, n’est toujours pas exclue.
Un nouveau rapport d’Elia (le gestionnaire du réseau de transport d’électricité à haute tension), attendu pour le 18 mars, est censé éluder les derniers doutes quant à la sécurité d’approvisionnement du pays en électricité. En d’autres termes : la Vivaldi s’en tient au plan A, tout en gardant le plan B en réserve pour quelques mois encore.
« Techniquement, l’arrêt du nucléaire n’est pas la meilleure décision, réagit Francesco Contino, professeur à l’institut iMMC de l’UCLouvain. Mais l’absence de décision est pire encore. Pour le moment, le gouvernement respecte le mandat qui lui a été donné. J’ignore si cette annonce est un compromis à la belge, mais je ne vois pas ce qui pourrait changer entre le précédent rapport d’Elia et le suivant. J’ai des doutes quant à un revirement de situation notable. »
En dépit d’une communication moins claire qu’attendue, la perspective de prolonger deux réacteurs au-delà du calendrier légal est peu probable. D’autant qu’Engie Electrabel, qui exploite les centrales de Doel et de Tihange, martèle depuis des mois que le nucléaire ne fait plus partie de ses plans futurs pour la Belgique.
Comme c’était pressenti, le gouvernement ouvre toutefois la porte au nucléaire de seconde génération pour les décennies à venir. Il s’agit des fameux SMR (Small modular reactors), une technologie en cours de développement et loin d’être mature à l’heure actuelle. Une enveloppe de 100 millions d’euros serait prévue à cet égard.
« C’est une excellente idée d’investir dans le nucléaire 2.0, poursuit Francesco Contino. Ceci étant dit, il est risible de vouloir arrêter le nucléaire pour en commencer un autre. Techniquement et économiquement, il aurait fallu prolonger l’ancien nucléaire, garder le savoir-faire et passer progressivement au nouveau nucléaire, qui n’est pas encore disponible. C’est une erreur de penser que l’on pourra passer aussi facilement aux SMR, comme s’il s’agissait d’une option forcément activable. Quand on sait que des technologies bien connues, comme les centrales turbines-gaz-vapeur, posent déjà un problème d’implantation en raison de blocages politiques et de l’opposition citoyenne, je vois mal comment on pourrait installer de nouveaux réacteurs nucléaires en Belgique. »
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Dans un contexte marqué par une hausse fulgurante du prix de l’électricité et du gaz (appelé à jouer un rôle majeur dans les prochaines années) sur les marchés à long terme, la sortie du nucléaire s’est vue considérablement déforcée ces derniers mois. « Bien sûr, il faut protéger les ménages aux revenus les plus faibles, conclut Francesco Contino. Mais le fait est que l’on ne paie pas assez cher pour notre énergie. Si la viabilité de notre économie dépend à ce point du CO2 et des prix de l’énergie, c’est qu’il y a un vrai problème. Et celui-ci se posera avec d’autant plus d’insistance dans le cadre de la transition énergétique à venir. »
Avant l’évaluation finale d’Elia prévue pour le 18 mars, l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) et le SPF Economie rendront également un rapport le 17 janvier prochain en vue d’activer potentiellement le plan B, si le mécanisme de rémunération des capacités (CRM), visant à pallier la perte du productible nucléaire, n’offrait pas les garanties promises en termes de sécurité d’approvisionnement.
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