Le gouvernement s’est mis d’accord sur une sortie nucléaire (mais ce qui a été décidé reste flou)
Le gouvernement fédéral serait parvenu à un accord sur la sortie du nucléaire après une nuit de discussion. Le plan A, soit la fermeture des centrales, serait confirmé. Mais le président du MR Georges-Louis Bouchez ne semble pas de cet avis. Une conférence de presse vient d’apporter quelques précisions.
Le gouvernement fédéral a trouvé jeudi matin un accord sur la sortie du nucléaire, a-t-on appris de source gouvernementale à l’issue d’une nuit de discussion. Le scénario A, soit la fin des réacteurs nucléaires actuels en 2025, est « renforcé » mais 100 millions d’euros seront investis dans la nouvelle technologie nucléaire. « Un accord est intervenu dans lequel la sécurité est centrale, comme le prévoit l’accord de gouvernement« .
« Le Kern a pris une décision sur une question importante », a déclaré le Premier ministre De Croo lors de la conférence de presse. « La première priorité est d’offrir une sécurité d’approvisionnement en énergie absolue, c’est ce que dit l’accord de coalition et nos citoyens et nos entreprises y ont droit. »La sécurité énergétique sera ancrée dans la loi, avec bien entendu des moments d’évaluation », vient de préciser De Croo.
« Pour sécuriser l’approvisionnement, nous avions retenu un seul projet jusqu’à présent, l’usine de gaz de Vilvorde, mais il n’a pas reçu de permis pour l’instant. Nous allons insérer un moment de contrôle le 15 mars. S’il n’y a pas de permis pour Vilvorde, nous examinerons alors les solutions de rechange. Nous allons continuer à demander à l’agence de sécurité nucléaire et à mon administration d’examiner les mesures qui pourraient encore être nécessaires dans le cadre du plan B (la prolongation de deux réacteurs nucléaires au-delà de 2025). Le point d’examen est fixé au 18 mars. Il n’y a pas de problème ? Toutes les activités du plan B seront arrêtées. La sécurité de l’approvisionnement est une question sérieuse, nous ne prendrons aucun risque à cet égard », a encore déclaré le Premier ministre.
« La sortie du nucléaire est donc confirmée, mais sous deux conditions: la première est comme déjà dit la sécurité d’approvisionnement, la seconde est la maitrise des prix. On va donc exécuter le plan A avec un filet de sécurité supplémentaire, notamment pour éviter les problèmes comme avec Vilvorde. Dans le cas peu probable que ces plans de sécurité ne seraient pas suffisant, on a conclu que l’on regarderait à nouveau toutes les options, y compris, si besoin le plan B. Mais toute l’énergie va aller à faire réussir le plan A »
Selon la ministre Tinne Van der Straeten, la chance que cela bloque est infiniment petite. Et s’il y avait tout de même un problème, il est possible de prendre le prochain sur la liste. »
Toujours selon Van der Straeten, cet accord est « destiné à 2050″. Si nous voulons offrir 100 % d’énergie renouvelable d’ici là, nous aurons besoin de toutes les technologies qui sont durables, flexibles et neutres en CO2. Il peut s’agir d’hydrogène, mais aussi, par exemple, de ces petits réacteurs modulaires sur lesquels les pays qui nous entourent (France et Pays-Bas, ndlr) travaillent également. Nous disposons déjà d’une grande expertise dans ce domaine dans notre pays, nous devons donc l’utiliser maintenant pour ne pas manquer le coche. Prendre les devants est toujours payant. »
Des interventions techniques sont néanmoins encore nécessaires
Le gouvernement a donc résolument opté pour un plan A « renforcé », avec une procédure claire en vue de pouvoir continuer à mettre en oeuvre le Mécanisme de Rémunération de Capacité (CRM).
Il est cependant vrai que la mise en oeuvre de la sortie du nucléaire nécessite encore un certain nombre d’interventions techniques pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité. En Wallonie, les deux projets de centrale à gaz- à Manage et à Seraing – disposent par contre eux d’un permis et ne posent pas de problème.
Il n’en va pas de même pour la future usine à gaz de Vilvorde qui n’a pas de permis pour l’instant. S’il n’est pas en ordre d’ici le 18 mars, les subventions auxquelles le projet a actuellement droit seront redistribuées.
Vu l’incertitude qui peut régner sur le projet de centrale au gaz de Vilvorde (l’une des deux nouvelles unités de production retenues à la suite des premières enchères du CRM mais dont la ministre flamande de l’Environnement a refusé le permis, ndlr), le gouvernement a décidé de réévaluer la situation le 15 mars, s’il y a un problème à ce moment là, soit pour la date butoir du 18 mars, les autorités planchent sur un « back-up du back-up ». Soit d’autres options, pour que l’usine de Vilvorde n’empêche pas la sortie prévue du nucléaire.
Pour rappel Le CRM est un mécanisme de subsidiation, via des enchères, de différentes capacités visant à compenser la fin des sept centrales nucléaires que compte la Belgique. Le gouvernement a prévu un « re-run ». Pour surmonter le problème de Vilvorde, un autre projet soumis dans le cadre des enchères pourra être retenu si Engie n’obtenait pas de permis pour Vilvorde d’ici le 15 mars, selon la notification de l’accord que l’Agence Belga a pu consulter. Cet autre projet ou ces autres projets devront aussi disposer d’un permis. Une modification de la loi sur le CRM concrétisant cette hypothèse sera soumise au conseil des ministres ce jeudi. Un rapport de l’Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN) et du SPF Economie est attendu pour le 17 janvier. Ce document fera la liste et analysera les actions à entreprendre pour activer ce plan B si le CRM n’apportait pas une sécurité d’approvisionnement suffisante.
Le gouvernement intègre par ailleurs le nucléaire de nouvelle génération dans le mix énergétique futur du pays, comme le font d’autres Etats européens. « Le développement des Small Modular Reactors pourrait jouer un rôle au même titre que d’autres formes d’énergie durable par rapport à l’objectif de neutralité climatique du système énergétique en 2050 », a-t-il décidé. Une nouvelle loi énergétique est prévue à cet effet et intégrant cette technologie aux côtés d’autres sources, comme l’hydrogène vert, sera adoptée. Un programme de recherche sera mis sur pied associant le Centre d’Etudes Nucléaires (CEN) de Mol ainsi que des partenaires industriels en vue d’une possibilité de production d’ici 2040. Cent millions d’euros durant les quatre prochaines années seront investis.
Un dernier baroud pour Bouchez ?
Il semble donc qu’on ait enfin tranché cette question sensible et pour le moins urgente puisque la première centrale nucléaire devrait déjà fermer l’année prochaine et la dernière devrait l’être dans exactement 3 ans, 11 mois et 8 jours. Après des discussions houleuses, les principaux ministres sont donc parvenus à un compromis à la belge. Pour rappel les partis Ecolo et Groen voulaient absolument aller de l’avant avec la fermeture des centrales nucléaires pour fin de 2025. Les autres partis de la coalition se son donc rangé derrière ce projet. A l’exception notable du MR, via son président Georges-Louis Bouchez. Pour ce dernier le scénario B, soit la prolongation de deux réacteurs nucléaires au-delà de 2025, est toujours sur la table, a-t-il fait savoir sur les ondes de DH Radio. « Le plan B est toujours sur la table », a dit M. Bouchez. « La sagesse veut que la piste nucléaire soit maintenue ».
Il précise qu’il faut attendre le rapport de l’Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN) du 17 janvier et de voir si le problème posé par le refus de permis du projet de centrale de Vilvorde a pu être résolu. En cas d’échec, le nucléaire reste alors le « filet de sécurité » du gouvernement. Selon lui, en cas de décision sur une prolongation du nucléaire le 18 mars, le délai de commande de l’uranium pour faire fonctionner les réacteurs maintenus au-delà de 2025 peut être respecté.
La probabilité qu’on prolonge effectivement les centrales semble toutefois faible. D’une part, parce que l’opérateur Engie Electrabel a déclaré à plusieurs reprises qu’il était trop tard pour un report et d’autre part parce que les partis de la coalition considèrent les protestations de Bouchez comme un dernier baroud contre la sortie du nucléaire.
Le Premier Ministre et la ministre de l’énergie, viennent d’ailleurs encore de le confirmer, il est extrêmement peu probable qu’on fasse tout de même appel au plan B. Une évaluation d’Elia, gestionnaire du réseau de transport de l’électricité, est également attendue. Une première -intermédiaire- le 17 janvier et une seconde le 18 mars. Si celle-ci démontre que la sécurité d’approvisionnement est suffisante, « toutes les activités du plan B s’arrêteront ».
Néanmoins, le plan B, défendu au sein de la majorité par le MR, n’est donc pas, stricto sensu, définitivement écarté et pourrait encore donner lieu à d’âpres débats.
La conférence de presse :
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