Dossier des « collaborateurs fantômes »: pourquoi Joëlle Milquet craint un procès
La procédure de renvoi dans le dossier des » collaborateurs fantômes » du cabinet Milquet est interrompue. Quoiqu’elle en dise, l’ancienne ministre CDH joue indubitablement la montre. Difficile de ne pas considérer qu’elle redoute un débat de fond dans ce dossier.
C’est une belle petite victoire pour celle qui tenait les rênes du ministère de l’Intérieur lors des faits qui constituent le fond de ce dossier fleuve. Que s’est-il passé depuis les révélations du Vif, en février 2014, sur l’engagement douteux d’une dizaine de collaborateurs au sein du cabinet Milquet à moins de six mois d’élections législatives ? L’enquête a d’abord tardé à démarrer puisqu’une instruction n’a été ouverte, au niveau de la cour d’appel (en vertu du privilège de juridiction réservé aux ministres), que près d’un an après la publication des articles. Mais, une fois désigné, le conseiller instructeur Frédéric Lugentz a mené ses investigations tambour battant et inculpé, dès la fin mars 2016, l’ancienne ministre CDH pour « prise illégale d’intérêt par une personne qui exerce une fonction publique ».
Nommé à la Cour de cassation au même moment, il a dû transmettre le dossier au conseiller Matthieu Dehaene qui, comme son prédécesseur, a dû résister aux demandes incessantes de devoirs complémentaires de l’inculpée, notamment celui d’entendre les membres de tous les cabinets du royaume car Joëlle Milquet estimait que les enquêteurs méconnaissaient le fonctionnement d’un cabinet ministériel. Le juge d’instruction s’est contenté de choisir un panel représentatif de quelques cabinets et ministres qui ont témoigné, mais pas de gaieté de coeur…
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En février 2019, l’ex-ministre humaniste est également inculpée du chef de « faux et usages de faux commis en écriture et informatique et d’avoir outrepassé son pouvoir d’accès à un système informatique » : elle est, ici, accusée notamment d’avoir demandé au responsable IT du cabinet qu’elle dirigeait de consulter les emails de ses collaborateurs dans le but de savoir qui avait renseigné Le Vif en 2014.
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Joëlle Milquet considère que l’instruction a été menée uniquement à charge à son encontre et que les enquêteurs se sont montrés partiaux, voire « haineux ». Dans un mémoire de plusieurs centaines de pages, elle a dès lors demandé à la chambre des mises en accusation, lors de la procédure de renvoi devant une juridiction de fonds, de prononcer l’irrecevabilité des poursuites et, à titre subsidiaire, d’écarter des pièces du dossier.
Elle a ensuite demandé de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle sur ses droits fondamentaux de justiciable privée du bénéfice de la double juridiction tout au long de la procédure pénale, puisqu’elle ressort uniquement du degré d’appel en tant que ministre. Le président de la chambre des mises, Yves de Ruyver, et ses deux conseillers y ont donc consenti. Cette requête particulière peut prendre entre un an et un an et demi au minimum.
Pour Joëlle Milquet, c’est donc une victoire, car, même si la prescription des faits est mise entre parenthèses pendant ce temps-là, il est désormais difficile de croire que la procédure aboutira à un procès, d’autant que la commission des poursuites du Parlement devrait encore donner son feu vert à un éventuel renvoi devant un tribunal, pas avant 2024.
Il n’y aura sans doute pas de débats de fond. Voir ce dossier examiné par un tribunal est justement la grande crainte de la vedette CDH, nous dit-on à bonnes sources, car l’instruction semble assez limpide, malgré les manoeuvres répétées de l’intéressée pour la rendre caduque. Mais, surtout, les neufs autres inculpés – tous d’anciens membres de son cabinet – pourraient, lors d’un procès, « déballer » tout ce qu’ils savent sur le fonctionnement du ministère de l’Intérieur d’alors. Ces ex-collaborateurs – nous en avons déjà rencontrés un certain nombre, inculpés ou non – sont, pour une bonne part d’entre eux, excédés. Ils ont été mis sous forte pression par l’ex-Ministre, au point que le parquet général a ouvert, en 2018, une enquête connexe pour subornation de témoins (dossier BR.45.F1.013142/2018) visant des « faits pouvant être qualifiés de menaces verbales/écrites avec ordre ou conditions, harcèlement et utilisation à des fins délictueuses de renseignements obtenus dans le cadre de l’accès à un dossier d’instruction ».
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