« Si Poutine veut élargir le territoire des deux républiques, ce sera la guerre »
Pour Sven Biscop, professeur à l’Institut royal Egmont et à l’université de Gand, la reconnaissance des républiques de Donetsk et de Louhansk ruine l’idée d’une solution négociée sur l’Ukraine. La suite dépend des intentions du président russe d’aller ou non au-delà des frontières de celles-ci.
Qu’implique la reconnaissance par la Russie des républiques de Donetsk et de Louhansk ?
Il est presque exclu maintenant d’arriver à une solution négociée sur l’Ukraine parce que Vladimir Poutine ne pourra pas revenir sur sa décision. Ces républiques étaient déjà de facto sous contrôle russe. Cela devient officiel, côté russe. On verra donc désormais des troupes russes sous uniforme russe se déployer dans les deux zones. Ensuite, première possibilité, la Russie en reste là et cimente le statu quo. Deuxième possibilité, elle veut aller plus loin, et élargir le territoire de ces deux républiques. Entreprendra-t-elle des actions militaires contre l’Ukraine ? Cette option mène évidemment à une escalade et à une guerre ouverte avec l’Ukraine. En tout cas, politiquement, cela nécessite une réaction du côté des Occidentaux.
Ceux-ci ont-ils intérêt à enclencher une importante batterie de sanctions ?
C’est une question de tactique. Veut-on garder une ressource sous la main ? Les pourparlers reprendront-ils ? Il n’est pas illogique de prendre une première batterie de sanctions et d’en garder en réserve pour la suite.
Vladimir Poutine n’a pas parlé d’annexion comme il l’avait décidé à propos de la Crimée. Les deux situations sont-elles différentes ?
Oui parce que dans la conception des Russes, la Crimée a toujours été russe et ce n’est que par « erreur » que, au temps de l’Union soviétique, Nikita Krouchtchev a passé la Crimée de la Fédération russe à l’Ukraine en 1954. Il n’empêche, la reconnaissance de l’indépendance des républiques de Donestk et de Louhansk en fait des protectorats russes, même s’ils ne sont pas annexés, qui ne survivront que grâce au soutien de Moscou. A l’instar de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud en Géorgie (NDLR : à la suite d’une offensive militaire de la Géorgie en 2008 pour reprendre le contrôle de ces régions dissidentes, repoussée par l’armée russe).
Le pouvoir ukrainien a-t-il intérêt à répondre à la décision de la Russie par une offensive militaire dans les républiques de Donetsk et de Louhansk ?
J’imagine difficilement que l’Ukraine prenne une initiative militaire. Si c’était le cas, cela donnerait sans doute le « prétexte » recherché par Vladimir Poutine pour mener une plus grande offensive militaire.
On est passé en vingt-quatre heures d’un projet de sommet Biden-Poutine à la douche froide de la reconnaissance de l’indépendance des républiques de l’est de l’Ukraine. Est-il particulièrement difficile de comprendre la logique de Vladimir Poutine ?
A l’annonce du projet de sommet, on se demandait si Poutine était sérieux ou s’il s’agissait à nouveau d’une manoeuvre. C’était visiblement la deuxième hypothèse qui était la bonne. Si les Russes mènent des actions militaires et dépassent les « frontières » des régions sous le contrôle des séparatistes, il sera difficile d’imaginer une reprise des négociations à court terme.
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