Le 24 février 1956: le rapport secret de Nikita Khrouchtchev fuite
Les journalistes ont déjà quitté la salle quand le Premier secrétaire du Parti communiste prend la parole. Devant un public ébahi, Khrouchtchev dénonce alors les crimes de Staline.
La mort de Joseph Staline, le 5 mars 1953, pose un problème: qui va lui succéder? Dans l’ attente d’une solution, un triumvirat est mis en place. Lavrenti Beria, Viatcheslav Molotov et Gueorgui Malenkov sont chargés d’assurer la transition. Aucun d’eux ne le fait d’ ailleurs sans ambitions. En charge de la police politique, Beria se comporte déjà comme un tsar. Mais on craint son orgueil autant que son goût des réformes. Dès le mois de décembre de la même année, il est éliminé. Littéralement. Molotov, ancien bras droit de Staline et véritable star de la politique étrangère, a des airs d’héritier idéal. Il ne parviendra pourtant pas à s’ assurer les soutiens nécessaires. C’ est donc Malenkov, provisoirement placé à la tête du gouvernement, qui apparaît comme le futur homme fort… mais aussi comme l’homme à abattre. Après trois années, l’inattendu Nikita Khrouchtchev lui vole la vedette et s’empare du pouvoir.
Le 24 février, en soirée, c’est pratiquement un non-événement qui semble sur le point de s’achever.
En attendant, le décès du « petit père des peuples » a affaibli le régime. Des soulèvements populaires n’ont-ils pas éclaté dès l’été suivant, dans les rues de Berlin Est comme dans certains camps soviétiques? Plus que d’autres, Khrouchtchev a conscience du danger. Et s’ il a su s’allier à de fidèles staliniens, il connaît aussi le caractère encombrant de l’ héritage. C’est la raison pour laquelle il prépare un virage.
Le XXe congrès du Parti communiste de l’ Union soviétique s’ouvre le 14 février 1956. Dans la salle se trouvent des délégués venus des quatre coins de l’URSS, ainsi que de l’ étranger. Pour autant, et même si ce congrès est le premier depuis la mort de Staline, on n’en attend rien de particulier. Le 24 février, en soirée, c’ est pratiquement un non-événement qui semble sur le point de s’achever.
C’est alors que s’annonce une ultime séance. A huis clos. Khrouchtchev se lève et, durant quatre heures, prononce une véritable diatribe contre Staline, cet homme « censé tout savoir, tout voir, penser pour tout le monde, pouvoir tout faire et être infaillible ». Il l’ accuse d’ erreurs stratégiques, de nombreuses exécutions et d’une vanité sans fin. Si l’ icône n’est pas renversée, elle vacille. Stupéfaits, les 1 430 délégués reçoivent l’ ordre de garder pour eux ce à quoi ils viennent d’ assister.
Mais le silence est rare ; le rapport fuite. Dès mars, des extraits paraissent dans la presse occidentale. Sur le plan diplomatique, le monde capitaliste se trouve encouragé à répondre favorablement au modèle de « coexistence pacifique » proposé par Moscou. Dans les années qui suivent, les rencontres au sommet entre Soviétiques et Occidentaux se multiplieront. Sur le plan intérieur, la déstalinisation devient le nouveau programme officiel. Soudainement, les martyrs du Goulag se sentent reconnus. Pour autant, pas de réforme en vue: si « Monsieur K » ose cette grande manoeuvre, c’est moins pour libéraliser son régime que pour consolider sa puissance.
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