Élections législatives en France: le temps de la revanche (analyse)
Le président Macron obtiendra-t-il une majorité lors des législatives de juin? Les oppositions s’activent pour l’en empêcher. Mais forger des alliances autour de la gauche et de la droite extrêmes s’apparente à une course d’obstacles.
A entendre les responsables politiques qui ont lancé la campagne au soir de la réélection d’Emmanuel Macron, et même avant dans le chef du leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, la bataille pour les élections législatives des 12 et 13 juin prochains se focalisera autour des trois pôles arrivés en tête du premier tour du scrutin suprême, l’actuelle majorité présidentielle, la famille nationaliste et la gauche radicale. Conclusion hâtive? Oui, si l’on considère que le Parti socialiste et les Républicains, bien que laminés par les résultats enregistrés par leurs candidates respectives le 10 avril, conservent un fort ancrage local et mettront tout en oeuvre pour s’en servir comme bouée de sauvetage pour leur survie.
Le politicien-tribun Jean-Luc Mélenchon entretient la mobilisation de ses troupes, quitte à rudoyer la démocratie.
Il n’empêche, la marginalisation de ces piliers de la vie politique française est en bonne voie. Il aura fallu attendre avant que le Parti socialiste ne soit convié aux négociations en vue de la formation d’une coalition de gauche sous l’égide de La France insoumise, et quand il est question des Républicains, c’est surtout pour estimer qui, de La République en marche ou de l’extrême droite, aggravera leur dépeçage.
Majorité plus dispersée?
Dans la tradition de la Ve République, le peuple de France a coutume de donner au président élu la majorité dont il a besoin pour gouverner, aidé en cela par le scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Dans la France aussi éclatée et aussi défiante envers le politique qu’elle l’est aujourd’hui, le scénario semble moins évident. D’autant que le président sortant n’a pas spécialement oeuvré pour transformer sa création, La République en marche, en laboratoire à idées et en machine électorale.
La majorité présidentielle de la législature sortante, composée de La République en marche, du Mouvement démocrate (MoDem) de François Bayrou et du groupe parlementaire Agir ensemble, créé autour du parti Agir du ministre du Commerce extérieur Franck Riester, pourrait s’avérer insuffisante. Elle pourrait trouver des renforts dans le nouveau parti Horizons, de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, voire auprès d’élus des Républicains fatigués de péricliter dans l’opposition. Le Canard enchaîné du 13 avril indiquait ainsi que le soutien apporté la veille par l’ancien président Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron pour le deuxième tour de l’élection aurait été « négocié » contre une garantie de « protection » de trente candidats LR aux législatives, auxquels ne seraient pas opposés de candidats macronistes. Rencontre improbable entre les grands idéaux et les petits arrangements électoraux.
L’isolement de Zemmour
Les intentions sont peut-être tout aussi prosaïques chez Eric Zemmour. L’avenir de son parti, Reconquête!, après un premier tour de l’élection présidentielle frappé du sceau de l’échec en regard des espoirs qu’il avait suscités, peut se jouer lors des législatives. C’est sans doute la raison pour laquelle il a prestement réitéré son appel à l’union des droites au soir du second tour, en espérant fédérer le Rassemblement national, Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan et l’aile droite des Républicains.
Démarche incongrue sur le fond: c’est le parti de Marine Le Pen qui a indubitablement la main dans cette opération. Et maladroite sur la forme: rappeler que c’était « la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen » n’ était sans doute pas de la meilleure manière d’engager des négociations. Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, l’a immédiatement signifié en indiquant ne pas vouloir s’enfermer dans une alliance avec Reconquête!. Et le porte-parole de Marine Le Pen, le député Sébastien Chenu, a enfoncé le clou le lendemain en des termes encore plus tranchants: « Je crois que dimanche soir, par les attaques, par les mises en cause personnelles, [Eric Zemmour] a fermé la porte à toute possibilité d’alliance. Peut-être le faisait-il dans cet esprit-là. »
L’ambition de Mélenchon
Au sein de la gauche, c’est la tentation hégémonique qui guettait à partir du moment où Jean-Luc Mélenchon l’avait placée sous son emprise en ravissant la troisième place du premier tour de l’élection présidentielle, à 1,2% seulement de Marine Le Pen. Dès le mardi 19 avril, le leader de La France insoumise, qui est par nature peu enclin aux concessions idéologiques, avait demandé aux Français de l’élire Premier ministre… Entendez: octroyer à l’Union populaire au nom de laquelle il a concouru pour la présidentielle une majorité de sièges à l’Assemblée nationale pour faire barrage à la politique d’Emmanuel Macron.
Le dirigeant de la gauche radicale sait le pari irréalisable sans coalition. Des négociations ont donc été lancées avec Europe Ecologie Les Verts, avec le Parti communiste de Fabien Roussel, avec le Nouveau parti anticapitaliste de Philippe Poutou et, même, avec le Parti socialiste. En milieu de semaine, les avancées les plus sérieuses étaient observées avec les écologistes. Il est vrai que l’échec de Yannick Jadot dans la course à l’Elysée, où il n’a récolté que 4,63% des voix, remet en cause la prévalence accordée à l’aile pragmatique du mouvement, qu’il représente, au détriment de la frange la plus radicale, personnifiée par Sandrine Rousseau, sa rivale des primaires. Un ralliement à l’écurie de l’Union populaire est donc possible. Mais cette alliance, même conjuguée à celles avec le PC et le NPA, ne donnera pas une majorité à la gauche le soir du 19 juin. Jean-Luc Mélenchon le sait aussi. Mais en prétendant pouvoir « défaire » le président réélu, le politicien-tribun entretient la mobilisation de ses troupes jusqu’en juin, quitte à rudoyer la démocratie.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici