Gérald Papy
C’est la hess de Gérald Papy: des dirigeants ne devraient pas dire ça… (chronique)
C’est comme si l’audace des sanctions prises contre la Russie grisait certains responsables européens.
Bien sûr, c’est à la fin de cette période dramatique de l’histoire de l’Europe que l’on pourra évaluer le courage des uns et la lâcheté des autres, la folie de ceux-ci et le sens des responsabilités de ceux-là, l’habileté de beaucoup et la perversité de quelques-uns.
Evidemment, le contexte d’un conflit nourri par des mythologies fantasmées, des erreurs stratégiques, des péchés d’arrogance et des envies de revanche rend particulièrement complexes l’analyse de la réalité, la distinction de la propagande et de l’information, et la recherche de la vérité.
Il n’empêche, après deux semaines de combats qui ont sans doute coûté la vie à des milliers de civils ukrainiens et de militaires ukrainiens et russes, on est en droit de questionner quelques prises de parole qui, si elles n’ont rien de comparable avec le comportement brutal et cynique de Vladimir Poutine, ne concourent pas, dans le camp des Européens directement confrontés à ses intentions belliqueuses, à installer le climat de responsabilité et de gravité qui devrait présider aux relations diplomatiques en ces temps incertains. Comme si l’audace et la puissance des sanctions prises unanimement contre la Russie après l’invasion grisaient certains responsables au point de leur faire perdre le contact avec une réalité plus tragique qu’imaginé.
Commentant la demande d’adhésion à l’Union européenne de l’Ukraine le 27 février, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, croit opportun de proclamer: « Ils font partie de nous et nous voulons qu’ils nous rejoignent. » Rétropédalage le lendemain de la part de son porte-parole: « Elle a clairement fait référence au fait que l’Ukraine a une perspective (d’adhésion). […] Elle a exprimé son point de vue. Ce n’est pas elle seule qui décide. » Même si les ambassadeurs des Vingt-Sept auprès de l’Union ont chargé la Commission, le 7 mars, de formuler ses recommandations sur cette demande, anticiper l’issue de son examen ne change rien à la conduite de la guerre, conforte la partie russe dans la conviction d’être dans son « bon droit », et, sur un autre plan, fait fi des règlements européens et attise l’incompréhension des autres prétendants laissés sur le carreau.
Evoquant les sanctions économiques européennes contre Moscou, le ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, se fait menaçant, le 1er mars au micro de Franceinfo: « Nous allons mener une guerre économique et financière totale à la Russie, à Vladimir Poutine. » Après une réplique sur Twitter de l’ancien président russe Dmitri Medvedev rappelant que « dans l’histoire, les guerres économiques se sont souvent transformées en guerres tout court », reculade du « grand argentier » qui reconnaît que le terme « guerre » n’était pas approprié. Une mise au point d’autant plus bienvenue que son patron, Emmanuel Macron, s’échine à répéter que la France n’ est pas en guerre avec la Russie.
Le président français est un des rares Occidentaux à encore avoir l’oreille du maître du Kremlin. Et cela, même après des propos non de lui mais de son équipe à l’Elysée, qui, le 21 février, après la reconnaissance par Vladimir Poutine de l’indépendance des républiques séparatistes de l’est de l’Ukraine, avait invoqué « un discours accusatoire mais aussi rigide et paranoïaque ». Le penser était sans doute fondé. L’affirmer publiquement était-il judicieux? L’histoire le dira. On est impatient de lire les mémoires d’Emmanuel Macron sur ces moments historiques, dans quelques années.
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