Réactions à la réforme du travail: « Un travail de nuit au rabais sur le modèle Post NL »
Ce mardi, le Premier ministre Alexander De Croo a présenté les premiers éléments de l’accord sur le marché du travail. Les réactions ne se sont pas fait attendre.
« Pas une seule mesure digne de ce nom »
L’accord sur la réforme du marché du travail trouvé dans la nuit ne contient pas une seule mesure d’activation digne de ce nom, a réagi mardi matin le président de la N-VA, Bart De Wever.
Pour le chef de l’opposition nationaliste flamande, avec cet accord la Vivaldi prouve à nouveau qu’elle est du côté des non-actifs. « Alors que les entreprises peinent à trouver de la main-d’oeuvre tandis que deux millions de Belges sont inactifs, où sont les grandes mesures d’activation? Où sont les véritables réformes? Notre marché du travail est en feu et le gouvernement De Croo vient avec une goutte d’eau », a renchéri le député N-VA Björn Anseeuw.
Le PTB dénonce davantage de dérégulation et de flexibilité
L’opposition PTB a dénoncé l’accord. « Sous couvert de « projet pilote » et de « décision volontaire » le gouvernement veut déréguler plus encore le droit du travail en permettant le travail de nuit de 20h00 à minuit sans sursalaire, ni accord syndical, ainsi qu’en introduisant la journée de 10h. Inacceptable pour le monde du travail! », a réagi sur Twitter le président de la formation marxiste, Raoul Hedebouw. Alors que l’on constate une hausse du stress au travail, des burn-outs et des maladies de longue durée, la majorité Vivaldi ne fait encore qu’augmenter la flexibilité, juge la formation de gauche radicale pour qui il s’agit là tout bonnement d’une « réforme sur mesure pour les patrons, pas la classe travailleuse ».
Sous couvert de « projet pilote » et de « décision volontaire » #begov veut déréguler plus encore le droit du travail en permettant le travail de nuit de 20h à minuit sans sursalaire, ni accord syndical, ainsi qu’en introduisant la journée de 10h. Inacceptable pr le monde du travail!
— Hedebouw Raoul (@RaoulHedebouw) February 15, 2022
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Le PTB ironise aussi sur le caractère volontaire des mesures de l’accord. « On peut décider ‘volontairement’ de travailler la nuit sans prime ou ‘volontairement’ faire des journées de travail de 10h. Les syndicats sont mis hors-jeu. Comme si un travailleur seul face à son patron était libre ».
Les syndicats « consternés » par l’accord sur le travail de nuit
Le front commun syndical réagit avec « consternation » à l’accord sur le travail de nuit. L’exécutif « se fait l’écho des demandes de patronales en essayant de mettre hors-jeu la concertation dans tous ses aspects, sans aborder sérieusement la question globale de l’e-commerce », dénoncent dans un communiqué conjoint les syndicats socialiste, chrétien et libéral.
Les organisations estiment que gouvernement et patronat font preuve d’une « vision étriquée » qui « n’apportera pas le souffle nécessaire pour pérenniser le secteur de la distribution ». Elles rappellent que « plus de 500.000 travailleurs, au bas mot, sont concernés » par l’e-commerce.
« Le gouvernement s’était engagé à une conférence large sur le sujet. Une fois de plus, il a dupé les travailleurs en trouvant des accords dans les salons feutrés du kern et avec l’aide de (la fédération du commerce et des services) Comeos », flinguent les syndicats.
Pour ces derniers, l’objectif est de « mettre en place un travail de nuit au rabais sur le modèle Post NL, avec des emplois précaires ».
« Nous continuerons le travail commencé, à savoir un vrai débat sur l’e-commerce et l’avenir du commerce, à la loyale, dans le secteur et dans les entreprises », avertissent les syndicats. « La paix sociale se gagne, mais pas auprès du gouvernement en faisant du lobby », concluent-ils.
A noter que si l’accord a été salué par le patronat francophone, Comeos et l’UCM en tête, l’accueil est nettement plus froid au nord du pays, où le Voka le juge trop léger tandis que l’Unizo évoque une « occasion manquée ».
La société de livraison de repas Deliveroo a réagi avec satisfaction aux premiers éléments de l’accord sur la réforme du marché du travail dont les détails sont présentés ce mardi matin. L’accord en question n’exclut pas le statut d’indépendant pour les coursiers. L’entreprise se dit également satisfaite par rapport à l’obligation d’être assuré pour les accidents du travail.
L’accord comprend également une réglementation pour les employés de l’économie de plateforme, comme Deliveroo et Uber. Huit critères sont définis pour décider si une personne doit être considérée comme un indépendant ou un salarié. Tous les collaborateurs devront également être assurés contre les accidents du travail. Pour Deliveroo, cette assurance obligatoire représente déjà un pas en avant. « La protection est la chose la plus importante. Jusqu’à présent, nous ne pouvions pas proposer cette assurance, car elle aurait été considérée comme une raison de requalifier le statut. Cet accord va changer cela », a précisé le porte-parole Rodolphe Van Nuffel. « L’accord n’exclut pas que nos coursiers puissent être indépendants. C’est une chose dont nous nous réjouissons », a-t-il ajouté.
Une « occasion manquée », pour Agoria
L’accord sur une réforme du travail, dégagé dans la nuit de lundi à mardi par le Comité ministériel restreint, est une « occasion manquée », a estimé mardi matin Agoria. La fédération de l’industrie technologique déplore un manque d’incitation financière à l’emploi et une flexibilité d’apparat, de sorte qu' »aucune étape majeure n’a été franchie depuis l’accord budgétaire d’octobre ».
« Cet accord ne conduit pas à un taux d’emploi de 80% », juge d’emblée Jeroen Franssen, expert en politique du marché du travail chez Agoria. C’est pourtant l’objectif que s’est fixé le gouvernement d’ici 2030, alors qu’actuellement le taux d’emploi dépasse à peine 71% dans notre pays, avec de fortes disparités régionales. Pour redynamiser le marché de l’emploi, Agoria estime qu’il faut mieux marquer financièrement la différence entre « travailler et ne pas travailler », un pas que ne franchit pas le gouvernement, selon la fédération.
Dans l’accord budgétaire d’octobre 2021, le gouvernement semblait vouloir supprimer la contribution spéciale pour la sécurité sociale, note M. Franssen. Mais cette suppression est devenue une réduction progressive étalée sur huit ans, laissant « un montant (net pour les travailleurs et travailleuses) pour lequel peu de gens franchiront le pas entre l’inactivité et le travail », estime-t-il.
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La réforme prévoit par ailleurs une plus grande flexibilité du travail, comme le fait de concentrer une semaine de travail sur quatre jours. Toutefois, c’était déjà « possible depuis des années via une convention collective de travail », pointe l’expert d’Agoria, qui déplore « un casse-tête RH toujours plus difficile ». Seule note positive aux yeux d’Agoria: la réforme prévoit la possibilité de travailler pour un autre employeur durant leur période de préavis. Cette transition, permettant de racheter une partie du préavis et d’offrir une formation pendant cette période, est « rafraîchissante » mais reste « une note de bas de page dans l’ensemble » de la réforme, conclut Agoria.
L’accord est « trop léger » selon le Voka, une « occasion manquée » pour Unizo
L’accord contient trop peu de mesures pour atténuer les tensions sur le marché du travail et augmenter le taux d’emploi selon l’organisation patronale flamande Voka. Selon elle, l’accord est « trop léger », précise-t-elle dans un communiqué mardi. L’organisation de travailleurs indépendants Unizo estime pour sa part que c’est une occasion manquée de « faire entrer réellement le marché du travail dans le XXIe siècle », souligne le directeur général Danny Van Assche dans un communiqué de presse.
« L’accord sur le travail n’offre aucune solution aux nombreuses entreprises qui cherchent aujourd’hui à recruter de nouveaux employés« , explique Voka. En outre, l’organisation voit une flexibilité et des droits sociaux supplémentaires pour les employés, mais pas pour les employeurs. « Les employés gagnent en flexibilité grâce à la possibilité de la semaine de quatre jours et au droit à la déconnexion. Mais cette flexibilité ne s’applique pas aux employeurs », précise le directeur général Hans Maertens. « Ces mesures ne conduiront pas à plus d’emplois, mais à une organisation du travail plus difficile pour l’employeur. » Pour Unizo en revanche, la possibilité d’avoir des semaines de quatre jours répond aux préoccupations actuelles.
Le Voka reconnaît toutefois qu’une « première étape » est franchie pour rattraper le retard en matière de commerce électronique. Unizo se montre particulièrement critique de son côté concernant le volet relatif à l’économie de plate-forme. L’organisation craint que dorénavant, chaque indépendant travaillant via une plateforme doive prouver qu’il est bien un indépendant et non un salarié. « La proposition ignore le fait que l’économie de plateforme n’est pas un secteur, mais un outil que chaque secteur économique utilise dans une plus ou moins grande mesure », indique-t-elle, concluant par ailleurs qu’elle regrettait que « l’accord a été conclu sans les partenaires sociaux ».
Cette réforme ne satisfait pas davantage la Ligue des familles. « Il est évident que cette mesure ne répond pas aux défis actuels de la vie de famille », a réagi l’organisation. Qui considère que d’autres mesures auraient été plus adaptées pour favoriser l’équilibre vies privée/professionnelle, comme un congé parental mieux rémunéré. « La vie de parent est déjà une course contre la montre entre horaires de travail, d’école, de crèche, d’activités des enfants », dénonce Christophe Cocu, directeur général. « Une journée de travail de 9h30, sans compter le temps de midi, accroîtrait encore les difficultés voire rendrait impossible d’aller conduire et chercher ses enfants à l’école ou à la crèche. »
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