Comment Georges-Louis Bouchez met en danger l’avenir des ministres MR (analyse)
Après la rupture du cordon sanitaire par Georges-Louis Bouchez, allé débattre avec Tom Van Grieken à la VRT, la position du Mouvement réformateur dans les majorités fédérées, en Wallonie et à la Fédération Wallonie-Bruxelles, est toujours plus incertaine.
« La bonne conduite à l’encontre des formations ou partis qui, manifestement, portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique est définie de la manière suivante : […] 11. Refuser de participer à tout débat télévisuel ou radiophonique auquel un mandataire issu de ces formations ou partis participerait. »
En débattant à la VRT (en français) avec le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken, Georges-Louis Bouchez a enfreint le code de bonne conduite cosigné en 2002 par Isabelle Durant (Ecolo), Elio Di Rupo (PS), Joëlle Milquet (PSC) et Daniel Ducarme (MR), présidents de leurs partis respectifs à l’époque.
Ce faisant, le Montois est passible de sanctions de la part de son propre parti. Mais c’est surtout son parti que les autres envisagent de plus en plus explicitement de sanctionner.
Ce code établit en effet très précisément le comportement que doivent adopter les membres de ces partis envers des militants d’extrême droite, et il est incontestable qu’il n’a pas été respecté par le président du Mouvement réformateur. Celui-ci a d’ailleurs contrevenu aux propres statuts qu’il a fait adopter à son parti à l’automne dernier : chaque candidat réformateur doit signer un code de bonne conduite qui exige le respect du code de 2002, et, selon l’article 12, paragraphe 5 des nouveaux statuts auquel un mandataire issu de ces formations ou partis participerait. »
En débattant à la VRT (en français) avec le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken, Georges-Louis Bouchez a enfreint le code de bonne conduite cosigné en 2002 par Isabelle Durant (Ecolo), Elio Di Rupo (PS), Joëlle Milquet (PSC) et Daniel Ducarme (MR), présidents de leurs partis respectifs à l’époque. réformateurs, « quand les circonstances l’exigent et/ou que le code de bonne conduite du MR n’est pas respecté par un membre ou un mandataire, le/la président(e) peut prendre toute décision disciplinaire en urgence. Le Conseil de conciliation et d’arbitrage est l’organe de recours de cette décision. » On peut raisonnablement supposer que Georges-Louis Bouchez ne se blâmera pas lui-même, mais le communiqué de presse qu’il a fait envoyer, le samedi 23 avril, semble indiquer qu’il ne contreviendra plus à un texte qu’il fait lui-même signer.
L’enfreinte laissera néanmoins des empreintes. Dans son parti, donc dans les autres, et donc, en retour, encore dans son parti.
« Bonsoir cher Georges-Louis »
Le communiqué envoyé le vendredi 22, cosigné par les présidences des trois autres partis signataires du code de 2002 (Rajae Maouane et Jean-Marc Nollet pour Ecolo, Paul Magnette pour le PS et Maxime Prévot pour Les Engagés), exigeait « des instances habilitées du MR » de clarifier leur position d’ici au lundi 25, « à midi ». Il était lourd d’une menace très bien comprise : ensemble, ils disposent d’une majorité au parlement de Wallonie (45 sièges sur 75) et à la Fédération Wallonie-Bruxelles (55 sièges sur 94). C’est pourquoi DéFI (en 2002, le FDF était une composante du MR et n’a donc pas directement signé le code de bonne conduite) n’a pas été associé à l’initiative. « Le signal était beaucoup plus clair sans DéFI », justifie-t-on au siège d’un des trois concernés. Il était en effet si clair que, dans le groupe WhatsApp de discussion du Bureau élargi du MR, c’est le vice-président du gouvernement wallon, Willy Borsus, qui, dès vendredi soir, demandait une discussion sur le sujet.
« Bonsoir cher Georges-Louis, bonsoir chères amies, chers amis. A la suite de mon analyse, d’un certain nombre de réactions et d’analyses qui me reviennent sur le sujet, je souhaiterais qu’un bureau élargi soit convoqué ce lundi matin avec, à son ordre du jour, « le cordon sanitaire : position et expression à ce propos ». Je t’en remercie vivement et reste d’ici là naturellement à l’écoute de chacune et de chacun. Amitiés. Willy », écrivait-il.
Dans la minute qui suivit, le ministre-président du gouvernement de la Fédération Wallonie- Bruxelles l’appuyait avec un « Tout à fait d’accord avec Willy », puis les autres ministres – à l’exception du jeune Adrien Dolimont et de Sophie Wilmès, tenue éloignée de ces sujets polémiques pour des raisons personnelles -, ainsi qu’une série de parlementaires.
Tous avaient ressenti durement cette rupture du cordon sanitaire. Et aucun n’ignorait que leur participation aux gouvernements wallon et francophone était, une fois encore, remise en cause à la suite de prises de position de leur président de parti. Ces ministres, qui ont tous soutenu Georges-Louis Bouchez lors de la campagne présidentielle interne, à l’automne 2019, risquent de perdre leur ministère à cause de celui qu’ils ont porté à sa position actuelle. Le communiqué du samedi s’imposait donc, et PS, Ecolo et Engagés en prirent acte.
« Combien de fois faudra-t-il encore subir des provocations, des agressions, des dérapages ? Je le note, le dossier s’alourdit de mois en mois. C’est important qu’un partenaire soit correct à tous égards et que quand on a pris des engagements, on les respecte. Heureusement qu’il y a eu cette réaction extrêmement rapide, car c’était un vrai problème politique, on en aurait discuté et on en aurait tiré les leçons », tempêtait Paul Magnette, président du Parti socialiste, dimanche midi, sur RTL-TVi.
Dès le lendemain pourtant, dans les colonnes du Soir, Georges-Louis Bouchez limitait la portée de la réaction. « Ce communiqué, j’ai pris l’initiative de l’écrire. Ce n’est pas un mea culpa. Vous y voyez la moindre contestation de ma participation au débat ? Non ! Mais on ne voulait pas faire perdurer la polémique. »
Enième redite
Des propos ou des actes qui font polémique, une réaction d’hostilité unanime, une manière de courbe rentrante, et puis, non, pas de mea culpa : l’énième redite de ce cycle a fini de convaincre, chez les verts et chez les rouges, que ces majorités socialistes-libérales-écologistes n’allaient pas aller au bout de la législature. Au Parti socialiste, le ministre-président wallon Elio Di Rupo est le moins enthousiaste à l’hypothèse d’une motion de méfiance constructive qui viserait son gouvernement. Mais, dès mai 2020, en bureau de parti, il s’était déjà montré disposé à agir. « Si on m’en donne le mandat, je changerai de majorité en Wallonie », avait-il déclaré à ses camarades de parti. C’était juste après un accord fort difficile à obtenir entre les trois partis du gouvernement wallon sur le tarif prosumer.
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Depuis, « des provocations, des agressions, des dérapages », il y en eut encore : au fédéral, les tensions sont presque quotidiennes. Les gouvernements des entités fédérées en sont relativement préservés, leurs membres s’y entendent bien. Mais l’épisode prosumer ou celui du décret Crucke en Wallonie, comme les tardives pudeurs du MR sur le changement du calendrier scolaire en Fédération Wallonie-Bruxelles, montrent que Willy Borsus et Pierre-Yves Jeholet, chefs de file libéraux dans leurs exécutifs respectifs, ne sont pas aussi autonomes de leur président de parti que leurs partenaires le voudraient. Chez Ecolo, même Stéphane Hazée, aussi influent que respecté en interne, semble avoir perdu patience. Alors qu’il avait, lors de la phase finale des négociations de la Vivaldi, été des plus fermement opposés à expulser le MR de tous les gouvernements, il a exprimé le 23 avril une assez lisible exaspération.
« Jusqu’à quand les élus et membres de ce Grand Old Party accepteront-ils ce naufrage ?« , a-t-il twitté après la rupture par Georges-Louis Bouchez du cordon sanitaire avec l’extrême droite, concluant par un menaçant « Quousque tandem… », que même ceux qui n’ont pas appris le latin comprendront : c’était ce qu’avait lancé Cicéron à Catilina, quelques semaines avant la fuite, puis la capture et la mort de ce dernier.
Comment ?
En soi, le débat avec Tom Van Grieken n’aurait pas suffi à mener à bien la conjuration rouge-verte. « Mais s’il avait tardé à répondre, et si l’agitation avait duré plus longtemps, avec les discours du 1er mai en prime, oui, nous aurions fait appeler à un changement de majorité », assure un député socialiste wallon. Un Ecolo appuie : « On ne peut pas faire ça en deux jours, les gens n’auraient pas eu le temps de comprendre de quoi il s’agissait. Mais on est prêts. Plus personne ne s’y opposera si l’occasion se présente. » « On ne tiendra plus deux ans« , ajoute même un membre d’un gouvernement.
Mais l’occasion, ici, n’en aura pas été une. « Il y en aura d’autres, ça, vous pouvez déjà l’écrire », rigole un autre parlementaire. Pas nécessairement sur des dossiers portés par des ministres, car ils sont balisés par des accords de gouvernement plutôt précis. Plutôt, anticipe-t-on à Namur et à Bruxelles, sur une de ces polémiques lancées ponctuellement par Georges-Louis Bouchez depuis Twitter ou les grands médias. Un peu partout, déjà, on fait remarquer qu’élargir la nouvelle majorité à un partenaire plus petit donnerait un ou deux mandats ministériels supplémentaires aux verts et aux socialistes : le PS pourrait se voir attribuer la ministre-présidence de la Fédération et Ecolo récupérer un ministère wallon.
Avec qui ?
Mais verts et rouges ont beau hausser leurs comminatoires annonces et menacer le Mouvement réformateur des pires douleurs prochaines, ils n’en disposent pas pour autant d’une majorité au parlement de Wallonie et à celui de la Communauté française. Les Engagés sont en train de boucler leur processus de refondation interne et devront être convaincus d’entrer dans de jeunes majorités dites « olivier ». Maxime Prévot a, depuis l’été, déjà laissé entendre que sa formation se montrerait ouverte à d’éventuelles discussions afin d’intégrer des exécutifs. L’image de sérieux gestionnaires que se promettent de porter ces Engagés-là pourrait se trouver renforcée : ils seraient en effet appelés, eux qui se targuent tant d’être là pour « mettre les mains dans le cambouis », pour mettre un terme à une demi-législature de déclarations perturbatrices et de polémiques incessantes attribuées à un partenaire beaucoup trop turbulent. Qui lui, du coup, en traverserait de sévères, des turbulences.
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