Christian Brüls : « Je peux dire que j’ai presque tout vu dans le monde du football »
Bien emmenés par leur vaillant milieu de terrain, Christian Brüls, les Trudonnaires reviennent comme un boulet de canon vers le top 8 et les Europe play-offs. Le très expérimenté germanophone signe l’une de ses plus belles saisons en Pro League à 33 ans. Il s’est livré pour nous sur les ambitions de Saint-Trond en fin de saison et sur son parcours atypique dans le monde du football. Entretien exclusif avec un joueur devenu bourlingueur.
Christian Brüls a tout connu ou presque dans sa carrière. Depuis ses débuts à Eupen en 2005, le milieu de terrain germanophone a beaucoup voyagé. De Maastricht à Saint-Trond, en passant par le soleil de Nice et bien d’autres destinations, il a acquis de l’expérience qu’il met au service de son équipe actuelle pour marquer mais aussi pour aider les plus jeunes. Avant la trêve internationale, le Trudonnaire apparaissait dans notre équipe-type du week-end. Avec un but et un assist dans un match où on ne voyait que lui, il nous prouve une fois encore qu’il est un des meilleurs joueurs de notre Pro League. Nous l’avons rencontré au centre d’entraînement de son équipe, situé en plein coeur de Saint-Trond, pour un entretien en toute décontraction.
Le STVV réalise une superbe remontée au classement. Saint-Trond n’a plus perdu depuis le 28 janvier. Vous êtes actuellement sur une série de 7 matchs sans défaite. Comment expliquez-vous cette réussite actuelle ?
CHRISTIAN BRÜLS : « Je pense qu’on a bien travaillé ensemble depuis le début du championnat et ça a fini par payer. On a toujours pris le championnat comme un marathon et on savait que ce serait dans les matchs de fin de saison qu’on pouvait obtenir les points les plus importants. Il faut aussi dire que ça tourne bien pour nous en ce moment mais, peu importe le résultat, on veut toujours montrer une belle mentalité sur le terrain. Nous, on se bat de la première à la dernière minute à chaque match. »
Vous êtes actuellement à la 8e place à égalité avec le KRC Genk mais avec une différence de buts défavorable. Est-ce possible d’aller chercher le top 8 devant votre rival limbourgeois ?
BRÜLS : « Je sais que par rapport à la différence de buts, on est loin d’eux. On est donc 9e au classement et s’ils gagnent leurs deux matchs, ce sera terminé. Nous, on ne regarde que le prochain match de ce samedi à Zulte. On doit aller là-bas pour prendre les 3 points et continuer notre belle série. On verra quelle est notre position en fin de saison. »
Récemment vous avez battu, votre éternel rival, Genk (le 13 mars). Qu’est-ce que cela signifie pour votre équipe et vos supporters de gagner ce derby ?
BRÜLS: « C’est un derby important pour Saint-Trond. On a battu Genk pour les supporters, pour le club et pour la ville. Pour nous les joueurs, peu importe contre qui on joue on doit prendre les 3 points. Dans ce cas-ci, c’était 3 points importants qu’on voulait aussi gagner pour les supporters. »
Vous affrontez successivement Zulte-Waregem puis le Standard, deux équipes en bas de tableau. Comment vous préparez-vous pour les deux derniers matchs de la phase classique ? Visez-vous un 6/6 contre ces deux équipes ?
BRÜLS: « On ne s’intéresse qu’au match de Zulte pour le moment. On doit aller là-bas pour gagner. On sait qu’aller à Zulte n’est jamais facile, surtout qu’eux se battent pour ne pas descendre donc ils vont tout faire pour gagner. C’est pour ça qu’on ne pense qu’à ce match-ci pour le moment. On verra ensuite, en fonction du résultat, comment on abordera le match suivant face au Standard. »
Saint-Trond a la sixième meilleure défense du championnat avec seulement 40 buts encaissés. Est-ce qu’il y a un travail spécifique demandé par votre entraîneur, Bernd Hollerbach ?
BRÜLS: « On défend un peu plus en bloc, ça veut dire que l’attaquant est le premier défenseur. Peu importe la position qu’on occupe sur le terrain, on défend toujours en étant groupé. Puisque ça commence devant, toute l’équipe doit défendre. Il n’y a pas une seule seconde où on peut se permettre de récupérer. C’est la raison pour laquelle on est dur à jouer. S’il n’y a aucune équipe qui nous a fait tourner cette année en championnat, c’est parce qu’on bouge chaque seconde sur le terrain pour presser l’adversaire. »
As-tu déjà connu d’autres situations comme celle-ci où tu as dû défendre autant en tant qu’attaquant ?
BRÜLS: « C’est dur de citer un coach en particulier mais je pense que je n’ai jamais autant couru que cette année. »
Vous êtes un peu moins efficaces aux avant-postes. Votre équipe n’a mis que 37 buts et n’est pas l’une des plus prolifiques du championnat. Y a-t-il a des raisons qui expliquent ces difficultés ?
BRÜLS: « Je pense qu’on a raté beaucoup d’occasions toutes faites qu’on aurait devait mettre. Point. Il ne faut pas se chercher des excuses. Cela étant, on sait bien qu’un match on le gagne avec un but d’écart. Si on n’encaisse pas, un but d’écart c’est suffisant pour gagner. Notre philosophie est de garder le 0 derrière et puis ce sont des détails qui peuvent décider du match. »
Je suis venu à Saint-Trond pour ça. Depuis que je joue au foot, j’ai la responsabilité d’être décisif pour le club avec lequel je joue.
Christian Brüls
A titre personnel, tu as mis 7 buts et 6 assists cette saison. Tu es donc impliqué dans 13 des 37 buts de ton équipe en championnat, c’est-à-dire, plus d’un but sur trois. Est-ce que ça pèse sur tes épaules de toujours devoir assurer l’efficacité de ton équipe ?
BRÜLS: « Non, absolument pas. Je suis venu à Saint-Trond pour ça. Depuis que je joue au foot, j’ai la responsabilité d’être décisif pour le club avec lequel je joue. Maintenant, je dois apporter mon expérience pour faire la différence, marquer ou faire des passes décisives. Ça me fait plaisir d’être important pour l’attaque comme pour la défense. Avoir cette responsabilité, ça fait partie du football et je dois l’accepter. »
Votre bonne série en cours intervient justement après la période des transferts hivernaux. Saint-Trond était assez actif sur le marché des transferts et a notamment fait venir la vedette Shinji Kagawa. Qu’est-ce que ça fait de jouer avec un joueur qui a une telle expérience ?
BRÜLS: « Ça fait plaisir d’avoir un joueur comme lui dans le groupe. Quand tu le vois jouer, tu remarques vite qu’il a fait partie du top mondial. C’est plus le Shinji qu’on a connu il y a 10 ans à Dortmund mais il sait toujours très bien jouer au football. C’est agréable de jouer avec lui à l’entraînement mais on le respecte au même titre que tous les autres joueurs. On ne fait pas de différences avec des jeunes qui viennent pour la première fois en équipe première. »
Etais-tu inquiet de voir arriver un joueur d’un tel standing qui joue à la même place que toi ?
BRÜLS: « Non, ce n’est que du positif pour nous. Même en dehors du terrain, il donne son expérience à tout le monde. C’est quelque chose qu’on apprécie beaucoup. Un joueur de cet âge est aussi là pour responsabiliser les jeunes. Pour moi, ça n’a rien changé. Je connais ma position dans ce club. Je n’ai jamais eu peur pour ma place. »
Shinji Kagawa n’est pas le seul japonais qui fait partie de votre équipe. Il y en a six au total dans votre effectif. Comment se passe la relation avec ces joueurs venus de loin ?
BRÜLS: « Il y a des joueurs avec qui c’est difficile de communiquer parce qu’ils ne parlent pas tous anglais. Mais ils sont très ouverts. Ils viennent régulièrement vers nous pour discuter et faire des blagues. C’est rare de voir un groupe comme ça. On pourrait croire qu’il y a des groupes qui se forment entre les communautés mais ce n’est pas le cas chez nous. Tout le monde parle avec tout le monde. On a un groupe soudé qui vit bien. »
Il y a eu d’autres transferts cet hiver avec, notamment l’arrivée de 2 joueurs du Standard, Joao Klauss et Ameen Al-Dakhil. Comment se passe leur intégration dans le vestiaire ?
BRÜLS: « Ce n’est pas difficile de rentrer chez nous. On est très ouverts avec les nouveaux venus. Personne ne doit croire qu’un nouveau transfert met en danger son poste. Il faut accepter la concurrence dans un club professionnel. Ces deux joueurs ont de très grandes qualités. Surtout le jeune joueur (Ameen) Al-Dakhil. Il va faire une grande carrière, c’est sûr. Après deux jours à l’entraînement, j’ai directement compris qu’il allait avoir une carrière au haut niveau s’il reste les pieds sur terre. Je suis épaté par ses qualités à seulement 19 ans. »
Quelle est l’équipe qui vous a posé le plus de problèmes cette saison en Pro League ?
BRÜLS : « Le Club Bruges. On ne méritait pas de perdre contre eux à domicile. Si on égalise à 2-2 dans ce match, je pense qu’on le gagne parce qu’on poussait beaucoup en fin de match. Finalement, on a perdu deux matchs contre eux (1-2 et 2-0). Ça veut dire qu’on n’a même pas pris un seul point. »
A 33 ans, tu es maintenant de retour au haut-niveau en Belgique. Après avoir connu quelques passages à l’étranger, tu réalises aujourd’hui l’une de tes meilleures saisons avec Saint-Trond. As-tu des regrets quand tu regardes en arrière ou es-tu fier de ce que tu as accompli ?
BRÜLS : « Je peux dire que j’ai presque tout vu dans le monde du football. J’ai connu des hauts et des bas. Le seul choix que je regrette c’est d’être allé à Paphos en Chypre. Les conditions pour lesquelles j’ai été là-bas n’étaient pas assez claires. J’y ai été pour ensuite aller en Chine mais ça ne s’est pas fait. J’ai perdu un an en y allant. Pour le reste, j’ai appris de tous mes choix. Beaucoup de personnes disent que j’aurais pu faire mieux mais je suis très content de mon parcours. J’ai toujours été correct avec tout le monde et c’est le plus important pour moi. »
Quel est le plus beau but que tu aies mis dans ta carrière ?
BRÜLS: « Je ne marque que des beaux buts, donc c’est difficile à dire (rires). Le plus beau but que j’ai mis devait être avec Westerlo en déplacement au Young Boys de Berne dans le cadre des qualifications pour l’Europa League en 2011. J’ai tiré de plus de 35 mètres, j’ai fermé mes yeux et la balle est rentré en tapant la barre et le sol. Tant que je ne marque pas un meilleur but, ça restera celui-là. »
Tu as aussi connu un beau passage à Nice entre 2013 et 2014. Tu avais réalisé un beau parcours en Coupe de France lors de ton passage en battant Nantes.
BRÜLS: « J’ai marqué contre eux, je me rappelle. »
Ils sont maintenant en finale de Coupe face à Nantes. Qu’est-ce que ça t’évoque cette finale de Coupe de France ?
BRÜLS: « Je ne regarde jamais de football à la maison sauf à partir de la demi-finale de Ligue de champions. Je serai tout de même pour Nice. En plus, c’est contre Nantes, le rival de Rennes, où j’ai joué aussi. Je pense que Nice a plus de qualités sur le terrain pour l’emporter. »
Comme tu l’as dit, tu es aussi passé par Rennes après ton passage à Nice. Aujourd’hui, il y a un autre belge qui s’y trouve, Jérémy Doku. Si tu devais lui donner un conseil, que lui dirais-tu ?
BRÜLS: « Rennes c’est un club qui a les moyens pour concurrencer Paris. Ils ont de grands moyens même s’ils le gardent pour eux. Depuis quelques années, ils enchaînent les bons résultats avec plusieurs participations en coupe d’Europe et des top 5 en France. C’est un bon club pour se présenter au monde entier, surtout quand tu es plus jeune. J’ai connu Ousmane Dembélé à Rennes. Après une belle année au club, il s’est rapidement retrouvé à Dortmund, puis à Barcelone, où il joue encore. Ça peut aller très vite. Avec ses qualités, Doku ne doit pas se cacher là-bas. J’espère pour lui qu’il ne va pas trop se blesser. »
Dernièrement, la Belgique jouait deux matchs amicaux. Tu as été dans plusieurs pré-sélections lorsque tu étais plus jeune mais tu n’as jamais eu l’occasion de jouer pour ton pays. Est-ce un regret pour toi ?
BRÜLS: « Non, je n’ai pas de regret. Je me suis toujours donné à 100% sur le terrain pour tous les clubs avec lesquels j’ai joué. J’ai été 6 ou 7 fois dans la pré-sélection à l’époque de Georges Leekens, quand je jouais à La Gantoise. Il ne m’a finalement jamais pris. Je pense qu’il aurait pu m’appeler au moins une ou deux fois parce que j’avais un bon niveau et ce n’était pas encore la grande époque de De Bruyne, Hazard ou Lukaku. Mais c’est sa décision et je l’ai respecté. »
Qu’attends-tu de la Belgique à la prochaine Coupe du monde au Qatar en 2022 ?
BRÜLS: « C’est dangereux de donner un pronostic (rires). C’est difficile à dire parce qu’on ne sait pas qui sera fit. Ce sera une longue saison pour les joueurs qui seront repris dans l’équipe nationale. Si on n’a pas de joueurs à 100%, on ne peut même pas parler de titre. J’espère qu’ils vont aller le plus loin possible mais, à l’heure actuelle, il y a d’autres équipes qui sont meilleures. »
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