Shinji Kagawa, une lente chute du mur jaune de Dortmund au jaune canari
International à 97 reprises pour le Japon, passé par le Borussia Dortmund et Manchester United, Shinji Kagawa devrait s’engager à Saint-Trond. Peut-on attendre une résurrection ou un énième flop de grand nom sur le déclin comme notre championnat en a connu avec Samir Nasri, Olivier Dacourt et d’autres ?
La Pro League a la cote au pays du Soleil Levant. Il est bien loin le temps des Takayuki Suzuki (Genk et Heusden-Zolder), Kensuke Nagai (Standard) et Yuji Ono (Standard et Saint-Trond) qui furent de gros flops et posaient la question du véritable niveau de la J-League. Les bilans d’Eiji Kawashima (Lierse et Standard) ou de Yuya Kubo (La Gantoise) ont redonné la cote aux footballeurs nippons dans notre royaume dont plusieurs éléments sont depuis lors devenus des valeurs sûres de certains de nos clubs. Des Junya Ito (Genk), Ryota Morioka (Charleroi) ou Kaoru Mitoma (Union Saint-Gilloise) figurent parmi les joueurs les plus spectaculaires et efficaces de notre Pro League.
Cet hiver, le Japon aura encore la cote sur le mercato belge comme en atteste la venue de Koki Machida du côté de l’Union. Aujourd’hui, c’est un nom bien plus ronflant qui devrait poser ses valises dans le Limbourg, du côté de Saint-Trond : Shinji Kagawa. Le fait que le club soit la propriété d’investisseurs japonais depuis quelques années n’est évidemment pas étranger à cette arrivée surprise eu égard au CV plutôt impressionnant de celui qui a porté le numéro 10 au sein de la sélection des Samouraïs Bleus.
Si les Trudonnaires ont laissé Yuma Suzuki rentrer au pays du côté des Kashima Antlers, ils retrouvent donc un autre natif du pays du Soleil-Levant. Il permet au contingent nippon de rester au nombre de sept puisque Daniel Schmidt, Ko Matsubara, Daiki Hashioka, Tatsuya Ito, Taichi Hara et Daichi Hayashi possèdent aussi cette nationalité.
DEUX BUNDESLIGAS SOUS JÜRGEN KLOPP
Voici bientôt dix ans, Shinji Kagawa réalisait l’une des saisons les plus abouties de sa carrière du côté du Borussia Dortmund avec 17 buts et 14 assists, toutes compétitions confondues, au sein d’un effectif riche et comptant dans ses rangs des Lukasz Piszczek, Mats Hummels, Sebastian Kehl, Ilkay Gündogan, Ivan Perisic, Mario Götze, Jakub Blaszczykowskiet un certain Robert Lewandowski . Le Bomber Polonais secouait déjà les filets comme à la parade en ce temps là, même si, malgré ses 22 buts, le il n’avait fini que troisième meilleur buteur du championnat derrière Mario Gomez du Bayern Munich (26 buts) et surtout Klaas-Jan Huntelaar, auteur de 29 réalisations sous le maillot bleu de Schalke 04. Encore sous la houlette de Jürgen Klopp, les Schwarzgelben remportaient la Bundesliga pour la seconde année consécutive.
Les prestations du meneur de jeu japonais attirent évidemment les convoitises des grosses cylindrées européennes. Lors de l’été 2012, il quitte le Gegenpressing de Klopp pour l’autre côté de la Manche où il revêt la tunique rouge de Manchester United. Le montant de la transaction, comme souvent pour les transferts venant d’Allemagne, n’est que de 16 millions d’euros alors que la valeur du joueur était estimée à 22 sur Transfermarkt. Toni Kroos quittera d’ailleurs le Bayern Munich pour le Real Madrid deux ans plus tard en échange de 25 millions d’euros alors que sa valeur marchande était de 42…
THEÂTRE DES RÊVES BRISES
Comme pour pas mal de joueurs lors de cette dernière décennie, le Théâtre des Rêves deviendra rapidement celui des rêves brisés pour Kagawa. Les débuts ne sont pourtant pas mauvais puisqu’il participe à ce qui sera la dernière campagne des Red Devils avec leur coach emblématique Sir Alex Ferguson. Le Fergie time se conclut avec un dernier titre de champion qui est aussi le troisième consécutif après les deux de Dortmund pour Kagawa. Le bilan personnel du jeune Japonais alors âgé de seulement 24 ans est plus mitigé. Ralenti par une blessure au genou, il ne trouve le chemin des filets qu’à 6 reprises et délivre 6 passes décisives. On retiendra cependant son coup du chapeau contre la modeste formation de Norwich et un but pour le dernier match de Ferguson sur le banc.
Ce dernier affirmera d’ailleurs dans la presse qu’il pense que la prochaine saison sera celle de l’éclosion définitive de Shinji Kagawa. Manifestement, l’entraîneur écossais avait déjà perdu un peu de son flair sans avoir besoin d’être infecté par la covid.
Sous David Moyes, Manchester United perd son trône dans la Perfide Albion et Kagawa sa place de titulaire avec l’éclosion d’un de nos Diables rouges, Adnan Januzaj. Il ne joue que 18 matches et le sens du mot explosion qu’avait utilisé Sir Alex à son égard prend une autre signification. Lors de l’été 2014, il ne semble déjà plus faire partie des plans de Louis Van Gaal, désormais maître à bord du vaisseau d’Old Trafford après avoir mené les Pays-Bas dans le dernier carré du mondial brésilien. Ce dernier ne laisse d’ailleurs pas un souvenir impérissable à Shinji Kagawa qui espérait retrouver de sa superbe avec le numéro 10 des Samouraïs Bleus sur son dos. Son pays termine dernier d’un groupe pourtant ouvert, remporté par la Colombie devant la Grèce et la Côte d’Ivoire. Les Japonais ne prennent qu’un point que dans le match contre les Hellènes où il n’entre au jeu qu’à la 57e minute après avoir été titularisé lors du match contre les Elephants ivoiriens. Lors du dernier duel contre la Colombie, il figure de nouveau dans le onze de base mais le Japon subit une lourde défaite (4-1). Pas l’idéal pour la confiance.
LE MIRAGE DE 2015-16 ET LA DESILLUSION CONTRE LES DIABLES
Avec une valeur marchande désormais inférieure à son prix d’achat, Manchester United remballe le meneur de jeu nippon au Borussia Dortmund pour la moitié de son prix d’achat. Au Signal Iduna Park, Kagawa espère retrouver de la joie et de la confiance. Sauf que les Schwarzgelben ne parviennent plus à dominer le football allemand. En difficulté toute la saison, la bande de Jürgen Klopp, qui arrive en fin de cycle, ne termine qu’à la septième place et échoue en finale de la Coupe d’Allemagne. Le technicien à succès annonce son départ et Kagawa n’a pas vraiment réussi son retour sur les terrains de ses exploits. Orphelin de Lewandowski, il ne marque qu’à 5 reprises et délivre 6 assists.
L’arrivée de Thomas Tuchel va faire du bien à Shinji Kagawa qui réalise une saison de meilleure facture sous la conduite de l’actuel entraîneur de Chelsea. Vingt-neuf matches joués, neuf buts et autant d’assists en championnat et même 13 pions et 11 passes décisives si l’on ajoute tous les duels des autres compétitions. Le meneur de jeu semble de retour, mais l’éclaircie sera de courte durée.
Les deux saisons qui suivront seront médiocres : quarante matches de Bundesliga, six goals et neuf passes décisives. Il n’est désormais plus incontournable au sein du onze de base et enchaîne les blessures. En 2018, il revient à temps pour prendre part au Mondial russe. En 1/8e de finale, les Japonais narguent la Belgique et Takashi Inui pense envoyer les Diables rouges en enfer en trompant Thibaut Courtois pour la deuxième fois de la soirée, bien servi par Shinji Kagawa. La suite, on la connaît. Vertonghen, Fellaini, Nacer Chadli et « Je l’ai dit, bordel ! » sont passés par là.
Pas sûr que Shinji Kagawa pourra laver l’affront cette année au Qatar vu la forme qu’à épousé sa carrière depuis lors. Le meneur de jeu est d’abord prêté au Besiktas où il souffle le chaud mais surtout le froid avec seulement 14 matches joués pour quatre buts et deux assists.
En fin de contrat à Dortmund, sa liberté sur le marché des transferts ne déchaîne pas les passions chez les acquéreurs potentiels. Alors qu’on s’attendait à peut-être le voir rebondir dans un championnat moins huppé, il s’engage dans l’atichambre de l’élite espagnole du côté de Saragosse. Le temps de jeu est là puisqu’il dispute 1910 minutes, son plus haut total depuis 5 saisons. Mais, les Blanquillos ayant échoué dans leur mission remontée en Liga, ils ne prolongent pas le bail d’un Kagawa n’ayant jamais marqué que quatre fois et donné qu’une seule passe décisive. Un bilan bien insuffisant vu le salaire de l’ancienne star du BVB et de Man U.
DE DECEPTIONS EN DECEPTIONS
Cet été, c’est dans le championnat grec, du côté de Salonique, qu’il a déposés ses valises. Au sein de l’actuel 3e de la compétition, Shinji Kagawa est attendu… en vain. Six matches, même pas 200 minutes de jeu. La chute du petit prodige de Kobe continue. Reste à Saint-Trond et sa colonie japonaise pourront redonner de la confiance à l’ancienne idole qui aura pour mission d’aider le STVV à se maintenir parmi l’élite. Un défi bien moins bling bling que les luttes pour les lauriers qu’il a connues avec le Borussia Dortmund et Manchester United.
Cette année, Kagawa fêtera ses 33 ans, l’âge du Christ et l’espoir d’une résurrection. Si le talent pur du numéro 10 est indéniable et sans doute largement au-dessus de celui de ses futurs partenaires au pays des pommes Jonagold, le moteur et surtout le mental semblent plus que grippés. Shinji Kagawa connaît évidemment les principes de jeu allemand qui sont chers à Bernd Hollerbach. Mais sa lenteur semble désormais incompatible avec le gegenpressing de sa grande époque, même si le niveau de la Pro League n’est évidemment pas celui de la Bundesliga ou de la Premier League.
NASRI, DACOURT, PROSINECKI, CES AUTRES STARS QUI SE SONT PLANTEES EN BELGIQUE
Les précédents cas d’anciennes stars venues se relancer sous nos latitudes après quelques années de déclin ne plaident pas non plus en faveur de Shinji Kagawa. On se souvient évidemment de Samir Nasri, petit prince déchu, qui n’a jamais montré d’échantillon de son immense talent sur la pelouse d’un Parc Astrid désormais rebaptisé Lotto Park. Sur la même pelouse, Marko Marin, ancienne grande promesse du football allemand, était aussi passé à côté de son sujet alors que sa dernière saison un peu consistante du côté de Séville était plus récente que le dernier bon exercice produit par le meneur de jeu Japonais.
Du côté de Liège, on espérait aussi qu’Olivier Dacourt apporte son immense expérience au Standard. Après avoir perdu de sa superbe à l’Inter, l’international français n’avait pas réussi à se relancer à Fulham et n’a disputé que 8 matches sous le maillot rouche. Au début du siècle, les Principautaires avaient aussi tenté le pari d’un Robert Prosinecki, pourtant vainqueur de la C1 avec l’Etoile Rouge de Belgrade et 3e du Mondial français disputé deux ans plus tôt. Sauf que cette médaille de bronze sous le maillot à damier croate était déjà le chant du cygne du talentueux milieu qui effectuera un passage moyen à Sclessin avec six buts en 21 matches. La saison précédente, il n’avait déjà pas su trouver un employeur de renom puisqu’il ne portait que la vareuse de Hrvatski Dragovoljac, modeste pensionnaire du championnat de Croatie. Ce qui aurait du mettre la puce à l’oreille des décideurs liégeois.
Victor Valdes, le gardien du Barça de Guardiola est aussi venu relancer sa carrière dans la région liégeoise après avoir échoué du côté de Manchester United. Sans convaincre, l’Espagnol a quand même remporté une Coupe de Belgique.
Les anciens Red Devils se sont rarement épanouis en Pro League. Autre exemple avec Quinton Fortune. Star du football sudafricain et membre du noyau mancunian de la grande époque, sa carrière est perturbée par les blessures. Après Old Trafford, il tente de se relancer à Bolton et à Brescia où ça se soldera à chaque fois par un échec. Quand le promu de l’AFC Tubize l’attire au stade Leburton, les attentes sont énormes alors que le club brabançon lutte pour sa survie parmi l’élite. Lent et emprunté physiquement, il n’apporte quasiment rien aux hommes d’Albert Cartier qui descendront dans l’antichambre de l’élite. Quinton Fortune ne portera la tunique des Sang et Or qu’à 9 reprises.
L’EXPERIENCE MITIGEE DE GUDJOHNSEN
Le seul motif d’espoir pour Shinji Kagawa est peut-être à chercher du côté d’Eidur Gudjonhsen. Ancien de Chelsea et de Barcelone, la star islandaise revient dans un pays qu’il a connu enfant lorsque son père Arnor était l’une des vedettes d’Anderlecht. Après son départ du Camp Nou, Gudjohnsen a connu des passages de plus en plus décevants à Tottenham, puis à Monaco, Stoke City, Fulham et enfin l’AEK Athènes. En Grèce, il ne marque qu’une fois lors de sa demi-saison et débarque au Cercle de Bruges lors de l’hiver 2012.
Là, le vétéran retrouve des couleurs et ses 7 buts en 14 matches permettent au deuxième club de la Venise du Nord de s’offrir une fin de saison tranquille. Le voisin du Club l’attire l’été suivant dans le but d’en faire un supersub capable d’apporter son expérience dans les rencontres importantes. Ce sera finalement un échec. Mais c’est sans doute le seul motif d’espoir que peuvent avoir les supporters des Canaris de retrouver un tout petit peu du joueur qui avait enchanté le Signal Iduna Park.