Un champion toutes catégories, un petit podium, une photo finish originale: tout ce qu’il faut retenir du championnat du monde de cyclo-cross
Tom Pidcock est devenu champion du monde de cyclo-cross ce dimanche à Fayetteville. Voici quelques faits à retenir de cette édition de la course arc-en-ciel disputée sans Mathieu van der Poel et Wout Van Aert.
Dans des conditions sèches et plutôt chaudes pour la saison et un sport comme le cyclo-cross, le championnat du monde de cyclo-cross des élites hommes s’annonçait particulièrement ouvert en l’absence des deux deux cadors que sont Mathieu van der Poel et Wout Van Aert qui avaient trusté les sept derniers maillots arc-en-ciel. La chance d’une carrière pour quelques uns n’hésitiaent pas à affirmer certains observateurs tant aucun coureur n’avait donné l’impression de prendre de manière très claire le rôle de troisième homme derrière les deux ténors de la discipline.
Finalement, Tom Pidcock, souvent annoncé comme le plus apte à rivaliser avec le duo belgo-néerlandais a répondu aux attentes sur le tracé vallonné mais presque « routier » de Fayetteville. A la mi-course, il a attaqué et laissé Lars van der Haar et les Belges derrière lui, creusant rapidement une belle avance qui sera irrémédiable pour des adversaires tout simplement moins forts. Mais que faut-il retenir de cette édition 2022 de la course au maillot irisé.
Tom Pidcock, champion toutes catégories
Et pas seulement parce qu’il a aussi remporté l’an dernier l’or olympique dans l’épreuve de VTT. En remportant le titre chez les élites, Tom Pidcock a réussi à se parer d’arc-en-ciel dans les trois catégories d’âge. En 2017, il avait remporté le maillot irisé chez les juniors puis en 2019 chez les Espoirs. L’exploit est assez rare puisqu’ils n’étaient que deux dans l’histoire à avoir réussi pareille prouesse. Et l’on ne trouve aucun des membres de notre top 5 des plus grands coureurs de l’histoire du cyclo-cross dedans. Le Néerlandais Lars Boom avait été le premier à l’accomplir en 2003 (juniors), 2007 (espoirs) et 2008 (élites). Il a ensuite été imité par Niels Albert en 2004-2008 et 2012.
On pourrait rajouter à cette liste Radomir Simunek. Le Tchécoslovaque fut champion du monde chez les juniors en 1980. Il n’a jamais pu remporter le titre espoirs qui ne fut créé qu’en 1996. Il compte cependant deux victoires chez les amateurs en 83-84 qui pourraient être assimilées à cette catégorie vu l’âge des participants à l’époque.
D’autres coureurs comme Mathieu van der Poel ont réussi à gagner seulement dans une catégorie de jeunes avant de faire pareil chez les élites. Le Néerlandais fut deux fois champion du monde juniors mais ne le fut jamais chez les Espoirs. Son compatriote Richard Groenendaal a lui aussi réussi le doublé juniors-élites. Wout Van Aert remporta l’arc-en-ciel chez les espoirs en 2014, mais avait dû se contenter de l’argent derrière son plus grand rival en juniors. Un maillot irisé en moins de 23 ans avant d’en gagner un aussi chez les grands, c’est le cas d’autres coureurs comme Sven Nys, Bart Wellens et Zdenek Stybar.
A noter que dans le top 5 de la course d’hier, on retrouvait un autre ancien champion du monde juniors, Clément Venturini, cinquième. Lars van der Haar, le dauphin de Pidcock a remporté le titre « espoirs » à deux reprises (2011,2012) tout comme Eli Iserbyt (2016 et 2018). Michael Vanthourenhout, quatrième ce dimanche, avait aussi remporté la couronne dans cette catégorie en 2017.
Le plus petit podium de l’histoire
Si certains ironiseront sur la qualité du podium de ce mondial de Fayetteville, c’est pourtant bien à la taille des trois coureurs qui étaient dessus que nous faisons référence. Il valait mieux être un petit format sur le tracé américain. Pidcock (1m70), van der Haar (1m68) et Iserbyt (1m65) affichaient une taille moyenne d’1m67. Clement Venturini, cinquième avec son mètre 65 ne l’augmentait. Au milieu de ces petits formats, Michael Vanthourenhout et ses 182 cm faisaient office de géant. Pourtant, ce dernier aurait été en-dessous de la taille moyenne du podium d’Ostende en 2021. 1m86, 3 avec van der Poel (184 cm), Van Aert (187 cm) et Aerts (188cm).
Autre détail amusant, la dernière fois qu’un coureur non-Belge, non-Néerlandais ou non-Tchèque (n’oublions pas le triplé de Zdenek Stybar) avait levé les bras sur la course mondiale, c’était Daniele Pontoni en 1997 à Munich, voici 25 ans. L’Italien, dont le patronyme faisait immédiatement penser à celui d’un autre transalpin qui allait dominer le cyclisme sur route l’année suivante avec un doublé Tour d’Italie et Tour de France, était d’ailleurs un rien plus petit que Tom Pidcock avec 1m69. Pour être complet, contrairement à l’impression visuelle, Marco Pantani était lui un rien plus grand avec 1m72.
Tom Pidock superman
La photo-finish de ce dimanche restera pour l’histoire. Tom Pidcock célèbre sa victoire couché sur sa selle en position de Superman. Une célébration originale que n’a pas encore tenté Van Aert dont on vous parlait voici peu de la manière dont il signait ses succès. Le Britannique risque d’ailleurs plus d’accrocher ce cliché là sur un mur de sa maison que celui de sa défaite face à WVA pour une question de millimètres à l’arrivée de l’Amstel Gold Race en 2021.
Jens Adams, le plus régulier sur le tracé
Pour gagner un cyclo-cross, il faut soit savoir enchaîner les tours à une allure très élevée, soit en réussir un ou deux à une cadence exceptionnelle et ensuite gérer son effort pour ne pas craquer. C’est le second choix qu’a effectué Tom Pidcock sur le tracé de Fayetteville. Ses quatrième et cinquième tours ont été accomplis en 6’32 » et 6’33 ». Personne n’a fait mieux.
En terminant son tour le plus rapide, le quatrième, en 6:38, Iserbyt fait aussi bien que le natif de Leeds sur son sixième tour qui n’est que son 3e meilleur dimanche. Preuve que ce dernier était bien le plus fort et que cette différence réalisée en trois tours lui a permis de gérer plus tranquillement la fin de course face à des adversaires incapables d’approcher les temps de ses meilleurs tours. Le prix de la régularité revient cependant à Jens Adams, septième final. La différence entre son tour le plus rapide (6’44 ») et son tour le plus lent (6’55 ») n’est que de 11 secondes. Entre son troisième tour terminé en 6’51 » et son plus véloce parcouru en 6’32 », il y a par exemple 19 secondes d’écart pour Tom Pidcock qui ne finit même pas dans le top 10 des coureurs les plus réguliers sur le circuit américain. Mais en attendant, c’est lui qui se trouve sur la plus haute marche du podium.
Certains ont-ils juste joué une place d’honneur ?
Laurens Sweeck n’était pas tendre avec certains de ses compatriotes lors de l’interview d’après course. Le vice-champion de Belgique déclarait ceci : « Je pense que nous aurions pu mieux travailler ensemble. Trop de gars ne voulaient pas se sacrifier et préféraient rouler pour leur classement. Si nous avions mieux travaillé ensemble, nous aurions pu réduire l’écart, même si je ne dis pas que Pidcock n’aurait pas gagné. Quand je vois certains me rattraper dans le dernier tour lors de la grosse ascension… » Sweeck visait-il un Toon Aerts, auteur de son meilleur tour et coureur le plus rapide de la dernière boucle ? C’est possible, même si l’on peut se demander si un coureur de 29 ans, déjà deux fois médaillé de bronze sur un Mondial, peut décemment se contenter d’en garder sous la pédale pour une sixième place. Jens Adams, auteur de son deuxième tour le plus rapide peut être aussi logé à la même enseigne. Ces deux hommes ont en tout cas été plus véloces sur la dernière boucle que le top 5. Ce qui explique sans doute les grincements de dents de Laurens Sweeck qui reconnaissait aussi avoir sans doute connu un coup de mou à un moment. Ce qu’attestent aussi les chiffres du 7e tour du Louvaniste, seul membre du top 8 à avoir effectué une boucle en plus de 7 minutes.
La Belgique, seulement troisième du tableau des médailles
Pour un pays comme le nôtre, ces championnats du monde de Fayetteville sont décevants. La présence de Van Aert aurait sans doute changé beaucoup de choses et il ne faut pas en tenir rigueur au sélectionneur Sven Vanthourenhout au moment d’effectuer son bilan. Mais on peut se demander s’il est l’homme de la situation pour fédérer les égos des équipes belges. Lors de l’épreuve sur route de Louvain, malgré le plus gros collectif du peloton, il n’avait pas su gérer comme il le fallait les ambitions de Wout Van Aert et de Remco Evenepoel. Aux championnats d’Europe de cyclo-cross, les Belges s’étaient aussi tirés dans les pattes, laissant le titre à Lars van der Haar.
Ce dimanche, ils ont sans doute subi la loi du plus fort. Si l’escouade noire-jaune-rouge était la plus impressionnante sur papier, aucun de ses coureurs ne semblait individuellement capable sur le papier de rivaliser avec Pidcock. Certes, Eli Iserbyt a dominé la saison de cross, empilant les victoires et le gain d’une Coupe du monde, mais dans quel contexte ? Le petit coureur de Bavikhove a construit ses succès sur sa régularité et sa présence sur de nombreux cross, mais chaque fois qu’il dû répondre présent dans un championnat majeur avec un plus de pression et/ou de concurrence, il s’est raté comme en attestent son abandon au championnat de Belgique et sa douzième place à l’Euro. Avant la course de ce dimanche, Iserbyt, toujours très sûr de lui, affirmait que la longue montée du circuit allait lui permettre de faire « son truc » si d’aventure Pidcock et van der Haar subissaient une course difficile. On a attendu en vain le coup d’éclat d’un coureur qu’Adrie van der Poel avait taclé en décembre en sous-entendant qu’il ne répondait présent que contre des amateurs.
Le bilan comptable des Belges n’est sauvé que par la splendide performance collective des espoirs qui ont placé Joran Wyseure, Emiel Verstrynge et Thibau Nys sur le podium. Aaron Dockx s’est lui paré d’argent chez les Juniors.
Les Néerlandais, grâce à leurs dames, ont remporté le plus grand nombre de médailles à Fayetteville (8 dont deux d’or (Marianne Vos et Puck Pieterse), 4 d’argent et 2 de bronze), les Anglais avec deux phénomènes de précocité Pidcock et Zoé Backstedt comptent deux médailles d’or et une de bronze. La Belgique avec cinq médailles mais une seule d’or ne prend donc que la troisième place de ce classement collectif.
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