Liège-Bastogne-Liège, Tours de France et de Lombardie: le triplé historique de Pogacar n’est pas dû au hasard
A seulement 23 ans, le Slovène s’est déjà installé à la table de Merckx et de Coppi. Rien que ça…
Le Tour de Lombardie faisait son retour à Bergame ce samedi après 5 ans d’absence et une victoire du Colombien Esteban Chaves, bien rentré dans le rang depuis lors. A l’époque, Tadej Pogacar , 18 ans, se trouvait encore loin des pelotons professionnels. Il n’imagineait pas qu’il prendrait place à la table des grands en compagnie d’Eddy Merckx et de Fausto Coppi après seulement 3 saisons chez les « grands ». Clin d’oeil de l’histoire, c’est en battant un autre Fausto, Masnada, que le natif de Klanec a réalisé un incroyable triplé Liège-Bastogne-Liège, Tour de France, Tour de Lombardie en 2021.
S’il avait réglé un petit comité composé de Julian Alaphilippe, Alejandro Valverde, Michael Woods et David Gaudu sur le Boulevard d’Avroy, il a préféré se défaire des mêmes camarades d’échappée, accompagnés aussi de Romain Bardet, Adam Yates, Jonas Vingegaard, Primoz Roglic et Fausto Masnada sur les pentes de la dernière grosse ascension du jour, le Passo di Ganda, situé à environ une trentaine de kilomètres de Bergame. Pas toujours à l’aise en descente, le double vainqueur du Tour de France s’offrait quelques frayeurs et récupèrait en bas de la descente un Masnada qui avait faussé compagnie aux poursuivants avec la bénédiction de son leader Julian Alaphilippe, décidé à faire travailler des Jumbo en supériorité numérique. Mais dans une partie roulante pas vraiment favorable, Pogacar ne recevra pas beaucoup de soutien du coureur italien de Deceuninck – Quick.Step qui n’avait pas de raison de rouler en raison de la présence du double champion du monde français derrière.
Un enterrement de première classe du groupe de poursuivants à 10 km de l’arrivée, permettra à Pogacar d’appuyer un peu moins les relais afin de garder un peu de jus pour battre un Masnada moins bon au sprint sur le papier. Dans le Colle Aperto qui permettait aux coureurs d’atteindre les hauteurs de Bergame, la puissance du Slovène sur les petits pavés a bien failli avoir directement raison du baroudeur italien qui essaiera de jouer son va-tout au sommet de la bosse sans parvenir à surprendre la vigilance du leader de l’UAE. Au sprint, ce dernier ne fera qu’une bouchée d’un Masnada qui s’offrait l’un des plus beaux résultats de sa carrière.
UN TRIPLE MAIS COPPI ET MERCKX ONT FAIT MIEUX
Mais quel est donc le secret de Tadej Pogacar pour déjà réaliser à 23 ans, ce que Fausto Coppi a accompli une fois dans sa carrière et Eddy Merckx à quatre reprises ?
En 1949, âgé de 30 ans, Fausto Coppi est au faîte de sa gloire. Le Campionissimo avait débuté sa saison avec un succès sur Milan-Sanremo avant d’enchaîner avec le doublé Giro – Tour de France. La victoire au Tour de Lombardie sera donc la cerise sur le gâteau. N’oublions pas non plus que s’il a du attendre aussi longtemps pour réaliser ce triplé, Coppi a aussi perdu cinq années de carrière avec la seconde guerre mondiale.
La grande différence avec Pogacar et Merckx qui sera donc le seul à succéder 20 ans plus tard à l’idole italienne. Agé alors de 24 ans, l' »Ogre de Tervueren », empoche son premier Tour de France, son troisième Milan-San Remo, son premier Liège-Bastogne-Liège et son premier Tour des Flandres. Eddy Merckx parviendra encore à trois reprises à remporter au moins un grand tour et deux Monuments la même saison. En 71, il rafle la Primavera, Liège-Bastogne-Liège, le Tour de France, le Tour de Lombardie et le championnat du monde. En 1972, il s’offre encore un brelan de Monuments et Tours (Milan-San Remo, Liège-Bastogne-Liège, Tour de Lombardie et Doublé Giro-Tour). Enfin en 1973, il ajoute deux autres Tours (Giro et Vuelta) à deux Monuments, Liège-Bastogne-Liège et Paris-Roubaix. Il a alors 28 ans.
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Autant dire que Pogacar n’est encore qu’un enfant à la table, mais un enfant qui a encore le temps pour devenir adulte et avoir le droit de siffler quelques verres d’alcool en compagnie des deux légendes italienne et belge.
Et grâce à sa capacité à cibler à la perfection ses objectifs, Tadej Pogacar est capable de briller dès que l’enjeu est au maximum. Contrairement à son comaptriote Primoz Roglic ou à Wout Van Aert, deux coureurs de chez Jumbo-Visma, habitués à briller lors des courses préparatoires et à passer un peu à côté de leur sujet lors de la course la plus importante, Pogi court un peu en-dedans avant de sortir de sa boîte le jour J.
En début de saison, il s’était montré plus gourmand en remportant le tour national de son sponsor avant d’être présent avec les meilleurs dans la finale des Strade Bianche, même s’il avait fini la course un peu plus à la peine. A Tirreno Adriatico, il avait attendu l’asenscion de Prati Di Tavo pour donner une première gifle à ses adversaires avant de surprendre tout le monde lors de l’étape dantesque menant à Castelfidardo, a priori moins taillée pour ses qualités, où il était venu à bout de Wout Van Aert avant de revenir à quelques secondes d’un Mathieu van der Poel qui possédait pourtant trois minutes d’avance sur lui à une vingtaine de kilomètres du but. Au Pays Basque, il avait d’abord joué la carte de son coéquipier Brandon McNulty et n’avait pas pu vraiment jouer sa chance lorsque Primoz Roglic est parti renverser l’épreuve lors de la dernière étape. Il n’avait ensuite pas pu prendre le départ de la Flèche Wallonne en raison d’un contrôle positif au covid d’un membre de l’équipe UAE et s’était totalement concentré sur une Doyenne où il allait remporter un sprint royal devant Julian Alaphilippe.
Après une longue coupure et une reprise en douceur dans un Tour de Slovénie à la concurrence moins féroce qu’un Dauphiné Libéré ou un Tour de Suisse, Pogi a écrasé la concurrence dès la première étape alpestre du Tour de France disputée sous une pluie battante. Aidé par la chute et les défaillances de son grand rival et compatriote Primoz Roglic, le tenant du titre a ensuite pu gérer le reste de l’épreuve pour garder encore un peu de jus en vue des Jeux olympiques. Mais entre le décalage horaire et la chaleur accablante qui frappait le Japon au mois d’août, Pogacar n’a pas pu réaliser sa meilleure prestation. Il tentait sa chance dans le Mikunipass, principale difficulté du jour, mais sans parvenir à s’isoler ni faire craquer un Wout Van Aert, pourtant pas sur son terrain de prédilection. Il décrochait cependant le bronze en contraignant le tout-terrain belge à s’arracher sur son sprint pour la seconde place derrière Richard Carapaz.
Tadej Pogacar n’a jamais disputé plus d’un grand tour depuis son passage chez les pros, contrairement à la grande majorité des autres leaders qui en roulent deux. Il n’a ainsi repris qu’à la Bretagne Classic, un mois après sa dernière apparition. Disputant 8 courses jusqu’au Tour de Lombardie, il a su intelligemment monter en puissance. Abandonnant en Bretagne, il apparaîtra un ton en-dessous lors des championnats d’Europe, notamment sur l’épreuve en ligne où il ne saura répondre aux accélérations de Remco Evenepoel. Discret sur un Mondial louvaniste pas vraiment taillé pour ses qualités, il accumulera les kilomètres avant de mettre le cap sur l’Italie où après un abandon sur un Tour d’Emilie marqué du sceau de la surperpuissance de Roglic, il décrochera ensuite une troisième place sur les Trois Vallées Varésines et une quatrième sur Milan-Turin, histoire d’arriver à la bonne température sur l’apothéose de la fin de saison en Italie, Il Lombardia. Alors que Primoz Roglic et sa pancarte peinaient à suivre le rythme sur le Passo di Ganda, Pogacar sortait de sa coquille, jouait parfaitement sur les rivalités et le manque d’intelligence des poursuivants pour se retrouver avec un adversaire à sa portée dans la ligne droite finale bergamasque.
Evidemment, beaucoup d’interrogations entourent les performances du prodige de Klanec. Mais au-delà des polémiques qui ne restent pour l’instant que des rumeurs et des fantasmes, Tadej Pogacar a déjà montré de belles qualités de gestion d’un calendrier et des objectifs. Il possède aussi un sens de la course indéniable contrairement à bon nombre de ses adversaires. Une palette qui lui permet déjà d’avoir, à seulement 23 ans, un palmarès aussi impressionnant que d’autres légendes du vélo. Alors qu’il a encore quelques belles années pour encore garnir son armoire à coupes et à maillots distinctifs.
AUTANT DE VICTOIRES QUE VAN AERT SUR LA SAISON
En levant les bras lors de la 115e édition de la « classique des feuilles mortes », Tadej Pogacar a rejoint Wout Van Aert au classement des coureurs ayant collecté le plus de bouquets en 2021. Avant son succès de ce samedi, le Slovène de 23 ans avait déjà remporté le Tour UAE (classement final et 1 étape), les Strade Bianche (Classement final et une étape), 1 étape du Tour du Pays Basque, Liège-Bastogne-Liège, le Tour de Slovénie (Classement final et une étape), le Tour de France (classement final et 3 étapes). Du côté belge, on recense 2 étapes sur Tirreno-Adriatico, Gand-Wevelgem, l’Amstel Gold Race, le championnat de Belgique, 3 étapes du Tour de France, le Tour de Grande-Bretagne (classement final et 4 étapes).
Réputé accroc à la compétition, le citoyen d’Herentals a disputé moins de courses (49) que le prodige slovène qui en a accumulé 60. La saison de cyclocross qui a décalé son retour sur la route et une opération de l’appendicite en mai ont empêché WVA de courir plus que d’habitude et de raison diront certains.
Si le Belge est aussi perçu comme un coureur disputant toutes les comptitions à fond, le Slovène ne souffre pas trop de la comparaison, contrairement à ce que l’on pourrait penser. En effet, il a été présent dans 58% des top 10 des courses et classements finaux dans lesquels il s’est engagé. Van Aert fait encore mieux avec 61% et 32 présences dans le top 10 en 52 courses et classements finaux. En revanche, Pogi a jeté le gant à deux reprises et n’a pu prendre le départ de la Flèche Wallonne en raison d’un contrôle positif au covid au sein de son équipe. Les qualités de récupération de Tadej Pogacar sont donc encore plus impressionnantes qu’il n’y paraît.
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