Comment Wout Van Aert est-il devenu le coureur préféré des Belges ?
Après sa victoire et son message de paix à la fin du circuit Het Nieuwsblad, la popularité de Wout van Aert a encore atteint un nouveau sommet alors qu’elle était déjà presque au zénith. Comment cet « Wout mania » a-t-il grandi au fil des années ? Analyse.
À l’été 2020, un livre a été publié par L’auteur anglais Harry Pearson publiait lors de l’été 2020 un livre intitulé « The Beast, the Emperor and the Milkman » dans lequel il s’attarde sur la passion que suscite le cyclisme en Flandre. Une région, écrit Pearson, où « chaque fan de course énumère les exploits de ses héros, tels que « la Bête » Roger De Vlaeminck, « l’Empereur » Rik Van Looy et « le laitier » Frans Verbeeck, aussi facilement qu’un jésuite peut énumérer le catéchisme ».
Une région où ces héros sont plus vénérés que les footballeur anglais, ajoute Pearson qui fait notamment référence à Tom Boonen. « Pour atteindre sa popularité en Angleterre, une pop star devrait marquer le but décisif de la finale de la Coupe du monde, dédier ce but à la princesse Diana et, en même temps, sauver un chat de la noyade. », décrit-il avec une pointe d’humour toute british.
Ce livre a été écrit avant que Wout van Aert commence son incroyable moisson de victoires en août 2020. Désormais, le Campinois pourrait être aussi utilisé par Pearson pour illustrer sa métaphore avec la Princesse Diana. La popularité du citoyen d’Herentals dépasse progressivement celle de Tommeke, certainement en ce qui concerne le nombre de supporters. Même s’il s’était assagi à la fin de sa carrière, les escapades amoureuses et à la cocaïne du coureur de Mol à une certaine époque ont toujours rebuté une certaine partie du public.
Cela ne semble pas être le cas avec Van Aert aujourd’hui. A moins d’être un cas isolé ou un fan extrême de Mathieu van der Poel, même si dans une grande majorité les fans du Néerlandais respectent beaucoup le Belge et vice-versa.
Après sa victoire sur le circuit Het Nieuwblad de ce samedi , la courbe d’amour pour Wout Van Aert ( la Woutliefde’ , terme copyrighté par Bieke Purnelle, chroniqueuse pour De Standaard) est encore montée en flèche. On ne peut cependant pas juste parler de coup de foudre, car cela dure depuis un petit moment et que Van Aert n’est pas simplement apprécié que pour ses nombreux succès sur sa machine.
Une longue histoire des labourés à la route
C’est en temps que cyclocrossman que le jeune Van Aert a attiré l’attention des médias nationaux, essentiellement flamands vu l’attrait de cette discipline au nord du pays). Le public a grandi avec le jeune homme. Woutje le maigrichon à la coupe de Beatles qui termine 2e des Mondiaux de cyclo-cross de 2012 à Coxyde à Wout, l’athlète impressionnant sur tous les terrains.
Les adultes fans de cyclisme, et surtout les jeunes d’une vingtaine d’années ont grandi avec lui. Ces derniers peuvent donc s’identifier à lui plus facilement qu’aux cyclistes sur route qui percent à un âge plus avancé, en tant que jeunes professionnels.
De plus, à partir de 2014, Van Aert a joué l’acteur principal dans un feuilleton populaire de cyclocross avec Mathieu van der Poel. Trente à quarante épisodes par saison devant plusieurs de centaines de milliers de téléspectateurs (flamands).
C’est ainsi qu’il s’est imposé comme la nouvelle star du cyclocross dans le royaume, notamment après l’abdication du roi de la boue Sven Nys en 2016.
Bien que le grand rival Van der Poel ait souvent battu Van Aert au long de leurs duels dans les labourés, le Belge est devenu champion du monde à trois reprises en exploitant ce statut plus dans l’ombre du petit-fils de Raymond Poulidor. Ces duels lui ont sûrement permis de grandir, surtout qu’ils ont continué sur la route pour le plus grand bonheur des amoureux de la petite reine.
Van Aert ne s’est vraiment hissé au sommet de l’échelle de popularité que lorsqu’il a pu rivaliser avec les meilleurs coureurs du monde sur la route. De sa première victoire sur le prologue du Tour de Belgique en 2016, en passant par son doublé italien à Sienne et San Remo en août 2020, jusqu’à son triplé historique d’étapes sur le dernier Tour de France.
Van Aert n’a peut-être pas encore le palmarès en classiques de Tom Boonen, mais son registre est aussi beaucoup plus large puisqu’il est certainement le coureur le plus polyvalent du peloton professionnel. Plus que Boonen qui brillait essentiellement dans les sprints et surtout sur les pavés, il peut s’imposer sur (presque) tous les terrains. Il est donc présent tout au long de l’année et cette attention permanente aide aussi à faire grandir sa popularité.
Flandrien
La vidéo a été vue des centaines de milliers de fois sur les médias sociaux et sur YouTube. En 2018, sur la pente vertigineuse de la Via Santa Caterina, dernier obstacle avant la Piazza del Campo de Sienne, Wout Van Aert doit mettre pied à terre de son vélo sous l’effet de spasmes. Il remonte en poussant son vélo quelques mètres vers le sommet et de rejoindre l’arrivée. Elle a marqué les esprits comme les images à l’arrivée du Paris-Roubaix 2019 où terrassé par une fringale, il s’est écroulé sur l’esplanade herbeuse du vélodrome et n’avait même plus la force de bredouiller un mot à sa femme Sarah.
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Ces deux faits de course ont contribué au statut de « Flandrien » du citoyen d’Herentals. C’est aussi parce qu’il se bat comme un pitbull assoiffé de sang sur chaque course, comme si sa vie en dépendait. Ou comme l’a décrit un jour le chroniqueur néerlandais et ancien cycliste Peter Winnen : « Van Aert va si loin dans l’effort qu’il est en état permanent de réhabilitation. »
Il faisait aussi référence à l’opiniâtreté dont a fait preuve le Campinois pendant sa période de revalidation après sa terrible chute dans le contre-la-montre du Tour de France 2019. Il s’y était déchiré le haut de la jambe droite sur une barrière nadar. Que ce soit lors d’interviews ou lorsqu’il diffusait des images sur les réseaux sociaux, Van Aert s’est confié ouvertement sur cette période de sa carrière.
Ce n’était pas non plus le premier coup dur de sa carrière. On se souvient aussi que WVA a dû affronter le décès en pleine course de son coéquipier et ami Michael Goolaerts lors de l’édition 2018 de Paris-Roubaix. Sans oublier, le divorce houleux avec son ancienne équipe dirigée par Nick Nuyens. C’est déjà « un sac à dos lourd à porter », comme il le confiait.
Il a ensuite dû traverser une autre période difficile, lorsque son épouse Sarah a eu des complications potentiellement mortelles après la naissance de leur fils Georges, au début de l’année dernière. Quelques mois plus tard, Van Aert a également dû être opéré de l’appendicite alors qu’il était en pleine préparation pour le Tour.
Subir un gros coup du sort et pouvoir regagner à nouveau a toujours suscité beaucoup d’admiration. Il suffit de se souvenir des retours victorieux de Johan Museeuw qui ont contribué à son statut de « Lion des Flandres« , symbolisé entre autres par sa célébration de victoire lors de Paris-Roubaix 2000, où il montre le genou gauche qui avait été meurtri dans une chute dans la Trouée d’Aremberg deux ans auparavant.
Tout comme Van Aert a montré sa hanche droite avec un certain bonheur lors du cyclo-cross de Lille en février 2020. C’était sa première victoire après sa longue rééducation.
Homme de famille
L’une des conditions pour devenir un héros populaire est d’être « l’un des nôtres », c’est à dire un garçon comme tout le monde auquel le Jan avec une casquette peut s’identifier. Ce qui n’est pas non plus négligeable est de porter un prénom typiquement flamand et accrocheur comme Wout, même s’il procure des cauchemars aux Français, Italiens ou Espagnols admiratifs du coureurs mais qui écorchent souvent son prénom (Voutte) comme jadis ils le faisaient avec Museeuw (Musée où pour ceux qui s’en souviennent).
Une des autres conditions remplie par Van Aert est son parcours ordinaire. Son père Henk est un agent d’entretien retraité des pars de la province d’Anvers. Sa mère Ivonne, est responsable de stage au VDAB, l’équivalent flamand du Forem ou d’Actiris. Des parents qui, et ce n’est pas un hasard, refusent délibérément toute interview. Laissez leur petit Wout être la star.
Le champion de Belgique a toujours attaché une grande importance aux liens familiaux. Ses parents font même partie de son équipe de cross : le père était présent sur le poste matériel pendant des années et la mère était la touche-à-tout dans le camping-car.
Ce n’est pas un hasard si le Campinois a versé beaucoup de larmes lors de son premier titre professionnel de champion de Belgique en 2016, devant les siens à Lille. Il s’était certes soulagé de toute la pression qui pesait sur ses épaules, mais c’est surtout parce que papa Henk se battait alors contre un cancer du rectum que l’émotion fut la plus forte. Deux ans plus tôt, après son titre mondial dans la catégorie des moins de 23 ans à Hoogerheide, Van Aert était également tombé en pleurs dans les bras de sa petite amie Sarah, dont la grand-mère était mourante. Inspiré par le combat de cette dernière, il avait eu la motivation supplémentaire pour décrocher le maillot arc-en-ciel qu’elle avait envie de voir en vrai.
Ces émotions sincères et simples suscitent forcément la sympathie et la solidarité envers le coureur. Lors de la présentation du Flandrien 2019, Van Aert a vu ses parents apparaître sur le podium et n’a pu retenir quelques larmes. Son émotion était aussi manifeste lorsqu’il a remporté le championnat de Belgique de cyclo-cross en 2021 quelques jours après la naissance du petit Georges après des journées difficiles.
On se rappelle d’ailleurs de la joie du champion de Belgique lorsqu’il portait son fils sur le podium des Champs-Élysées, après sa victoire dans la dernière étape du Tour 2021. Une photo que le fier papa a dit qu’il chérirait pour le reste de sa vie.
Le rôle de Sarah, en tant que mère de famille, joue également un rôle important dans ce beau tableau familial. Son amour d’enfance qui, comme samedi dernier, est presque présent à toutes les courses. Sans pour autant s’imposer. Une femme simple et sobre à laquelle peuvent s’identifier beaucoup de jeunes mères.
Mais qui essaie aussi de faire son métier, comme elle l’expliquait dans le podcast TwentyFourSeven avec l’actrice Dorien Reynaert, où elles parlent en tant que mères de la recherche d’un équilibre dans la famille « moderne ».
Rôle d’exemple
L’image de Van Aert a été immaculée jusqu’à présent. Il n’a pas eu d’accident avec une Lamborghini, pas commis de graves excès de vitesse, pas snifé de rails de cocaïne ni brisé de coeurs comme ce fut le cas à une certaine époque pour Tom Boonen. Un garçon parfait et modeste, tant dans le comportement que de l’apparence. Il ne se vante pas de son gros compte en banque ou de ses Ferrari. Il n’a pas de tatouages ou de coupes de cheveux extravagantes.
En 2015, Van Aert s’était confié dans ce magazine sur la fois où il avait voulu faire une célébration excentrique de victoire à la Peter Sagan lors du cyclocross de Gavere. Mais, il s’était alors abstenu, soucieux de son image. « Je ne veux pas être considérée comme une personne ayant la grosse tête ». Des célébrations de victoires originales, le natif d’Herentals en fait désormais, dans le cross. Mais avec le statut qu’il a acquis dans la discipline, cela ne passe plus pour de l’arrigance. C’est même applaudi car les amateurs aiment quand même qu’il y ait un petit peu de show tant qu’il reste bon enfant.
Depuis sa première année chez les pros, Van Aert est également connu pour être un athlète très professionnel, méthodique et exigeant. A seulement dix-neuf ans, Woutje était déjà leader d’équipe malgré son statut de néophyte du cyclo-cross, mais cela ne l’empêchait pas de toujours penser au collectif. Ce n’est pas un hasard si tout le monde le tient en haute estime chez Jumbo-Visma.
Une meilleure communication
Au début de sa carrière de cyclocross, Van Aert a souvent fait la une des journaux en raison de ses réactions aux controverses. Comme à Niel 2013, après la grande agitation autour de son transfert de Telenet-Fidea à Vastgoedservice. Après son tout premier duel avec Sven Nys, il franchit la ligne d’arrivée en deuxième position, le doigt sur les lèvres. Et il a été catégorique : « Les bavardages peuvent cesser ».
Il a également répondu avec les paroles et les jambes deux mois plus tard, lorsqu’il n’a pas été autorisé à prendre le départ du championnat de Belgique espoirs de Waregem après un faux départ. Van Aert a quand même sauté sur son vélo, mais a dû descendre après un tour, furieux. Sur Twitter, il a reconnu son erreur, même s’il a également critiqué le jury et la collégialité de ses adversaires. Cette formulation trop sévère lui a valu quelques commentaires négatifs.
En 2015, à Valkenburg, après cinq victoires consécutives, il a perdu pour la première fois et a déclaré à la presse qu’il était « enfin débarrassé de leurs solliciations ». Son coéquipier de l’époque, Niels Albert, qui n’hésitait pas non plus à exprimer son avis avec franchise a alors mis en garde le jeune Wout sur les conséquences que pouvaient avoir des déclarations trop tapageuses. Depuis lors, l’homme a mûri et fait plus attention aux mots qu’il emploie et réagit avec beaucoup plus de calme aux polémiques.
Mais sans perdre pour son autant son honnêteté, sa franchise et sa spontanéité. On en a eu l’exemple parfait après sa victoire sur la course d’ouverture de la saison cycliste belge lorsqu’il a rappelé la situation en Ukraine et exprimé un message de paix lors de son interview avec Renaat Schotte de Sporza.
Au fil des années et de son évolution d’homme, il est apparu comme authentique, pas trop artificiel et sincère. Il avait déjà réfléchi à son signe V des paix (Vrede en néerlandais) en cas de victoire samedi. « Que ferais-je si je gagnais immédiatement ? – Ce n’était pas irréaliste. Et c’est ce qui s’est passé. »
On se souvient aussi de Van Aert exprimant à plusieurs reprises sa sympathie pour les citoyen(ne)s lambdas alors qu’ils étaient affecté(e)s par les mesures sanitaires. Il a aussi grandement amélioré sa communication avec ses fans. Le Campinois expliquait d’aulleurs à Sport/Foot Magazine en 2015, qu’il ne s’arrêtait jamais pour faire un autographe et faisait même semblant de ne pas entendre les gens.
Il aura fallu que Bart Wellens, également très populaire pendant sa carrière de coureur, l’implore de trouver du temps pour ses fans, surtout en tant que nouvel ambassadeur de son port. « Après cela, Van Aert a essayé de faire attention à chaque fan qu’il rencontrait. Depuis lors, sa popularité a encore grimpé en flèche, mais « Woutje » continue de prêter attention à ses supporters autant que possible. Surtout pour les plus jeunes d’entre eux.
Réseaux sociaux
Le champion de Belgique a aussi compris l’art de créer une interaction sur les réseaux sociaux avec ses 204 000 followers sur Twitter et ses 608 000 sur Instagram. Il publie un aperçu de sa vie de coureur à travers des photos et des vidéos ou encore en partageant une grande partie de ses données d’entraînement et de course avec ses quelque 260 000 abonnés sur Strava. Il n’hésite d’ailleurs pas à donner un petit nom original à chacune de ses sorties. Pour sa première course de la saison, il a donné le nom de Wout Bosberg en référence au surnom du double vainqueur du Ronde Edwig Van Hooydonck, Eddy Bosberg. Ce dernier avait aussi bâti ses succès sur la Vlaanderens Mooiste en attaquant dans le Bosberg comme WVA ce week-end.
Dans une mesure plus limitée, Van Aert lève un coin du voile de sa vie privée, comme quand il poste une photo de la première danse de son mariage ou d’une promenade en famille avec Sarah et Georges.
Regardez
Le célèbre journaliste français du quotidien L’Equipe Philippe Brunel a un jour décrit Wout van Aert comme « un élégant routier ». Il court avec un style éblouissant : ciselé en selle, dos bien horizontal, coup de pédale souple, cuisses puissantes qui semblent fonctionner comme un perpetuum mobile.
Même sans le casque et les lunettes de soleil, il n’est pas une copie de Briek Schotte : une tête de mannequin aux pommettes acérées, une touffe noire de bande dessinée avec une mèche blonde (congénitale), un regard parfois mélancolique en alternance avec un large sourire qui serrent ses yeux bruns. Un charisme naturel qui attire les jeunes et les moins jeunes, les femmes et les hommes.
Toutes des raisons qui expliquent la « Wout mania » sur et en dehors du vélo.
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