Comment Mathieu van der Poel a fait mentir trois statistiques en remportant le Tour des Flandres
Le Néerlandais s’est offert son deuxième Ronde au terme d’un sprint final osé mais il a surtout fait démentir trois adages. Retour sur une course un peu folle qu’aurait pu gagner un Tadej Pogacar, finalement hors du podium, et marquée aussi par les fiascos de la Belgique, de Jumbo et de Quick.Step.
Le Tour des Flandres a encore montré qu’il restait une course à part dans le calendrier. Ce n’est pas toujours le plus fort qui l’emporte, car en plus de bonnes jambes, il faut aussi parfois la tête et le mental pour terminer sur la plus haute marche du podium. Mathieu van der Poel l’a encore démontré ce dimanche en réussissant un incroyable coup de poker dans le sprint final. Alors qu’il s’était dégagé avec Tadej Pogacar sur la troisième ascension du Vieux Quaremont, le Néerlandais, qui a abordé en tête l’emballage final, a priori la plus mauvaise position, a choisi d’attendre le plus tard possible pour lancer son effort en jouant avec le retour lancé des poursuivants Dylan Van Baarle et Valentin Madouas. Plus explosif qu’un Pogacar, van der Poel a réussi à rester devant le duo de revenants qui enfermait le Slovène finalement exclu du podium alors qu’il était sans doute l’homme le plus fort de la journée…
En plus de cette formidable gestion du stress, van der Poel a sans doute gagné son deuxième Ronde sur les derniers mètres d’un Paterberg où il avait failli lâcher prise sous le rythme soutenu d’un Pogacar que certains observateurs n’attendaient pas autant à la fête sur les monts courts et pentus. En parvenant, au prix d’un violent effort, à tenir la roue du double lauréat du Tour de France, le Néerlandais faisait déjà mentir l’adage « si tu passes en tête du Paterberg, tu remportes la course ». Depuis 2016 et Peter Sagan, le dernier talus pavé de la course avec ses passages à 20% couronnait à chaque fois celui qui le franchissait en tête. En 2015, Alexander Kristoff était passé en deuxième position lors de sa victoire à Audenarde. van der Poel a donc imité un Norvégien, décidément toujours inspiré sur ce parcours malgré une forme que l’on dit déclinante chaque année. Il figurait encore à la 10e place ce dimanche.
Avant de se présenter sur la ligne de départ à Anvers, MVDP avait connu une préparation contrariée où il avait joué à cache-cache. Une blessure au dos suspendait une épée de Damoclès au-dessus de sa tête depuis l’épreuve VTT des JO et il s’était aussi blessé au genou avant une saison de cyclo-cross qu’il avait dû écourter à trois courses. Si l’on craignait de voir Wout Van Aert, seul sans son meilleur rival, c’est finalement le scénario inverse qui s’est produit.
Invité surprise de Milan-San Remo voici trois semaines, le Néerlandais, troisième sur la Via Roma, a choisi la course par étapes Coppi et Bartali en Italie pour peaufiner sa préparation et retrouver le rythme de la compétition. Pas d’E3 ni de Gand-Wevelgem pour King Mathieu et c’est un fait extrêmement rare dans l’histoire du Ronde. Si depuis l’instauration de l’arrivée à Audenarde, le vainqueur était sorti aussi lauréat à Harelbeke à quatre reprises sur neuf, il faut remonter à 2002 pour trouver trace d’un coureur sur la plus haute marche du podium qui avait zappé la grande répétition générale. L’Italien Andrea Tafi ne s’était pas rendu à Harelbeke et n’avait disputé que les 3 jours de La Panne (14e place finale), mini-course à étapes qui se disputait quelques jours avant la grand-messe du dimanche. Il n’avait pas non plus pris part à « A Travers la Flandre » qu’a remporté pour sa part van der Poel.
Une première depuis le Tour des Flandres new look ! Le dernier à avoir réussi à s’imposer la même année dans les deux courses est Nick Nuyens en 2011, alors que le Ronde se terminait pour la dernière fois à Meerbeke. Un Nuyens que l’on imagine ravi d’avoir toujours la Vlaanderens Mooiste à son palmarès et toujours pas son ancien poulain de chez Verandas-Willems, Wout Van Aert. Depuis le départ tumultueux de ce dernier chez Jumbo, dire que les deux hommes ne sont pas en très bons termes serait rester dans l’euphémisme.
La faillite de la Belgique
En l’absence de Van Aert, les Belges n’auront pas été acteurs de cette 106e édition. L’on espérait peut-être encore voir Jasper Stuyven, quatrième l’an dernier ou Tiesj Benoot, un équipier de WVA qui fut à 4 fois dans le top de 10 de la course. C’est finalement Dylan Teuns, qui n’avait aucune course pavée de préparation à son actif cette saison, qui fut le meilleur des nôtres ce dimanche avec une sixième place. Teuns est aussi le seul belge à figurer dans le top 10, un événement rarissime sur la course la plus prisée de nos coureurs. Il faut en effet remonter à 1995 pour n’avoir qu’un noir-jaune-rouge dans les dix premiers, à la différence que cette année-là Johan Museeuw figurait sur la plus haute marche du podium. Hendrik Redant et Benoot, deuxièmes belges de ces tristes éditions, ont terminé tous les deux à la 13e place.
En l’absence de son meilleur représentant, la Belgique, qui réalise pourtant un très bon début de saison en termes de victoires, comme en atteste encore la victoire samedi d’Arnaud De Lie dans la Volta Limburg Classic, n’aura pas trouvé son nouveau roi des Flandres. Inquiétant pour un pays expert des classiques qui n’aura obtenu que deux tops 10 sur les deux premiers grands Monuments de la saison. La 6e place de Teuns hier et la 8e de Van Aert à Milan-San Remo.
L’année passée, à la même époque, la Belgique comptait une victoire (Stuyven à San Remo), deux podiums (les troisièmes places de Van Aert et Greg Van Avermaet respectivement à San Remo et au Tour des Flandres), ainsi que des 4e, 5e, 6e et 7e places sur le Ronde. Réaction attendue sur Paris-Roubaix le 17 avril, une épreuve dont le deuxième de la dernière édition, Florian Vermeersch, n’est pas au top de sa forme. Il a encore chuté hier et n’a terminé que 76e à 8:50 de van der Poel. Pas très encouragent alors qu’on ignore encore si Van Aert pourra être de la partie. Et surtout dans quelle condition ?
Jumbo-Visma : quand un seul être vous manque
Le trident de la formation néerlandaise devait être celui capable de briser les rêves de victoires de van der Poel et Pogacar, grâce notamment à sa dent la plus tranchante, Wout Van Aert. Positif au covid vendredi, le vainqueur de l’E3 a dû abandonner ses deux lieutenants, Christophe Laporte et Tiesj Benoot qui restaient pourtant sur des secondes places, tant à l’E3 qu’à Gand – Wevelgem et sur « A Travers la Flandre ». L’absence de Van Aert a sans aucun doute modifié la physionomie générale d’une course où Jumbo aurait normalement dû prendre le contrôle des opérations. Nathan Van Hooydonck et le remplaçant de WVA, le jeune Mick Van Dijke, ont été envoyés en éclaireurs après le Molenberg et le Berendries alors que 80 kilomètres restaient à parcourir. Laporte, qui portait le numéro 13, a lui été impliqué dans une chute avec Florian Vermeersch et Anthony Turgis. Difficile de dire à quel point ce petit détour dans le fossé a handicapé le Français qui ne semblait pas si mal, bien que perdu en termes de placement sans son repère dans le maillot tricolore belge. Il a finalement pris la neuvième place.
Quant à Tiesj Benoot, il est apparu en retrait tout au long de l’épreuve. S’il avait su recoller aux meilleurs après avoir été surpris par l’estocade de Pogacar dans la seconde montée du Quaremont, il n’a pas été en mesure de suivre Stefan Kung et Dylan Teuns dans une tentative qu’il avait pourtant initiée après la dernière montée du Paterberg. Comme du temps de la Quick.Step, où l’on affirmait parfois que l’absence de Tom Boonen pourrait favoriser l’émergence de certains lieutenants, l’on a pu constater que la présence de ce leader, parfois jugé encombrant à tort, attirait aussi un marquage individuel qui pouvait profiter aux autres membres de l’équipe.
Un fiasco historique pour une équipe de Patrick Lefevere
Le Wolfpack a été porté disparu ce dimanche entre Anvers et Audenarde. Le premier loup, Kasper Asgreen, n’a pris que la… 23e place. Un fiasco de dimension dans la lignée d’une préparation manquée où la meilleure place d’un coureur de l’équipe chère à Patrick Lefevere était une 14e de Jannik Steimle à Waregem.
La Quick.Step a pourtant tenté de faire honneur à son rang sur la Vlaanderens Mooiste dont elle avait remporté trois des cinq dernières éditions. On a ainsi revu Tim Declercq, écarté plusieurs semaines en raison d’une péricardite, rouler en tête de peloton pendant de nombreux kilomètres, ainsi qu’Yves Lampaert se glisser dans un coup. Lorsque Pogacar a mis le turbo dans la deuxième ascension du Quaremont, Kasper Asgreen fut le premier à emboîter le tempo du Slovène, réalisant le KOM sur Strava. Pogacar, qui a perdu son compteur (récupéré par l’ancien pro devenu photographe Léon Van Bon) lors d’une chute en début de course, devrait normalement l’avoir.
On s’est dit à ce moment que le Wolfpack allait sans doute se réveiller au meilleur moment, mais dans le Paterberg, le tenant du titre reculait sérieusement avant de complètement coincer, pas aidé non plus par un problème mécanique, dans le Koppenberg, sous les regards impuissants de Zdenek Stybar et Florian Sénéchal, eux aussi bien anonymes pendant toute la sainte semaine flamande.
Pour trouver trace d’un Quick.Step hors du top 10 du Tour des Flandres, il faut déjà remonter à 2013, année où Tom Boonen sous les couleurs nationales avait chuté dès les premiers kilomètres et abandonné. Sylvain Chavanel, qui comme Laporte, aurait dû profiter de l’absence de son leader pour s’illustrer n’avait pris que la 13e place. En 2007, c’est Boonen, double tenant du titre, qui terminait meilleur coureur de la formation aux couleurs bleue et blanche avec une 12e place.
Pour trouver trace d’un coureur d’une équipe de Lefevere en dehors du top 20, il faut remonter à 2000, année du sacre d’Andrei Tchmil, pour la dernière saison du « boss le plus titré du peloton » à la tête de la Mapei. Daniele Nardello avait terminé 21e juste devant Andrea Tafi. De moins mauvais résultats encore que ce dimanche…
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