39 à 55% des denrées vendues dans les supermarchés sont peu saines: comment lutter contre l’obésité ?
Dans son combat contre le surpoids, le Belge a besoin d’un environnement alimentaire plus sain. L’industrie alimentaire y contribue insuffisamment, comme le confirme une nouvelle étude de Sciensano. » Seuls, les pouvoirs publics peuvent rétablir l’équilibre entre bons et mauvais stimuli pour la santé. «
Près de la moitié des Belges sont confrontés à un excès de poids. Près de 1 sur 6 est même obèse. Parmi les jeunes (de 2 à 17 ans), 19% affichent un surpoids et près de 6% souffrent d’obésité. « Le nombre de personnes en surpoids augmente depuis des années, affirme la nutritionniste et experte en politique de l’alimentation Stefanie Vandevijvere (Sciensano). C’est préoccupant. L’obésité accroit le risque de diabète et de maladies cardiovasculaires. Un mode de vie sain est donc littéralement vital. »
Les organisations de la santé doivent-elles mieux informer en matière d’alimentation saine? « Nous essayons depuis des décennies, sans les résultats escomptés. Aucune campagne nationale n’a amené de changement fondamental dans les comportements. Et c’est logique: où que vous alliez, vous êtes confronté à de multiples tentations. Au supermarché, aux stations service, en de nombreux lieux de travail, au club de sport, etc. Nous vivons dans un environnement alimentaire obésogène et qui incite continuellement à la malbouffe. »
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Il suffit d’entrer dans un supermarché pour s’en rendre compte: les aliments préemballés, riches en calories, sont généralement placés à hauteur d’yeux. « Les publicités promeuvent bien plus de produits malsains que de produits sains, car ils rapportent plus évidemment. Les aliments malsains sont en outre relativement bon marché ou faciles à consommer. Celui qui veut manger sainement doit fournir un réel effort: réfléchir à une recette, laver et découper des légumes, les cuire. Cela demande du temps, des aptitudes culinaires et la capacité de résister à toutes les options faciles, moins saines. Et ce n’est pas toujours évident. »
Rétablir l’équilibre
Stefanie Vandevijvere plaide pour une régulation plus ferme de notre environnement alimentaire: « Les autorités devraient rétablir l’équilibre entre incitants sains et malsains pour rendre le choix sain plus attrayant. Cela n’entame en rien notre liberté de choix, loin de là. Si le sain et le malsain s’équilibraient davantage, les citoyens pourraient faire des choix alimentaires de manière plus réfléchie. Actuellement, l’industrie agro-alimentaire nous oriente massivement vers les aliments ultra-transformés, riches en calories. Souvent sans que nous nous en rendions compte. »
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Les supermarchés et les producteurs affirment parfois qu’ils participent activement à un environnement alimentaire plus sain. Par le biais de Belgian Pledge notamment, ils s’engagent volontairement à limiter les publicités d’aliments peu sains à l’intention des enfants. Seuls les produits qui satisfont à une série de critères nutritionnels auto-définis peuvent faire l’objet de marketing. « Cela peut sembler être une bonne idée en théorie, mais ce type d’autorégulation ne fonctionne pas. Beaucoup de biscuits, de chips et de glaces se situent juste en-dessous des valeurs convenues en matière de sucre, de sel et de graisse. Les producteurs peuvent donc en faire la promotion sans problème à l’intention des enfants. L’industrie prétend naturellement qu’elle respecte ses promesses, mais là n’est pas la question. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si un engagement comme le Belgian pledge réduit l’exposition des enfants à la publicité pour des produits mauvais pour la santé. Or, ce n’est pas le cas comme le confirment les études. Pourtant nous savons que l’exposition à ce type de publicités conduit à terme à l’obésité chez les enfants. »
39 à 55% de toutes les denrées alimentaires proposées par les supermarchés sont peu saines, autrement dit affichent un Nutri-Score D ou E. » Stefanie Vandevijvere, nutritionniste et experte en politique de l’alimentation (Sciensano)
Fastfood aux portes de l’école
De la parole aux actes, il y a un long chemin! C’est ce que révèle le nouveau projet BIA-Obesity que Stefanie Vandevijvere a coordonné pour Sciensano. Cette étude évalue et compare pour la première fois les engagements et pratiques des 31 plus grandes entreprises alimentaires, restaurants fastfood et supermarchés en Belgique. L’objectif est de voir comment ils contribuent à un environnement plus sain et à la prévention de l’obésité. « Ces entreprises ont encore une grande marge d’amélioration, dit-elle avec diplomatie. 39 à 55% de toutes les denrées alimentaires proposées par les supermarchés sont peu saines, autrement dit affichent un Nutri-Score D ou E (voir cadre). De même, les fabricants d’aliments emballés et de boissons non-alcoolisées obtiennent un score moyen, voire mauvais. Seuls 2 des 18 fabricants étudiés peuvent dire que la majorité de leurs produits sont sains. »
Sans surprise, ce sont les fastfoods qui ont obtenu les plus mauvais résultats dans cette analyse. Ils n’ont souvent aucun engagement clair et vendent essentiellement des aliments malsains, objets d’une publicité agressive, et se postent à des endroits fréquentés par beaucoup d’enfants. 4 des 7 chaînes étudiées positionnent la majorité de leurs établissements à moins de 500 mètres d’une école primaire.
Lueurs d’espoir
Mais elle relève aussi quelques lueurs d’espoir: « Le Nutri-Score envahit petit à petit les supermarchés. Delhaize fait figure de leader pour le moment: fin 2019, on trouvait ce Nutri-score sur 30% de ses marques. Et par le biais d’étiquettes électroniques, Delhaize score aussi des produits qui ne viennent pas directement de chez eux. C’est Aldi qui a le plus souvent fait la promotion des fruits et des légumes frais dans son prospectus, Colruyt le moins souvent. À côté de cela, des entreprises alimentaires promettent de mettre sur le marché des produits contenant moins de sucre et de sel, mais cette adaptation se produit très lentement. En Belgique, l’apport de sel par personne a diminué d’environ 1 g en 10 ans. C’est mieux que rien, mais cela illustre en même temps que l’industrie a encore du pain sur la planche. »
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Il semble que l’étude BIA-Obesity, qui compare des acteurs alimentaires commerciaux entre eux, en ait rendu beaucoup très nerveux. « Nous avons observé la stratégie alimentaire des entreprises, la composition nutritionnelle de leur offre, la promotion du produit et de la marque, l’étiquetage, etc. Je comprends bien leur inquiétude. Un supermarché comme Delhaize s’est profilé ces dernières années comme attentif à la santé ; or, notre analyse égratigne cette image positive. Bien qu’il devance les autres avec le Nutri-Score et organise régulièrement des actions santé, son prospectus se compose essentiellement de produits peu sains, qui font l’objet d’un marketing agressif. L’année de l’étude, 52,1% de toutes les actions étaient des promotions pour des aliments ultra-transformés. Moins de 7% de leurs promos concernaient les fruits et les légumes. D’après l’OMS, 70,7% des produits Delhaize ne peuvent faire l’objet de marketing ciblé sur les enfants pour des raisons de santé. Avec des chiffres entre 64% et 82%, d’autres supermarchés ne font d’ailleurs guère mieux. »
Tous recalés!
Concernant leurs engagements, les acteurs étudiés ont obtenu un score entre 2% et 75%, mais Stefanie Vandevijvere insiste sur l’interprétation de ces chiffres: « Prenons par exemple un producteur comme Unilever. Avec un chiffre global de 72%, l’entreprise obtient un score relativement bon pour ces engagements. Pourtant, au moment de l’analyse, 88,3% de leur assortiment se composait de produits ultra-transformés. Un produit Unilever médian a un Nutri-Score ‘D’, presque le plus mauvais score. 70% de ses produits ne devraient donc pas faire l’objet de publicités axées sur les enfants. Conclusion? Même des engagements relativement solides ne peuvent pas dissimuler des prestations santé souvent médiocres dans la réalité. La proportion entre produits sains et malsains dans l’offre de chacun le démontre à l’envi. Sur ce plan, tout le monde est recalé! »
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Mais il est aussi frappant de constater la divergence entre les scores, y compris entre acteurs concurrents proposant une offre similaire: « Nous espérons que ces différences motiveront les prestataires à mieux faire. Personne n’a envie d’être le dernier de la classe. À côté de cela, nous espérons que nos résultats contribueront à une politique publique plus ferme. Nous savons qu’un environnement alimentaire malsain mène à l’obésité. Ne faisons donc pas porter au consommateur l’entière responsabilité de choix alimentaires malsains. On prétend parfois que les parents doivent préserver leurs enfants de ces mauvais choix alimentaires. Mais peut-on interdire aux gens de se faire plaisir quand ils évoluent constamment dans une sorte de grande confiserie? La vérité, c’est que dans un tel contexte les parents ont eux-mêmes du mal à se maîtriser, alors ne parlons pas de leurs enfants! »
Pouvoirs publics, agissez!
L’industrie alimentaire et les supermarchés disent se préoccuper de la santé du consommateur. Peut-être. Mais tant qu’ils retirent beaucoup de profit d’aliments malsains, ils ne rectifieront pas fondamentalement le cap. « C’est pourquoi un environnement alimentaire plus sain nécessite avant tout des décideurs déterminés. Ils peuvent faciliter des choix alimentaires sains par une régulation plus stricte de la publicité pour les aliments néfastes pour la santé et le fastfood, surtout à l’intention des enfants. Ou grâce à des stratégies tarifaires qui rendent les aliments sains moins chers et les aliments malsains plus chers. Les taxes britanniques sur le sucre ont retiré en un an plus de sucre des sodas que n’a pu le faire l’industrie via des engagements volontaires en 10 ans. Enfin, les supermarchés doivent être aménagés autrement: pas de barres chocolatées ni de friandises à la caisse, davantage de promotions pour des produits sains, une place centrale et visible pour les fruits et légumes dans le magasin », conclut l’experte de Sciensano.
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