Faut-il faire moins d’enfants pour sauver la planète ?
Alors que des études jugent que ne pas avoir d’enfant est l’un des moyens les plus efficaces pour réduire les émissions de CO2, d’autres estiment que le changement doit avant tout avoir lieu au niveau politique et de manière plus massive. La question divise les militants pour l’environnement.
Jour de dépassement des ressources naturelles qui arrive de plus en plus tôt dans l’année, vagues de chaleurs et évènements climatiques extrêmes de plus en plus intenses et fréquents… de nombreux signes poussent régulièrement les scientifiques à tirer la sonnette d’alarme quant à l’état de notre planète. Si les enjeux sont clairs, les solutions à appliquer, tant par le politique que par le particulier, et leurs impacts sont parfois un peu plus abstraits. Parmi ces moyens (se déplacer en transports en commun ou en vélo, consommer moins de viande…), un semble gagner du terrain : le fait d’avoir moins d’enfants, voire pas du tout. Mais cette idée ne fait pas l’unanimité.
58,6 tonnes de CO2 par an
L’an dernier, une étude majeure, publiée dans la revue Environmental Research Letters, a conclu que le fait de ne pas avoir d’enfant était l’un des moyens les plus efficaces pour réduire notre empreinte carbone. Selon ces estimations, une famille américaine choisissant d’avoir un enfant de moins offrirait la même réduction d’émissions que 684 adolescents recyclant pour le reste de leur vie.
Les scientifiques ont conseillé quatre solutions pour contribuer à la réduction du CO2 : éviter les voyages en avion, abandonner l’utilisation de la voiture, adopter un régime végétarien et avoir un enfant de moins. Cette dernière option permettrait de réduire émissions de CO2 à hauteur de 58,6 tonnes chaque année. « Nous reconnaissons que ce sont des choix profondément personnels. Mais nous ne pouvons pas ignorer les effets de notre mode de vie sur le climat », déclarait alors Kimberly Nicholas (Lund University, Suède), qui a pris part à l’étude. Il ne faut pas pour autant délaisser les petites actions qui ont moins d’impact, comme le recyclage : « Toutes ces choses sont bonnes à faire. Mais elles sont davantage un début qu’une fin. Elles ne sont certainement pas suffisantes pour faire face à l’ampleur du défi climatique auquel nous sommes confrontés. »
La surpopulation est un facteur controversé dans le débat sur le changement climatique. Certains soulignent notamment des inégalités entre les différentes nations : un Américain est considéré comme responsable de 40 fois plus d’émissions qu’un Bangladais, précise The Guardian. Avec cet argument, ce n’est pas tant le nombre de personnes qui pose question, mais bien la surconsommation, qui constitue également un enjeu crucial quand il s’agit d’environnement.
Un débat plus large
Mais le débat est souvent restreint à celui du contrôle de la population. Mais d’autres organisations estiment que cela fait partie d’un débat beaucoup plus large. C’est le cas de Josephine Ferorelli et Meghan Kallman, fondatrices de Conceivable Future, une organisation américaine qui encourage les conversations autour du changement climatique. Selon elles, la vraie question à se poser est pourquoi nous vivons sur une planète où le coût carbone d’un enfant est si élevé.
« Il est absurde de penser qu’un groupe de personnes décidant de ne pas avoir d’enfants va résoudre le problème du changement climatique. Je pourrais mettre fin à mes jours maintenant, m’extraire des 7 milliards d’individus, et le changement climatique se poursuivrait « , ironise Kallman à l’Independent. Pour que cela ait un impact, il faudra que le mouvement soit unanimement suivi, juge-t-elle. Un avis que ne partagent pas les partisans de l’idée, pour qui un changement individuel constitue la première étape d’un plus grand mouvement politique.
La faiblesse de l’action individuelle
Pour Rebecca Kukla, professeure agrégée de philosophie (Carleton University, Ottawa), ce ne sont pas les individus qui constituent la principale menace pour l’environnement, mais l’industrie et le développement des infrastructures. Surtout que les choix personnels de mode de vie doivent être mis en perspective. Si l’on choisit de ne pas avoir d’enfants pour des raisons environnementales, il faut être conscient « des faits scientifiques tels que nous les connaissons, y compris ceux qui démontrent que les choix de vie individuels ne sont pas les principaux changements à effectuer. »
Rivka Weinberg, philosophe et auteure d’un livre sur la procréation, estime également que le changement ne doit pas venir des familles, mais plutôt se faire sur le plan politique. Et le choix doit être laissé à chacun. « Au niveau individuel, chaque personne doit décider s’il est moralement acceptable pour elle d’avoir des enfants, et le changement climatique rend ce choix plus difficile », explique-t-elle dans The Independent. Décider de ne pas avoir d’enfants pour cette raison uniquement est selon elle une « réaction prématurée » car d’autres solutions, moins radicales, peuvent être adoptées avant.
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