« En mai, tonte à l’arrêt »: comment vos jardins ont aidé la nature
Quand ils laissent un peu de place à la nature sauvage, nos jardins sont bien de précieux alliés pour aider la biodiversité. C’est l’un des grands enseignements de l’opération En mai, tonte à l’arrêt, que Le Vif rééditera l’an prochain. Une démarche tout aussi pertinente sur le plan scientifique, dont voici les principaux résultats.
Le compteur s’est finalement arrêté à 1 357 jardins: 87% en Wallonie, 7,5% en Région bruxelloise et 5,4% en Flandre. Pendant tout le mois de mai, 1 357 particuliers, entreprises ou acteurs publics ont donc choisi de ne plus tondre une partie de leur pelouse, afin de permettre à la nature d’y reprendre ses droits. Pour cette première édition de l’opération En mai, tonte à l’arrêt, menée par Le Vif en partenariat avec l’asbl Adalia et la faculté Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège), le bilan est très honorable. D’autant que 6 225 autres jardins, essentiellement en Flandre, ont pris part à l’action équivalente du magazine Knack, Maai mei niet. L’engouement s’est traduit par des centaines d’identifications de fleurs publiées sur BioPlanner, la plateforme conçue pour l’occasion par notre partenaire universitaire.
Dans un contexte marqué par le déclin, au bas mot, de la biodiversité depuis des décennies, les jardins se voient appelés à contribuer à son redressement, crucial pour l’adaptation aux changements climatiques comme pour l’avenir de notre alimentation. A cet égard, les résultats de l’opération sont à la fois positifs et pertinents au niveau scientifique. Sur les 1 357 participants, 404 ont mentionné les espèces observées sur BioPlanner. « Cette opération constitue un premier état des lieux, commente Grégory Mahy, professeur à la faculté Gembloux Agro-Bio Tech. Pour nous, l’intérêt réside avant tout dans la quantité de données obtenues à partir de tous ces jardins. Elle vient gommer en partie l’imprécision éventuelle des informations encodées. Si nous devions demander à nos meilleurs experts d’observer des jardins dans toute la Wallonie, nous n’aurions jamais pu récolter des données pour 400 jardins sur une saison. »
Une belle richesse floristique
Même en tenant compte de possibles erreurs dans l’identification des espèces, les observations révèlent une belle richesse floristique. Ainsi, à la fin du mois de mai, près d’une pelouse sur deux présentait cinq à neuf espèces de fleurs (sur la liste des 38 espèces les plus fréquentes répertoriées sur BioPlanner), tandis que 20% des jardins comptaient au moins dix espèces sur un mètre carré de leur parcelle non tondue. « Cinq ou six espèces, c’est déjà supérieur à ce que l’on trouve dans la plupart des prairies d’un système agricole conventionnel, souligne Grégory Mahy. Dans nos paysages dominés par la présence de l’homme, cet apport des jardins est donc tout à fait significatif. » C’est la pâquerette qui a été observée le plus fréquemment, devant le pissenlit et le renoncule âcre (bouton d’or). En nombre de fleurs comptabilisées, la première place revient aussi à la pâquerette, mais cette fois devant le myosotis et la véronique petit-chêne.
Soutenir les pollinisateurs
La variété des espèces (et donc des formes de fleurs) permet d’attirer différents types de pollinisateurs. A cela s’ajoute une autre vertu, comme le résume Sylvain Boisson, project manager à l’unité Biodiversité et paysage de Gembloux Agro-Bio Tech: « Plus un milieu est diversifié, plus il est résilient. Si, par exemple, des pissenlits disparaissent lors d’un épisode de sécheresse, le maintien d’autres espèces permettra de continuer à soutenir les pollinisateurs. » Essentiels pour la sécurité alimentaire, ces derniers disparaissent à un rythme alarmant. Un tiers des espèces d’abeilles et de papillons seraient en déclin en Europe, et 10% en voie d’extinction. « Rien que dans l’UE, environ 84% des espèces cultivées et 78% des espèces de fleurs sauvages dépendent, au moins en partie, de la pollinisation animale », rappelle la Commission européenne. Il importe toutefois de veiller à la bonne cohabitation de ces pollinisateurs – l’hégémonie des abeilles domestiques peut s’avérer problématique pour les abeilles sauvages, qui butinent dans un rayon plus restreint.
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Votre indice nectar personnalisé
Ce 10 juin, les participants de l’opération ayant procédé au comptage des fleurs sur un mètre carré reçoivent leur indice nectar personnalisé. Dans la mesure du possible, cette évaluation tient compte du potentiel nectarifère de chaque espèce observée. En suivant l’hypothèse selon laquelle chaque participant a bel et bien compté les fleurs sur un seul mètre carré (ce qui n’est probablement pas le cas pour tous les jardins), la production de nectar équivaudrait en moyenne à 55,6 milligrammes par mètre carré et par jour.
En l’absence de données précises sur la superficie des parcelles non tondues, un scénario dans lequel la surface de non-tonte représenterait 20% de celle des 1 357 jardins inscrits (près de 110 hectares) aboutirait à une production cumulée de 12,15 kilos de nectar par jour. « Pour le développement d’une larve d’abeille solitaire, il faut environ 60 mg de nectar frais, explique Grégoire Noël, doctorant à la faculté Gembloux Agro-Bio Tech. Donc, un mètre carré de jardin non tondu par jour au mois de mai correspond plus ou moins à la quantité de nectar pour nourrir un larve d’abeille solitaire.
La surface de 20% de tous les jardins non tondus permettrait théoriquement de soutenir le développement d’environ treize millions de larves d’abeilles solitaires par jour du mois de mai. Si on regarde du point de vue de l’abeille mellifère, la production de nectar, dans le même scénario, nourrirait environ 25 ruches durant un mois. Ces chiffres sont donc intéressants et assez conséquents, mêmes s’ils restent théoriques et certainement surestimés. »
A terme, la récurrence de l’opération, que Le Vif rééditera l’année prochaine, permettra de suivre l’évolution du potentiel nectarifère des jardins. Celui-ci peut en effet varier en fonction des conditions météorologiques et de la gestion par leurs propriétaires. Mieux connaître cet environnement immédiat pour mieux le protéger: c’est, en quelque sorte, la finalité de la démarche scientifique inhérente à l’opération « En mai, tonte à l’arrêt », dont cette édition ne constitue dès lors qu’une première étape.
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Derrière les chiffres…
Doctorantes à l’unité Biodiversité et paysage de la faculté Gembloux Agro-Bio Tech, Lucie Rivière et Maïké Dellicour ont investi du temps dans la compilation des données de l’action « En mai, tonte à l’arrêt ». La première s’intéresse à la diversification et à l’apport des espèces adaptées aux toitures végétales, notamment pour la biodiversité et les services rendus en matière de régulation de l’eau de pluie. La seconde travaille à la restauration des prairies de fauche en Wallonie, un cercle vertueux qui peut nécessiter plusieurs années avant d’en percevoir nettement les effets, en recourant par exemple au fauchage tardif et à l’ensemencement, sur les sites les plus dégradés.
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