« En mai, tonte à l’arrêt »: comment les communes peuvent aider la biodiversité
Vu leurs nombreux espaces verts, Le Vif invite les communes à se joindre à l’opération « En mai, tonte à l’arrêt ». Si les pratiques plus favorables à la nature gagnent du terrain, la perception du grand public reste un obstacle.
L’année dernière, quelques communes avaient participé à la première édition d’« En mai, tonte à l’arrêt ». A juste titre, puisque l’initiative visant à laisser de la place à la nature s’applique à de nombreux espaces gérés par les pouvoirs locaux. Dans les forêts et les parcs, bien sûr, mais aussi en bord de voirie, dans les terrains de bâtiments publics ou encore les cimetières. Une fois de plus, Le Vif propose donc aux communes de s’inscrire à son opération en faveur de la biodiversité, outre les jardins des particuliers. L’occasion, pour certaines d’entre elles, de mettre en avant le chemin accompli. « Depuis une dizaine d’années, nous aidons les communes à agir en faveur de la biodiversité et à se passer de pesticides », retrace Pierre-Laurent Zerck, conseiller technique pour les professionnels au sein d’ Adalia 2.0.
De plus en plus de communes se rendent compte que la gestion différenciée est un gain sur le long terme, en comparaison avec la tonte régulière.
En juin 2014, la Wallonie a décidé d’interdire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les espaces publics, avec une période transitoire de cinq ans. Cette législation « zéro phyto », appliquée strictement depuis 2019, a résolument constitué un électrochoc pour la gestion des espaces verts. « Elle a permis de mettre en avant les solutions de désherbage alternatif, poursuit Pierre-Laurent Zerck. Mais pour arriver au même résultat que les produits, celles-ci nécessitent un investissement plus important sur le plan matériel et humain. » D’où l’intérêt de ce que l’on appelle la gestion différenciée. « Elle consiste à adapter le mode d’entretien d’un espace vert selon sa fonction et son utilisation », résume Célia Larrinaga, également conseillère technique chez Adalia 2.0. Prés de fauche dans les endroits non fréquentés, prairies fleuries dans les zones plus visibles, verdissement partiel des cimetières… Tout l’enjeu réside dans la juste allocation des moyens financiers et humains, en laissant faire la nature là où c’est possible.
Communication indispensable
« De plus en plus de communes se rendent compte que la gestion différenciée est finalement un gain sur le long terme, en comparaison avec la tonte régulière« , poursuit Célia Larrinaga. Pour y parvenir, la méthode idéale consiste à réaliser un plan de gestion différenciée, c’est-à-dire un inventaire de tous les espaces verts sur le territoire communal, assorti d’une classification et d’une feuille de route des types de gestion à prévoir. Bien que vertueuse, cette transition n’est pas simple pour autant. « L’obligation de se passer de pesticides était une bonne chose sur le fond, mais sa mise en oeuvre n’a pas été simple, commente Gwenaël Delaite, conseillère experte à l’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW). Ce qui pose encore problème, ce sont les cimetières. Au départ, ils n’ont pas été conçus pour accueillir de la verdure. Il faut transformer ces cimetières gris en espaces propices à l’accueil de la biodiversité. Or, leur végétalisation est souvent mal perçue, d’autant qu’elle demande un temps d’adaptation. »
Même si les mentalités évoluent positivement, une partie des citoyens assimilent en effet la gestion différenciée à du mauvais entretien, ce qui peut freiner les communes dans leurs efforts. Il arrive en outre que le fauchage tardif de certains espaces attire le dépôt sauvage de déchets. « La communication reste indispensable, souligne Gwenaël Delaite. Le but est de montrer que le lieu n’est pas abandonné. » Adalia 2.0 propose de ce fait plusieurs solutions, telles que des panneaux explicatifs à placer sur site, des dépliants ou encore des conférences destinées aux citoyens. « Sans cela, même les personnes favorables aux actions en faveur de la nature ne perçoivent pas toujours l’intérêt des démarches dans certains espaces », ajoute Pierre-Laurent Zerck.
Renforcer la résilience
Certaines communes n’ont pas attendu l’application stricte de la législation « zéro phyto » pour se passer de pesticides. Eupen les a bannis dès 1984, Saint-Léger en 2011 et Namur en 2016. Mais les actions favorables à la biodiversité ne se limitent pas à cela. L’ année dernière, 225 des 262 communes wallonnes ont bénéficié d’une subvention de la Région dans le cadre de son appel à projet BiodiverCité, qui regroupe les actions du plan Maya, de la Semaine de l’arbre et la réalisation d’un plan communal de développement de la nature. Les communes peuvent réintroduire un dossier cette année, jusqu’au 8 juin prochain. La Wallonie octroie aussi des subsides dans le cadre de son initiative Yes We Plant, visant à planter quatre mille kilomètres de haies ou un million d’arbres sur son territoire. De son côté, la Région de Bruxelles-Capitale vient de clôturer un appel à projets pour soutenir les initiatives renforçant la résilience de l’espace public, à partir de solutions axées sur la nature (déminéralisation, zones de gestion écologique, accueil de la biodiversité…).
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« Pendant longtemps, les communes ont sans doute considéré que la biodiversité était optionnelle, mais c’est de moins en moins le cas, conclut Gwenaël Delaite. D’autant que les coulées de boue, les inondations et même la crise sanitaire ont montré à quel point la nature environnante avait un rôle à jouer. Malgré le manque de moyens, les communes ont davantage le réflexe de penser « biodiversité » dans leurs actions transversales. » Si certaines d’entre elles avancent encore à tâtons, d’autres ont déjà fait de la gestion différenciée leur routine de travail. Entre ces démarches favorables à la nature et l’artificialisation parfois déraisonnable de certains espaces, encore faut-il que leurs actions soient cohérentes. Au risque d’engendrer l’incompréhension des citoyens et surtout d’annuler les bénéfices pour la biodiversité.
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