Un an après l’invasion du Capitole, Trump s’apprête-t-il à rebondir? (analyse)
Un an après l’invasion du Capitole, l’ancien président fait face au double péril des poursuites en justice et de l’exposition médiatique réduite. Mais la route vers 2024 est encore longue, et rien n’exclut un retour en force du républicain.
Le contexte
Rentrée politique à un moment très symbolique. Donald Trump devait tenir une conférence de presse ce jeudi 6 janvier, un an après l’assaut de ses partisans au Capitole. Il y a finalement renoncé. Une commission spéciale de la Chambre des représentants enquête sur la responsabilité de l’ancien président dans cette attaque qui a ébranlé la démocratie américaine. Celui-ci a demandé le 23 décembre à la Cour suprême de bloquer le transfert d’archives de la Maison-Blanche à la commission parlementaire. Donald Trump poursuit sa stratégie d’obstruction et de déni dans l’espoir de pouvoir briguer un nouveau mandat en 2024.
Le temps doit sembler long à Donald Trump. Si les parcours de golf est-floridiens continuent de constituer sa distraction quotidienne et s’il reçoit encore beaucoup d’hommes et de femmes politiques ou des activistes en tout genre dans sa résidence de Mar-a-Lago, son agenda n’a plus rien à voir avec les déplacements et meetings assurés au pas de course qu’il affectionnait tant. Plus de fil Twitter non plus. Banni de la plateforme à la suite de son implication dans l’insurrection contre le Capitole le 6 janvier 2021, Donald Trump, à l’image de son clan, en est réduit à se rappeler au bon souvenir de ses partisans dans les innombrables mails envoyés par ses équipes à tout qui a eu la mauvaise idée de communiquer ses coordonnées électroniques à la Team Trump – il est quasi impossible de s’en désabonner. Certains de ces courriels concernent son soutien à quelques candidats en campagne par-ci par-là ; d’autres annoncent une prochaine interview à Fox News, mais la plupart incluent des demandes de fonds qui flirtent souvent avec la menace. Gare à celui qui ne serait pas un bon patriote!
S’il devait se présenter demain à des primaires républicaines pour le poste de président, Donald Trump ne ferait qu’une bouchée de ses opposants.
Un soutien toujours utile
Si personne ou presque ne doute du fait que l‘ancien président n’est pas encore à la rue, il s’agit tout de même de faire tourner la machine et d’engranger des réserves en vue des échéances à venir. Pas tant l’élection présidentielle de 2024, pour laquelle Trump continue de faire planer le doute sur sa participation, mais bien les midterms de novembre 2022, ce scrutin de mi-mandat lors duquel les républicains espèrent une reprise de la majorité acquise aux démocrates dans les deux Chambres.
Car la structure Trump, par son soutien affiché ou refusé aux différents candidats conservateurs à divers échelons de pouvoir, continue de peser sur le Parti républicain. Peu de responsables politiques en campagne osent prendre leurs distances avec lui. Tel est le cas de Glenn Youngkin, richissime homme d’affaires fraîchement élu gouverneur de Virginie, qui, s’il n’avait pas besoin, loin s’en faut, du soutien financier de l’ancien président, a pris le pli, malgré son profil de républicain modéré, de se revendiquer de l’héritage de Trump. Sans surprise, cette stratégie s’est révélée payante lors de l’élection du 2 novembre dernier, soulignant l’influence que continue de jouer ce dernier sur les campagnes politiques.
Pour Donald Trump, même plus besoin, contrairement à l’usage, de se déplacer sur place pour soutenir les candidats. Une mention de la part de ces derniers que l’ancien président constitue le père idéologique de leur candidature suffit souvent à triompher dans les urnes, tant sa popularité reste grande. S’il devait se présenter demain à des primaires républicaines pour le poste de président, Donald Trump ne ferait qu’une bouchée de ses opposants. Ses deux challengers potentiels, Ron DeSantis et Kristi Noem, respectivement gouverneur de Floride et du Dakota du Sud, ne récolteraient que des miettes.
Phagocyter la présidence
Cette élection en Virginie, perdue donc par les démocrates alors que le territoire est historiquement un fief de gauche, serait-elle un signe avant-coureur d’un début de décennie difficile pour les « progressistes »? C’est probable. Car les conservateurs, en profonde redéfinition identitaire depuis le mandat de l’ancien roi de l’immobilier, grignotent çà et là des parts de marché. Les élections de mi-mandat, pour lesquelles les choses sérieuses commenceront à la fin de l’été, pourraient finir de parasiter la présidence de Joe Biden, déjà elle-même mise en péril par des défections dans le camp démocrate.
La politique aux Etats-Unis est désormais surtout marquée par le phagocytage, un parti empêchant l’autre de gouverner pour ensuite pointer du doigt son inaction et son incurie et remporter la mise aux élections présidentielles suivantes. Au cours de son premier mandat, Barack Obama avait déjà expérimenté l’obstruction de son agenda législatif par les républicains – c’était l’époque de l’Obamacare. Mais il avait malgré tout su triompher lors de la présidentielle de 2014. Joe Biden, en revanche, paraît aujourd’hui trop faible pour faire triompher en 2024 le camp démocrate s’il devait perdre sa majorité dans les chambres aux midterms.
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Deux soucis majeurs
Quels éléments peuvent désormais freiner la route et l’influence de Donald Trump, 75 ans, à part sa santé? Avant tout, les affaires. Elles portent sur deux volets: son implication dans l’invasion du Capitole et les malversations financières et comptables dont son groupe se serait rendu coupable et sur lesquelles Cyrus Vance, le procureur de Manhattan, et ses équipes planchent depuis maintenant trois ans. Les faits reprochés tiennent essentiellement à de la fraude fiscale par surévaluation et sous-évaluation d’actifs en vue d’éluder l’impôt. Ils ne devraient toutefois pas empêcher une nouvelle candidature du président.
Sur le rôle joué par Donald Trump dans le cadre de la journée tragique du 6 janvier 2021, la commission spéciale de la Chambre des représentants, chargée d’enquêter sur les faits et composée de démocrates et de quelques rares républicains opposés à Trump, se concentre désormais sur deux éléments, dont le second pourrait être extrêmement préjudiciable à l’avenir politique de l’ancien président.
Dans les premières semaines, il s’est avant tout agi pour la commission de récolter des témoignages et des documents potentiellement compromettants. Les équipes de l’ex-président ont tenté au maximum de se réfugier derrière le « privilège exécutif » du secret présidentiel. Nombre de documents ont malgré tout fait surface, montrant de manière limpide une véritable stratégie pour tenter d’invalider le résultat de l’élection présidentielle de novembre 2020 sur la base d’allégations de fraude électorale loufoques. Désormais, les efforts de la commission se focalisent sur deux points: y a-t-il eu fraude avérée du camp présidentiel pour siphonner le portefeuille de leurs sympathisants sur la base de mensonges délibérés laissant croire que les élections avaient été « volées » (Donald Trump en est sorti plus riche de 250 millions de dollars)? Et surtout, y a-t-il eu une « obstruction au Congrès » de la part de la présidence pour tenter d’invalider de manière délibérée le résultat des élections?
Le devoir de protéger la constitution
Le but affiché de la commission spéciale de la Chambre des représentants était de compiler une série de faits pour mettre en lumière ce qui paraissait trouble, afin que de tels événements ne se reproduisent pas. A mesure que leurs travaux ont avancé, ses membres ont été amenés à considérer l’éventualité que Donald Trump aurait agi de manière calculée pour invalider le résultat de l’élection et nuire à son devoir de protéger la Constitution américaine. Si elle devait être avérée et transmise pour examen au ministère de la Justice, cette prévention pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour l’avenir politique de Donald Trump.
Passé maître dans l’art de se forger un trésor de guerre et de séduire des partisans quasi hypnotisés par ses talents de showman, Donald Trump pourrait cependant voir ses tentatives d’échapper à la justice réduites à néant.
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