Rideau sur l’ère Merkel: qui va succéder à la chancelière?
Le flou le plus total entoure l’issue des élections législatives allemandes du 26 septembre. Le Parti social-démocrate maintient son avance dans les sondages. Mais les Allemands s’inquiètent de la perspective d’une coalition inédite, à trois partis.
L’inversion des tendances s’est produite quelque part au coeur de l’été. Le Parti social-démocrate, longtemps à la traîne dans les sondages, a d’abord rattrapé les Verts, à la fin du mois de juillet dernier, avant de doubler les conservateurs de la CDU-CSU le 24 août. Aucune des tentatives de ses adversaires de redresser la barre n’ a, depuis, semblé menacer l’avance d’Olaf Scholz, crédité de 26% des intentions de vote dans les derniers sondages (CDU-CSU 21%, Verts 15%, libéraux du FDP 12%, extrême droite de l’AfD 11%, néocommunistes de Die Linke 6%).
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Le ministre des Finances d’Angela Merkel, Olaf Scholz, vice-chancelier, premier secrétaire du SPD du temps de Gerhard Schröder, ancien maire de Hambourg, réputé pour sa pâleur et son manque de charisme, a donc de bonnes chances de devenir le prochain chancelier de l’ Allemagne à l’issue d’une bataille électorale poussive. Car c’est bien le manque d’enthousiasme des électeurs qui caractérise l’atypique campagne de 2021, alors que, pour la première fois depuis l’après-guerre, le chancelier en poste – Angela Merkel au pouvoir depuis 2005 – ne se présente pas à sa propre succession. Une semaine avant les élections, 40% des Allemands ne savaient toujours pas à quel parti ils donneraient leur voix ; 53% assuraient qu’ils voteraient « pour le parti du moindre mal ». 40% voulaient « faire un choix stratégique », visant avant tout à éviter la coalition leur paraissant la pire.
Le prochain chancelier ne disposera pas d’autant de pouvoir qu’Angela Merkel.
Jamais dans l’histoire de l’ Allemagne, les forces en présence n’auront eu le choix entre autant de coalitions, si on en croit les sondages. Cinq modèles différents sont, pour l’instant, envisageables. Cela laisse augurer de longues et compliquées négociations. Les Allemands pourraient bien attendre jusqu’en janvier avant de connaître leur prochain gouvernement. « La future coalition sera très certainement tripartite, insinue le directeur de l’institut de sondages Forsa, Manfred Güllner. Cela risque d’être un casse-tête programmatique, et un facteur d’instabilité. » Même si les positions des trois partis ne divergent guère dans les grandes lignes. Quatre sujets dominent la campagne: le combat contre le réchauffement climatique, la lutte contre la pandémie, la réforme des retraites et les inégalités sociales, via la fiscalité.
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Une base « rouge-verte »?
Sur tous ces points, les positions du SPD et des Verts semblent les plus proches. Tous deux veulent augmenter à 12 euros de l’heure le montant du salaire minimal (10,50 euros à l’heure actuelle). Tous deux sont favorables à une augmentation des impôts pour les ménages les plus aisés, afin de financer le virage énergétique et la lutte contre les inégalités, notamment la pauvreté des enfants (l’un des points forts de la campagne de la Verte Annalena Baerbock alors qu’en Allemagne, un million d’enfants vivent des minima sociaux). Tous deux veulent développer les investissements publics, notamment dans les secteurs d’avenir que sont les infrastructures digitales, les énergies renouvelables ou le réseau ferroviaire.
La difficulté à former une coalition s’annonce du côté du troisième partenaire potentiel autour de cette base « rouge-verte » de gouvernement. Les libéraux du FDP sont résolument opposés à toute hausse de la fiscalité ou à toute mesure restrictive en vue de lutter contre le réchauffement climatique – comme l’interdiction des moteurs à combustion ou la sortie précipitée du charbon dès 2030, deux mesures envisagées par les Verts. Pour l’instant, les chrétiens-démocrates excluent, de leur côté, de jouer le rôle de junior partnerd’un gouvernement qui serait dirigé par les sociaux-démocrates et refusent, eux aussi, toute hausse des impôts. Quant au troisième partenaire potentiel, Die Linke, il fait figure d’épouvantail tant pour le SPD que pour les Verts pour qui aucune alliance à gauche n’est possible à moins d’un soutien inconditionnel de Die Linke à l’Otan et l’Union européenne. Les néocommunistes militent aujourd’hui pour la sortie de l’ Allemagne de l’ Alliance atlantique, pour la négociation d’un nouveau traité entre les Etats de l’Union européenne en vue d’effacer les inégalités sociales et pour un rapprochement avec la Russie. Enfin, la coalition de prédilection du candidat CDU-CSU Armin Laschet, une union de son parti avec les Verts et les libéraux, semble aujourd’hui improbable au vu des sondages.
« Le prochain chancelier sera un exécutant des décisions de sa coalition, avertit le politologue Herfried Münkler, de l’université Humboldt de Berlin. Le pouvoir se concentrera entre les mains des différentes commissions chargées du fonctionnement de la coalition. Cela va changer les choses. Le prochain chancelier ne disposera pas d’autant de pouvoir qu’Angela Merkel. Je m’attends aussi à un renforcement des extrêmes, notamment ceux pour qui on n’ira pas assez vite pour le climat, comme le mouvement Friday for Future ; et ceux qui, au contraire, seront d’avis qu’il faut d’abord penser à soi, pour les retraites, ou bien d’abord à l’Allemagne… Politisés sous Angela Merkel, ces extrêmes pourraient multiplier les descentes dans la rue. »
Quel que soit le prochain gouvernement, le scrutin devrait consolider, à l’échelon national, une évolution déjà constatée au niveau municipal ou régional en Allemagne: la tendance au déclin des partis de masse, CDU-CSU et SPD, qui alternaient au pouvoir depuis la fin de la guerre, au profit des petits partis de clientèle, centrés sur un message comme les Verts et le climat, les libéraux et le refus des hausses d’impôts, Die Linke et la lutte pour les inégalités ou l’AfD et le refus des migrations. Car jamais la CDU et le SPD n’ont été aussi bas dans les sondages.
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