L’Italie plongée dans l’incertitude politique: les principaux scénarios après la démission de Conte
Le Premier ministre italien Giuseppe Conte, dont la coalition a été lâchée par un parti pivot, a présenté sa démission. Que va-t-il se passer maintenant ? Le point sur les différents scénarios pour sortir de cette énième crise politique italienne.
Le deuxième gouvernement formé en septembre 2019 par Giuseppe Conte – une coalition entre le PD (centre-gauche) et le Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème avant son arrivée au pouvoir) – est arrivé mardi à son terme au bout de 509 jours d’existence. Le président de la République Sergio Mattarella a reçu en milieu de journée Conte « qui a remis la démission de son gouvernement ». « Le président (…) a invité le gouvernement à rester en fonction pour gérer les affaires courantes », précise un communiqué de la présidence de la République.
Giuseppe Conte a présidé mardi matin un conseil des ministres pour informer son gouvernement de sa démission imminente, sonnant le coup d’envoi d’une énième crise dans l’histoire politique italienne. Il avait pris acte lundi de l’impossibilité de trouver une nouvelle majorité parlementaire après la défection du petit parti de l’ex-chef du gouvernement Matteo Renzi.
Conte espère néanmoins obtenir un mandat du président Sergio Mattarella pour tenter de former un nouveau gouvernement, son troisième depuis 2018, et mettre en oeuvre un plan de plus de 200 milliards d’euros censé relancer le moteur de la troisième économie de la zone euro, refroidi par la pandémie qui a fait plus de 85.000 morts dans le pays. Il devrait lancer rapidement des consultations tous azimuts avec les partis politiques, une chasse au consensus qui s’annonce des plus compliquées.
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Car le chef du gouvernement – un avocat et professeur de droit très proche du Mouvement 5 Etoiles, tombé dans la marmite politique un peu par hasard en 2018 – a anticipé une gifle politique cinglante qui se profilait au Sénat mercredi. Les sénateurs devaient se prononcer sur des réformes du ministre de la Justice Alfonso Bonafede (M5S), qui prévoyait notamment l’adoption de nouvelles règles en matière de procès civils et pénaux, ou encore l’abolition de la prescription après la première condamnation. Un vote qui se profilait comme un référendum contre le gouvernement.
Elargir ou partir
La crise politique avait été déclenchée par l’ex-Premier ministre Matteo Renzi (2014-2016), qui a retiré son petit parti Italia Viva de la coalition au pouvoir le 13 janvier, après des semaines de critiques sur la gestion de la crise sanitaire et les plans de dépenses économiques de Conte. Pour pouvoir rester au pouvoir et éviter la démission, Conte a dû se présenter devant le Parlement la semaine dernière pour un vote de confiance des deux chambres. Facile à la chambre basse, le vote au Sénat a été remporté de justesse, avec seulement une majorité relative après l’abstention des sénateurs d’Italia Viva.
Giuseppe Conte a été forcé de constater qu’il ne rallierait pas suffisamment de parlementaires indépendants ou dissidents pour rester au pouvoir avec un simple remaniement ministériel. « Le calcul de Conte, c’est qu’en prenant les devants, et donc en évitant une défaite humiliante au Sénat, il augmentera ses chances d’obtenir de Mattarella un mandat pour former un nouveau gouvernement », analyse Wolfango Piccoli, du cabinet d’études Teneo.
Mais si M. Conte pourra offrir de nouveaux fauteuils ministériels en monnaie d’échange, la difficulté d’élargir sa majorité reste entière. En cas d’échec, il devra prendre définitivement la porte. Et ses soutiens actuels – le secrétaire général du PD, Nicola Zingaretti, et le ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio (M5S)- seraient contraints de le lâcher et chercher un autre poulain pour former un gouvernement.
Reste l’hypothèse de la convocation de nouvelles élections législatives. Une perspective à haut risque pour le gouvernement de centre-gauche: selon les enquêtes d’opinion, la victoire reviendrait au bloc formé par la droite de Silvio Berlusconi (Forza Italia) et l’extrême droite (la Ligue de Matteo Salvini et le parti Fratelli d’Italia).
Et maintenant ? Les principaux scénarios
Conte 3
La crise a été déclenchée il y a deux semaines par la décision de l’ex-Premier ministre Matteo Renzi (2014-2016) et son petit parti de quitter la coalition au pouvoir, la privant d’une majorité au parlement. Conte devrait chercher maintenant à obtenir du président de la République Sergio Mattarella un nouveau mandat pour former un gouvernement, qui serait le troisième consécutif dirigé par ce professeur de droit depuis les législatives de 2018.
Pour réussir, il faudrait qu’il puisse renouer avec le parti de Renzi, force d’appoint indispensable aux deux piliers de la coalition: le Parti démocrate (PD, centre-gauche) et le Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème avant son arrivée au pouvoir). Le PD a appelé à un nouveau gouvernement Conte avec une « large assise parlementaire », nom de code donné à une majorité qui inclurait les centristes actuellement dans l’opposition. Ce scénario permettrait de neutraliser le pouvoir de veto de M. Renzi au sein de la coalition, mais l’incertitude demeure sur le nombre de parlementaires prêts à passer dans le camp de M. Conte.
Conte sacrifié
Renzi, qui a joué un rôle crucial dans la formation du second gouvernement Conte en 2019, a affirmé clairement qu’il ne faisait plus confiance au chef du gouvernement sortant. Il pourrait exiger la nomination d’un nouveau Premier ministre en échange de son retour au sein de la coalition. Selon les médias italiens, il pourrait s’agir d’un poids lourd du PD, comme l’actuel ministre de la Culture Dario Franceschini, ou encore de l’ex-dirigeant du M5S Luigi Di Maio, actuel ministre des Affaires étrangères.
Une autre solution pourrait être de nommer un Premier ministre indépendant afin d’éviter des conflits de préséance entre PD et M5S. Selon le journal La Repubblica, Conte pourrait devenir ministre dans un tel scénario.
Les technocrates au pouvoir
Si la coalition sortante ne réussit pas à recoller les morceaux, le président Mattarella devrait faire appel à une personnalité non partisane pour former un gouvernement d’unité nationale. Les parlementaires centristes et le parti de droite Forza Italia de l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi pourraient le soutenir, contrairement aux partis d’extrême droite de Matteo Salvini (Ligue) et Giorgia Meloni (Fratelli d’Italia).
Un gouvernement de ce type permettrait à l’Italie de gérer la pandémie et de finaliser le plan que Rome doit présenter à Bruxelles d’ici fin avril sur les modalités de dépense des 208,6 milliards d’euros qui lui seront attribués dans le cadre du méga-plan européen de relance adopté en juillet.
Elections anticipées?
La législature actuelle court jusqu’en mars 2023, mais le président pourrait provoquer des élections anticipées si la crise actuelle se révèle insoluble. M. Mattarella, dont le septennat s’achève en janvier 2022, ne pourra cependant plus le faire à partir de juillet, car la Constitution interdit au président de dissoudre le parlement durant les six derniers mois de son mandat.
Selon les sondages, en cas d’élections, la victoire reviendrait au bloc rassemblant la droite de M. Berlusconi et l’extrême droite de MM. Salvini et Meloni.
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