Joe Biden à Bruxelles: les défis du président américain face à Poutine (analyse)
Le président américain débarque à Bruxelles alors que l’offensive russe en Ukraine a uni les responsables politiques, y compris républicains, derrière lui. Trois quarts des partisans du « Grand Old Party » prônent même une coopération renforcée avec les alliés européens.
Le président américain a définitivement rompu les ponts. Joe Biden, qui avait notamment affirmé par le passé avoir regardé son homologue russe dans les yeux et n’y avoir « pas vu d’âme », a placé Vladimir Poutine au rang de rebut de la diplomatie internationale en déclarant, le 16 mars, à une journaliste qu’il était un « criminel de guerre ». Le temps du dialogue, tel qu’il s’était matérialisé lors d’une rencontre à Genève le 16 juin 2021 ou à la faveur d’un entretien téléphonique le 12 février 2022 quelques jours avant l’offensive russe en Ukraine, semble désormais révolu.
La dernière fois qu’un président américain est entré en confrontation aussi directe avec un alter ego russe, ou en l’occurrence soviétique, remonte à la crise des missiles à Cuba, en 1962. Mais John Kennedy avait alors choisi de se montrer plus coopératif avec Nikita Khrouchtchev dans l’espoir d’éviter un conflit de plus grande ampleur. La question qui occupe désormais les esprits et la communication officielle entre les conseillers à la sécurité nationale des deux camps est de savoir où les Américains placeront la ligne rouge dans l’utilisation d’armes non conventionnelles sur le terrain ukrainien.
Une fissure chez les républicains
Le président Joe Biden, qui a débloqué une aide d’un milliard de dollars à destination de l’Ukraine, jouit dans sa politique à l’égard de la Russie du soutien quasi unanime de la classe politique américaine. Le Sénat, peu habitué ces quinze dernières années à faire montre de consensus en matière de politique intérieure, a retrouvé le chemin de l’union sur les questions de politique internationale en approuvant à l’unanimité, le 15 mars, une résolution condamnant le président russe pour « suspicion de crimes de guerre » en Ukraine.
Le dossier ukrainien pourrait cependant ouvrir une fissure au sein des républicains entre un groupe de trumpistes rigoureusement attachés à la défense des intérêts russes et le reste du parti, chantre du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, credo traditionnel des Etats-Unis en matière de politique étrangère. Si l’aide militaire et financière apportée par les Américains sur le terrain ukrainien continue en effet de crisper une partie de la classe politique républicaine attachée à l’ancien président Donald Trump, les conservateurs se sont montrés unis derrière Joe Biden, comme a pu en témoigner à sa manière le leader de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, qui a estimé, dans l’émission politique dominicale Face the Nation sur CBS, que le président Biden pouvait aller « encore plus loin » dans ses actions à l’encontre de Vladimir Poutine afin de « protéger les intérêts de l’Alliance atlantique ». « (Biden) s’est généralement distingué par de bonnes décisions, mais jamais assez vite », a encore commenté Mitch McConnell.
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Donald Trump était extrêmement critique sur l’intérêt, pour les Etats-Unis, à s’intégrer à des organes de sécurité internationale comme l’Otan. Il avait menacé de couper les aides à l’Ukraine en échange de faveurs politiques et il s’était montré souvent dithyrambique à l’égard de Vladimir Poutine. Après des années à calquer leur position sur celle de ce président, les républicains tournent désormais le dos à cette posture. Confortés qu’ils sont aussi par l’opinion publique: trois quarts des partisans républicains estiment qu’une coopération renforcée avec les alliés des Etats-Unis constitue la seule réponse adéquate face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
L’aide aux Ukrainiens plébiscitée
De manière plus générale, le jugement des Américains sur l’action du président Biden dans le conflit russo-ukrainien est partagé, ce qui n’empêche pas, au contraire, un large soutien à la cause ukrainienne. Selon les chiffres communiqués par l’institut de sondage Pew Research, quatre semaines après le début des hostilités, 47% d’entre eux approuvaient la manière dont l’administration Biden s’est positionnée face à l’invasion russe, alors que 40% la désapprouvaient. En revanche, ces derniers sont nombreux (75%) à penser qu’elle « en fait assez » ou « pourrait en faire plus » en matière d’aide à l’Ukraine. Seuls 7% des sondés estiment qu’elle prodigue trop d’assistance à Kiev. Les Américains se montrent également largement unis dans leur soutien aux sanctions économiques prises contre la Russie en conséquence du conflit. Une écrasante majorité (près de 85%) désirent qu’elles soient maintenues.
Ce soutien populaire massif à l’endroit de la cause ukrainienne permet désormais au camp du président d’avoir une large latitude en matière d’aide financière et militaire ainsi que de sanctions économiques. Vladimir Poutine, par ses actions, pourrait bien avoir participé à unir l’opinion publique américaine contre « l’ennemi de toujours ».
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