Joe Biden © Belgaimages

Comment Biden tente d’alimenter le précaire élan politique que lui donne la guerre en Ukraine

Le Vif

Des applaudissements au Congrès, un frémissement dans les sondages: le président américain Joe Biden a retrouvé quelques couleurs sur le plan politique national avec sa gestion de la guerre en Ukraine, mais il lui sera bien difficile d’alimenter cet élan, selon les experts.

La semaine dernière, le démocrate de 79 ans a fait lever ensemble les parlementaires démocrates et républicains pour manifester par une ovation leur soutien à l’Ukraine, lors de son discours sur l’état de l’Union, particulièrement solennel, au Congrès. L’image a marqué les esprits, dans une Amérique dont les divisions politiques restent, malgré tout, extrêmement vives, surtout à quelques mois des élections législatives de mi-mandat.

Le président américain, impopulaire, plombé par l’échec au Congrès de projets de réformes emblématiques, bénéficie-t-il d’un effet de « ralliement derrière le drapeau », à force de déclarations virulentes et de sanctions historiques contre la Russie?

Ce concept exposé en 1970 par le politologue John Mueller suggère qu’en cas de crise internationale, les Américains serrent les rangs derrière leur « commandant en chef ». L’accalmie sur le front du Covid-19 joue certainement aussi un rôle, même reléguée au second plan par la guerre en Ukraine. « Le soutien à ses mesures (de sanctions contre la Russie) est plutôt solide, même auprès des républicains. Et il y a un petit effet sur sa cote de confiance en général », constate Alan Abramowitz, politologue à l’université Emory, à Atlanta.

Image de « chef »

Le président américain affiche désormais 42,7% d’opinions favorables selon le site Fivethirtyeight, un score bien bas mais qui semble se redresser depuis le 27 février – il était alors à environ 40%. Le président le plus âgé jamais élu aux Etats-Unis, régulièrement attaqué par les républicains sur sa vigueur et son autorité, tient « une occasion de changer son image de chef » et de « regagner un peu du terrain perdu avec le retrait d’Afghanistan (…) perçu comme plutôt désastreux », poursuit l’expert.

Le démocrate fait par ailleurs face à une opposition républicaine embarrassée, depuis que l’ancien président Donald Trump, très influent au sein du parti, a fait récemment l’éloge de l' »intelligent » Vladimir Poutine et critiqué les dirigeants occidentaux « si bêtes » à ses yeux. Mais Alan Abramowitz estime que le léger sursaut de popularité, s’il se confirme, sera surtout sensible auprès des démocrates.

Pour Capri Cafaro, ancienne élue démocrate de l’Ohio et enseignante à l’American University à Washington, le président a tenté de « redémarrer » son mandat lors du discours sur l’état de l’Union, en insistant sur l’Ukraine mais aussi en balayant des sujets chers à chaque camp: immigration et police pour conservateurs, droit à l’avortement et pouvoir d’achat pour les progressistes. Exit les grands plans de transformation, place aux projets concrets: baisser le prix des médicaments, reconstruire des ponts, ouvrir des usines. « Il a essayé de changer son image en se présentant comme un pragmatique ou un modéré, après avoir été décrit (….) comme la marionnette des progressistes », analyse-t-elle.

« Pas de position gagnante »

Mais Capri Cafaro juge que pour Joe Biden, « il n’y a pas de position gagnante. (…) Lorsque vous essayez de plaire à tout le monde, vous risquez de passer pour quelqu’un qui n’a pas de convictions ». Reste à voir aussi comment la Maison Blanche va gérer les retombées des sanctions sur les ménages américains, déjà confrontés à une forte inflation.

Avant que le président américain ne dévoile mardi un embargo sur le pétrole russe, 71% des Américains s’y déclaraient favorables même si cela devait faire grimper encore le prix de l’essence, selon un sondage de l’université Quinnipiac. Joe Biden s’astreint désormais à rejeter sur Moscou la responsabilité de l’envolée des prix à la pompe. Le président américain a répondu mardi à un journaliste qui lui demandait ce qu’il pouvait faire pour l’enrayer: « Je ne peux pas faire grand-chose… La Russie est responsable ».

Les républicains, qui reprochent à Joe Biden d’avoir bridé l’exploitation de pétrole sur le sol américain, en ont fait leur miel: « Aujourd’hui, c’est la faute de la Russie. Avant ça c’était la faute de l’Opep (le cartel des pays exportateurs d’or noir, ndlr), et avant ça c’était à cause du virus. Vraie question: jusqu’où doivent aller les prix de l’essence avant qu’il n’en prenne la responsabilité? » a tweeté le chef de file des conservateurs à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy.

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