Fusillades à Vienne: ce que l’on sait
Un attentat a fait au moins quatre morts et semé la terreur dans la capitale autrichienne. Une attaque qualifiée de « terroriste » par le chancelier Sebastian Kurz. De nombreuses zones d’ombre demeurent.
Les faits
Solon les premiers éléments, l’attaque a frappé le coeur de la capitale autrichienne vers 20h00 heure locale. Partie d’une synagogue, elle se serait ensuite déroulée en cinq autres lieux situés à proximité.
Des témoins interrogés à la télévision ont raconté avoir vu un homme tirer « comme un fou » avec une arme automatique, un autre faisant état « d’au moins 50 coups de feu« . La stupeur s’est aussitôt installée dans les restaurants et les bars du quartier, où les clients ont été priés de rester à l’intérieur, lumières éteintes, pendant que les sirènes des ambulances hurlaient à l’extérieur.
Le ministre de l’Intérieur a appelé les habitants à être prudents. « Restez à la maison! Si vous êtes dehors, réfugiez-vous quelque part! Restez loin des lieux publics, n’utilisez pas les transports! », a lancé la police sur son compte Twitter dans la nuit. Des policiers et des soldats ont été mobilisés pour protéger les bâtiments importants de la capitale, et les enfants ont été dispensés d’école mardi.
Les victimes
Une personne est décédée des suites de ses blessures, portant le bilan humain à deux hommes et deux femmes.
Quinze personnes ont été hospitalisées, dont sept dans un état grave.
L’assaillant
Un assaillant, armé d’un fusil d’assaut et d’une ceinture d’explosifs factice, a été tué par la police. « Les indices recueillis montrent clairement que c’est une personne radicalisée qui se sentait proche de l’EI », a déclaré le ministre de l’Intérieur Karl Nehammer. Les enquêteurs ont accédé à son logement en forçant la porte avec des explosifs.
L’assaillant était âgé de 20 ans et avait été précédemment condamné pour son implication dans une organisation terroriste. Le jeune homme était un citoyen d’Autriche et de Macédoine du Nord. Il avait été condamné en avril 2019 après avoir voyagé en Syrie pour rejoindre l’Etat islamique. Sa peine était de 22 mois de prison mais il avait été libéré sous conditions début décembre.
Il n’y a pas de preuve à ce stade de l’existence d’un deuxième assaillant. Le visionnage des vidéos des lieux du crime n’a pas permis de confirmer qu’un second suspect a participé à l’attaque, a affirmé Karl Nehammer lors d’une conférence de presse. Auparavant, il avait assuré qu’au moins un autre suspect était en fuite.
Un contexte particulier en Europe
Cet attentat, dans une ville où la criminalité est habituellement très faible, intervient dans un climat très tendu en Europe, peu après des attentats islamistes commis en France.
À Nice, trois personnes ont été tuées jeudi dans une attaque au couteau à la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption par un jeune Tunisien récemment arrivé en Europe. Quelques jours auparavant, la décapitation de Samuel Paty, professeur d’histoire qui avait montré des caricatures de Mahomet à ses élèves dans un cours sur la liberté d’expression, avait choqué en France et au-delà.
L’Autriche, un pays peu ciblé
L’Autriche avait été, jusqu’ici, relativement épargnée par la vague d’attentats islamistes survenue en Europe ces dernières années.
En mars 2018, un jeune homme, sympathisant islamiste selon la police, avait attaqué au couteau un membre des forces de l’ordre devant l’ambassade d’Iran à Vienne avant d’être abattu. En juin 2017, un homme né en Tunisie avait tué un couple âgé à Linz. Il avait déclaré avoir voulu faire un exemple, car il se sentait discriminé en tant qu’étranger et musulman.
Contrôles renforcés aux frontières
Des contrôles renforcés ont été mis en place à la frontière entre l’Allemagne et l’Autriche après les attaques meurtrières survenues à Vienne et dans le cadre desquelles d’importantes recherches de suspects sont en cours. Ces contrôles frontaliers sont considérés comme une « priorité tactique » par la police fédérale.
La police tchèque a également indiqué avoir lancé des contrôles à la frontière avec l’Autriche. « La police mène des contrôles des véhicules et des passagers aux postes-frontière avec l’Autriche, une mesure préventive à la suite de l’attaque terroriste à Vienne », a indiqué la police tchèque sur Twitter. La police tchèque a ajouté avoir mis en place « une surveillance des principaux sites juifs en République tchèque », une mesure qui « ne prend pas seulement en compte la situation en Autriche ».
« On est sous le choc » : à peine confinée, Vienne victime du terrorisme
Les amateurs de musique profitaient d’un dernier opéra, les jeunes buvaient un dernier verre avant un mois de confinement. « Des gens sont entrés et m’ont dit il ne faut ne pas sortir, il y a une fusillade« , décrit Jimmy Eroglu, 42 ans, serveur dans un café. « Au début, je me suis dit qu’on tournait peut-être un film ou qu’ils avaient trop bu », poursuit-il.
Mais il entend alors des détonations et s’empresse de fermer la porte. « Puis la police est arrivée et a dit vous devez tous rester à l’intérieur parce qu’il y a un probablement un homme mort là-bas« . Panique aussi dans les salles de sport, prisées pour leurs dernières heures d’ouverture et soudain plongées dans l’obscurité pour éviter d’être repérées des tireurs.
La ville de Vienne se mue rapidement en zone retranchée. Robert Schneider, qui habite non loin des lieux du drame, sort de chez lui quand soudain, il se retrouve « avec deux lasers sur sa poitrine ». « Haut les mains, ôtez votre veste », lui lancent des policiers. « Nous, on n’avait rien vu, rien entendu. On est sous le choc », confie cet homme de 39 ans à l’AFP.
Alors qu’un calme étrange règne dans les rues vides, des parents inquiets sont à la recherche de leur fille de 17 ans, partie rejoindre des amis à quelques heures du second confinement décrété par le gouvernement pour tenter de stopper la vague de contaminations au coronavirus.
Pendant ce temps, les spectateurs de l’Opéra sortent sous escorte policière, étonnés de retrouver leur ville assiégée, après avoir assisté à la performance du ténor franco-italien Roberto Alagna et de la soprano polonaise Aleksandra Kurzak. Minuit bientôt: les nouvelles restrictions entrent en vigueur, mais soudain la pandémie semble bien loin.
« Les terroristes ne diviseront pas l’Autriche »
Le chancelier autrichien a livré un message d’unité nationale, mardi, après l’attaque à Vienne par un sympathisant de l’Etat islamique la veille au soir.
« Nous n’autoriserons jamais cette haine à gagner du terrain », a déclaré Sebastian Kurz lors d’un discours diffusé à la télévision. « Nous devons être conscients que ce n’est pas un conflit entre les chrétiens et les musulmans, ou entre les Autrichiens et les migrants », a-t-il ajouté.
« Notre ennemi – le terrorisme islamiste – ne veut pas seulement semer des morts et la douleur, il veut diviser notre société », a poursuivi le chancelier, jurant que l’Autriche défendrait sa démocratie, ses droits fondamentaux et son mode de vie.
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