Et maintenant, des armes offensives à l’Ukraine? Pourquoi l’Otan va frôler les limites
Volodymyr Zelensky réclame haut et fort une aide militaire plus lourde de l’Occident, alors que l’Ukraine doit, selon l’Otan, se préparer à une attaque prolongée dans les régions du Donbass et du Sud. Pour la première fois, un pays de l’Alliance atlantique – la République tchèque- a décidé d’envoyer des chars en Ukraine. Une décision majeure. Jusqu’où l’Otan peut-elle placer le curseur des apports militaires sans être considérée comme partie prenante au conflit?
La République tchèque est le premier pays de l’Otan à envoyer des chars en Ukraine. Une décision marquante, qui fait clairement passer l’aide militaire défensive prônée initialement par les alliés vers une aide offensive plus lourde.
Les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Otan se réunissent aujourd’hui et demain pour examiner comment ils vont aider l’Ukraine financièrement, militairement et logistiquement contre les attaques russes. Car, selon les dires de Jens Stoltenberg, les offensives ne feront que s’intensifier dans les semaines à venir dans le Donbass et dans le sud de l’Ukraine.
Une nouvelle phase est donc clairement entamée dans la guerre : les troupes russes se sont complètement retirées du nord, et vont concentrer leurs forces, de manière probablement intense et prolongée, à l’est et au sud. « Nous savons parfaitement ce qu’ils font », déclarait mardi Jens Stoltenberg. « Les troupes en retraite du nord se renforcent en Biélorussie. Elles doivent être reconstituées, car elles ont subi des pertes importantes. Cela peut prendre plusieurs semaines, mais elles seront ensuite envoyées à l’est pour se battre avec les séparatistes et les unités russes déjà présentes dans le Donbass. »
Quelle limite pour les armes lourdes?
On peut donc s’attendre à une véritable guerre terrestre avec les troupes ukrainiennes qui défendent la ligne de front à l’est depuis huit ans déjà. Les soldats ukrainiens sont les mieux entraînés et les mieux équipés, mais peuvent-ils résister à la brutalité russe? Au nord, les Ukrainiens ont réussi à arrêter les Russes avec des armes défensives relativement légères. Mais le terrain jouait en leur faveur. La physionomie du conflit risque d’être différente dans les vastes plaines du Donbass.
Les pièges russes sont également fortement redoutés. En substance, si Marioupol tombe, la route du sud est ouverte pour les Russes, qui forcent également le passage vers le Donbass depuis le nord-est. Pour ce faire, ils doivent s’emparer de la ville de Sloviansk, très stratégique. Les analystes militaires s’attendent donc à de violents combats autour de Sloviansk dans les semaines à venir.
L’Ukraine a donc un besoin urgent de plus d’armes lourdes – y compris de chars. « Nous ne pouvons pas nous en passer si nous voulons reprendre l’est et repousser les Russes autant que possible », déclarait Mychajlo Podoljak, le négociateur en chef de Zelensky dans les pourparlers de paix. Une question se pose dès lors : l’Otan est-elle prête à les fournir?
Les chars sont des armes offensives, et l’alliance militaire est toujours restée très prudente sur la fourniture de telles armes à l’Ukraine. C’est pourquoi les États-Unis ont précédemment rejeté l’offre polonaise de fournir des avions de chasse à l’Ukraine.
Mais plus la guerre dure, et plus les images de crimes de guerre émergent, plus la pression s’intensifie sur l’Otan pour octroyer à l’Ukraine des armes offensives. Après la barbarie de Boutcha, l’Otan peut-elle rester prudente indéfiniment? Si Jens Stoltenberg sent la pression monter, il a encore répété que l’Otan ne veut pas aggraver la guerre. « C’est notre responsabilité », dit-il.
Il estime néanmoins que l’Otan devrait mettre à profit les semaines à venir – alors que la Russie regroupe ses troupes – pour mieux approvisionner l’armée ukrainienne. « Nous écouterons attentivement ce que le ministre ukrainien des Affaires étrangères nous demandera « , a déclaré Stoltenberg. S’il ne spécifie pas exactement quelles armes l’Otan a l’intention de fournir, il précise néanmoins qu’il s’agit de « systèmes d’armes plus avancés ».
Sur une corde raide
Certains pays de l’Otan ont eux-mêmes franchi cette étape sensible. Mardi, il a été annoncé que la République tchèque serait le premier pays de l’Otan à fournir des chars T-72 (d’origine… russe) et des véhicules blindés, bien que la ministre de la Défense n’ait pas voulu le confirmer officiellement. Elle a parlé d' »équipements essentiels ». Précision de taille : Prague a pris cette décision séparément de l’Otan.
En parallèle, d’autres pays de l’Otan augmentent leur aide militaire, mais ils restent plus réservés sur les armes offensives. Bien que la limite devienne de plus en plus fine. Depuis l’invasion russe, les États-Unis ont déjà fourni 1,6 milliard de dollars d’aide militaire et 300 millions supplémentaires. Concrètement, ces aides représentent un paquet d’armes technologiques telles que des drones de reconnaissance, des drones capables de détruire des chars, des mitrailleuses, des véhicules blindés, et d’autres équipements de pointe. Même l’Allemagne a décidé d’envoyer des véhicules blindés.
Les Ukrainiens seront-ils suffisamment armés pour repousser une attaque russe lourde et durable ? Selon la Pologne, l’Ukraine consomme autant d’armes en une journée qu’elle en reçoit en une semaine. Il faudrait donc un apport militaire presque constant de l’Occident. Reste à savoir si l’Otan compte aller plus loin. Et si tel est le cas, comment Moscou interprètera-t-il ces nouvelles aides offensives?
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