Avant l’investiture de Joe Biden, Donald Trump pourrait causer de nombreux dégâts
Joe Biden, le 46e président des Etats-Unis sera investi le 20 janvier prochain pour une période de 4 ans. D’ici là, il reste du temps à Donald Trump pour manoeuvrer dans différents domaines, et cela, même si le Congrès, les tribunaux et la Constitution sont là pour l’encadrer et l’en empêcher.
Aux Etats-Unis, depuis la victoire annoncée du démocrate Joe Biden, la période transitoire dite du « lame duck » ou « canard boiteux » a débuté. Il s’agit de la période de plus de deux mois où se côtoient un nouveau président élu et un président encore en exercice. Bien que le terme implique que les présidents « canards boiteux » sont d’une manière ou d’une autre affaiblis, ce n’est pas le cas juridiquement et législativement. Dans la pratique, les pouvoirs et le statut d’un président ne sont pas modifiés tant qu’il n’a pas officiellement quitté ses fonctions.
Un président vaincu a traditionnellement l’obligation morale de rester discret et de ne rien faire qui puisse compromettre la politique de son successeur. Cependant, son mandat l’a prouvé, Trump peut facilement engendrer le chaos, mettre en danger la vie des Américains et de leurs alliés, saper la confiance dans les institutions et faire reculer la sécurité nationale pour les décennies futures, commente un éditoraliste de CNN.
Trump, lors de sa présidence, n’a d’ailleurs pas hésité à ignorer et à piétiner allégrement les normes et les coutumes qui régissent en temps normal le comportement d’un hôte de la Maison Blanche. La présidence est d’ailleurs régie par très peu de règles et de lois applicables, commente le site d’informations américain. Par exemple, il n’existe aucune loi interdisant au président de mentir au peuple américain. Or, selon l’analyse du Washington Post, Trump a fait des déclarations fausses ou trompeuses plus de 20.000 fois entre le 20 janvier 2016 et le 9 juillet 2020.
Avec son comportement sans précédent, des actes de « sabotages » sont à craindre de la part de Donald Trump, observent les experts en politique internationale. Il pourrait ainsi causer des dégâts sur le long terme pendant cette période délicate de transition, dans différents domaines, et cela, même si le Congrès, les tribunaux et la Constitution sont là pour l’encadrer et l’en empêcher. Pour éviter cela, deux professeurs ont d’ailleurs plaidé la veille des élections pour former une sorte de gouvernement d’urgence du parlement avec les démocrates et les républicains. « Le plus grand danger qui menace la nation est l’utilisation illégale de l’autorité constitutionnelle dont dispose encore un chef d’État vaincu », ont-ils mis en garde dans le magazine modéré-conservateur The Bulwark, rapporte HLN.
Menace à la Sécurité nationale
En principe, le chef de l’État peut déclencher une guerre jusqu’à son dernier jour au pouvoir. Cette crainte était si grande au temps de Richard Nixon que son ministre de la défense donna des ordres secrets aux généraux pour qu’ils vérifient d’abord avec lui chaque ordre du Président. Des garde-fous existent. En 2017, les chefs de l’armée ont rassuré en déclarant qu’ils ne tiendraient pas compte des ordres de Trump s’ils les jugeaient illégaux.
Trump pourrait porter atteinte à la Sécurité nationale de bien d’autres manières. Il a ainsi le pouvoir de déclassifier des documents sensibles. En mai 2017, il avait rencontré le ministre russe des affaires étrangères Sergey Lavrov et l’ambassadeur de Russie aux États-Unis Sergey Kislyak et a partagé des informations classifiées. Bien que Trump n’ait pas révélé la source, les responsables des services de renseignement craignaient que les Russes ne puissent déduire d’où provenaient les informations hautement sensibles. Si le président en venait à partager de telles informations militaires sensibles, il pourrait mettre à mal la Sécurité nationale américaine pendant des années.
Trump pourrait aussi très bien ordonner des tirs de missiles ou le retrait de troupes dans certaines régions, ce qui déstabiliserait davantage les relations des Etats-Unis avec le reste du monde. En octobre 2019, Trump a ordonné le retrait des troupes américaines de Syrie après un appel téléphonique avec le président turc Recep Tayyip Erdogan. Alors que les forces américaines retirées de la région ont été largement remplacées par une nouvelle vague de troupes, les alliances ont été rompues, des territoires ont été cédés et aucun plan stratégique clair n’a été proposé.
Quelques mois plus tard, le 3 janvier 2020, Trump a autorisé une frappe de missile qui a tué le général iranien Qasem Soleimani sans obtenir l’approbation du Congrès. Un fonctionnaire de l’administration a déclaré à CNN à l’époque que les avocats de la Maison Blanche avaient jugé la frappe appropriée, estimant que le Président n’avait pas à demander l’autorisation du Congrès pour une question de légitime défense nationale. Les forces iraniennes ont riposté par une frappe de roquette sur une base américaine en Irak. Les tensions entre les États-Unis et l’Iran restent à l’heure actuelle élevées.
Trump a également ignoré la loi sur les archives présidentielles, qui exige du Président qu’il préserve les documents du pouvoir exécutif. Au cours des derniers mois de sa présidence, Trump a ainsi pu exiger de son personnel la destruction de documents importants ou de toute preuve d’éventuels méfaits. Des membres de son administration ont déjà dû rassembler des documents déchirés pour tenter de les préserver, rapporte CNN.
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Des amis et des membres de sa famille graciés ?
Donald Trump a d’ores et déjà déclaré « avoir le droit absolu » de se gracier. Une solution qui pourrait lui permettre d’éviter certaines poursuites. L’actuel président pourrait en effet faire l’objet de plusieurs enquêtes, que ce soit sur le financement de ses campagnes électorales ou l’utilisation de son mandat pour augmenter les revenus de ses hôtels. Le récent rapport sur les déclarations d’impôts de Donald Trump, publié par le New York Times, pourrait également déclencher une éventuelle enquête pour évasion fiscale.
Donald Trump pourrait aussi chercher à accorder la grâce présidentielle aux membres de sa famille et de son administration. Selon Mark Olser, ancien procureur fédéral et professeur de Droit à l’Université de St. Thomas (Minnesota) cité par CNN, Trump a déjà montré qu’il comptait profiter de son pouvoir pour favoriser des amis et célébrités de Fox News. Parmi les associés qui pourraient faire l’objet d’une demande de grâce figurent son ancien stratège en chef Steve Bannon, et son avocat personnel, Rudy Giuliani, ou encore Michael Flynn, son ancien conseiller à la sécurité nationale, embourbé dans une saga juridique depuis quatre ans.
Dans un autre registre, Obama avait profité de ses derniers jours à la Maison Banche pour gracier Chelsea Manning et 200 autres personnes.
Comment Trump pourrait se gracier
Avant la fin de son mandat, Donald Trump pourrait démissionner. Dans ce cas, c’est Mike Pence, son actuel vice-président, qui assumerait le rôle de président. Il pourrait alors accorder la grâce complète et inconditionnelle à Donald Trump et ce pour tous les crimes qu’il aurait pu commettre contre les Etats-Unis. L’Histoire des Etats-Unis a connu un précédent de ce style. Après son départ du pouvoir, Richard Nixon avait bénéficié d’une grâce de la part de son successeur, Gerald Ford. Le vice-président Gerald Ford est devenu président après la démission de Richard Nixon, et il a ensuite gracié Nixon. La grâce peut s’appliquer même lorsque la personne n’a pas encore été inculpée ou été accusée d’un crime.
Donald Trump pourrait aussi cesser tout effort pour contrôler la crise sanitaire. « Bien que cela ne fasse probablement pas beaucoup de différence« , note avec une pointe d’ironie le site d’information Politico. Il semble d’ailleurs que Trump ait l’intention de virer son meilleur virologue Anthony Fauci. Les règles de la fonction publique lui permettraient toutefois de faire appel et de rester en place.
Perte de confiance de l’opinion publique
Si le fait de gracier des fonctionnaires de l’Etat ou de détruire des documents sensibles ne représente pas un danger immédiat pour la vie des Américains comme le ferait une politique étrangère irréfléchie, ces agissements controversés portent toutefois un sacré coup à la confiance de la population envers ses dirigents et ses institutions. Des élections réalisées dans une ambiance pacifique et transparente tout comme un transfert fluide du pouvoir, sont d’autres facteurs importants pour restaurer cette confiance, sapée par les allégations infondées de Trump concernant la fraude électorale et son refus de reconnaître la victoire de son rival Joe Biden. En septembre, le Pew Research Center a constaté que seuls 20 % des Américains font confiance au gouvernement fédéral. Il faudra des décennies pour inverser la tendance.
Aux origines de la période transitoire entre deux présidents
La période entre l’élection et l’inauguration d’un président américain devait, à l’origine, donner au nouveau président le temps de mettre de l’ordre dans ses affaires et de s’installer à la Maison Blanche, explique le site d’ABC. Au 19ème siècle, cette période de transition était beaucoup plus longue, l’investiture n’avait lieu que le 4 mars. Au temps des transports par chevaux, les choses prenaient en effet beaucoup plus de temps. Cependant, au fur et à mesure des progrès de communication et de déplacement, le jour de l’investiture américaine a été avancé au 20 janvier, suite à l’adoption du 20e amendement en 1933.
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