Zizanie à Beauvechain autour de l’installation de la firme Boiron (récit)
L’installation envisagée de la firme pharmaceutique Boiron au coeur du village de Beauvechain y sème la zizanie. Trois demandes de permis ont été refusées. Ce dossier et son parcours n’en questionnent pas moins l’attention portée par les élus à la voix des citoyens.
C’est un village qui ruisselle. En ce mois de juillet, il a, avant d’autres, subi les foudres du ciel: les ruisseaux ont débordé, les routes se sont muées en mares et, plantés dans leurs bottes, les habitants ont pesté. Au Spar, petite surface commerciale fichée dans les sols humides de la rue du Village, un trait de crayon à côté de la porte rappelle les trente centimètres d’eau qui ont envahi les lieux. Le village brabançon, qui abrite quelque 7 200 âmes, ne dégorge pas que d’eau. Il dégouline aussi de tensions, de questions, de pressions, dont l’origine remonte à l’annonce, il y a deux ans, d’un projet immobilier au coeur du territoire.
Quand on pousse la porte de la pharmacie du village, elle fait drelin drelin. L’officine ne paie pas de mine, plantée face à l’église Saint-Sulspice. C’est pourtant ce commerce que convoitent les Laboratoires Boiron, firme spécialisée dans les produits homéopathiques. Installée à Evere, elle souhaite quitter son siège social désormais trop vaste et relocaliser hors de la capitale ses activités, réduites aux seules préparations magistrales à destination des pharmaciens. La production et la distribution, y compris en Belgique, des produits homéopathiques industriels de la marque ont en effet été rapatriées en France, où se trouve le siège du groupe.
Dans le village, on en parle, on se parle. Ce n’est pas le fait d’investir ce terrain qui pose problème mais la manière de l’investir.
Pour pouvoir se livrer à sa nouvelle activité, Boiron a légalement besoin d’une pharmacie. Or, il est interdit d’en ouvrir de nouvelles jusqu’en 2024. Il y a trois ans, la direction se met donc en chasse pour dénicher l’officine de ses rêves. Le choix se porte sur la zone de Beauvechain « en tenant compte de la répartition géographique des employés », détaille la direction. Quelque 24% de ses 96 salariés (soit 74 équivalents temps plein) habitent Bruxelles. Dans la foulée, une partie du personnel passe de la convention collective de travail « chimie » à celle de la pharmacie, moins intéressante pour les futurs engagés. Certains salariés se sont d’ailleurs formés afin de devenir aides- pharmaciens. Au total, ils devraient être 43 sur le site de Beauvechain.
En décembre 2018, une petite annonce fleurit sur le site de l’ Association pharmaceutique belge: « Pharmacie à remettre à Beauvechain. » Boiron appelle aussitôt le comptable dont les coordonnées sont renseignées. Cette pharmacie appartient à Huguette Bosman, habitante du village, et c’est sa fille, Sigrid Cavalier, qui la tient. Les affaires ne sont pas fameuses, dit-on. Boiron est intéressée. Mais pour pouvoir réaliser ses 1 000 préparations magistrales par jour et installer ses bureaux, cette officine de petit gabarit ne peut suffire. Il faut à Boiron davantage de place, donc un terrain à bâtir où la déplacer et construire un bâtiment neuf.
Justement, Huguette Bosman est aussi propriétaire d’une parcelle en friche, rue du Village, à moins de 250 mètres de la pharmacie actuelle. Précieuse information, car on ne peut déplacer une pharmacie de plus de 100 mètres, sauf dérogation. Boiron assure d’ailleurs s’être intéressée à d’autres terrains à bâtir à Beauvechain, hélas trop éloignés de l’officine de départ. « Un déplacement de proximité immédiate de plus de 100 mètres pour une pharmacie unique dans un village de campagne ne pose en général pas de problème », confirme l’Agence fédérale des médicaments. Contact est donc pris entre Bertrand Duquesne, le directeur de Boiron Belgique, et Huguette Bosman, la propriétaire. Sa fille Sigrid et son fils, Lionel Rouget, également échevin dans la commune (mobilité, sécurité routière, finances et sport), assistent à cette première rencontre. Dans la foulée, un compromis de vente conditionnel est signé pour la pharmacie et pour le terrain, vraisemblablement lié à l’obtention d’un permis de bâtir – ce qui n’a pu être confirmé auprès de l’acheteur. Les choses ne traînent pas: le directeur prend contact pour la première fois avec l’administration communale à la fin de 2018, quelques semaines à peine après avoir découvert la petite annonce. L’autorisation de déplacement de l’officine, valable deux ans, court depuis le 20 avril 2020.
Une brochette de couacs
Dès lors, ce dossier va accumuler les erreurs de communication, les approximations, les tensions entre les villageois, la direction de Boiron et le pouvoir communal, les rumeurs, les soupçons, les questions restées sans réponses, les accusations. « Je veux croire qu’il n’y a pas de corruption là-dessous mais il y a tant de choses bizarres que l’on ne peut que s’interroger », résume Didier, villageois depuis des lunes (1).
D’abord parce que la propriétaire du terrain est la mère de l’échevin MR Lionel Rouget. Ce dernier est aussi le demi-frère de la pharmacienne. Les riverains crient au conflit d’intérêts, que le collège communal reconnaît. « Nous avons toujours respecté la procédure et le principe d’impartialité, soutient la bourgmestre Carole Ghiot (MR elle aussi). Lionel n’a participé à aucune réunion du Collège ni de la Commission consultative d’aménagement du territoire et de mobilité (CCATM) sur le sujet. Ses sorties de la salle ont été actées. C’est un non-problème. » Pas pour une partie des habitants qui ne peuvent vérifier l’affirmation et qui, suspectant malgré tout l’influence de l’échevin, vont rapidement perdre toute confiance en leurs élus. Un conseiller communal se souvient d’ailleurs qu’il a fallu explicitement demander à l’échevin de sortir lorsque le conseil a abordé le dossier Boiron.
Très vite, le sentiment qu’il existe des liens privilégiés entre Bertrand Duquesne et la famille Bosman-Rouget ou entre lui et le collège communal s’impose dans certaines conversations, sans que rien, factuellement, ne le corrobore. Si ce n’est le soutien manifeste de la commune au projet. Interrogés par Le Vif, les intéressés assurent qu’ils ne se connaissaient pas auparavant et qu’ils n’ont entretenu que de stricts rapports professionnels. En vain: le soupçon pourrit le dossier. « Les réclamants restent en défaut de démontrer en quoi un ou plusieurs membres du collège communal ayant assisté aux délibérations et décisions auraient pu adopter une attitude traduisant une quelconque partialité », peut-on lire dans un document signé par le collège. L’inverse est tout aussi vrai. Et le doute fait son oeuvre.
D’autant que le terrain que convoite Boiron, en zone d’habitat à caractère rural de type traditionnel, se situe en zone inondable, même si le risque est qualifié de faible par la Région wallonne. A deux reprises durant la première quinzaine de juillet, soit avant le cataclysme qui s’est abattu sur le pays, la parcelle a été inondée. Ce terrain marécageux, traversé par la Nethen, abrite de nombreuses sources… et même des roseaux! « S’il n’a jamais été construit, c’est qu’il y a une raison! » s’emporte un riverain. Jusqu’en 2015, des peupliers y étaient plantés. Ils ont été abattus sans permis, un abattage qui n’a pas été verbalisé. « Le règlement en vigueur à l’époque n’en imposait pas », affirme Carine Morsain, responsable de l’urbanisme à Beauvechain. « Faux!, réplique Laurence de Meeûs, avocate des riverains opposés à ce projet, il en fallait un dès lors qu’il ne s’agissait pas d’exploiter cette peupleraie mais de la supprimer. » Ce que confirme la direction du DNF (Département de la nature et des forêts de la Région wallonne).
Que Boiron s’installe ici un jour ou non, elle laisse un village déchiré.
Régulariser la situation dans le cadre de la demande de permis de Boiron s’imposait donc, car délivrer un permis sur un terrain entaché d’une infraction urbanistique est illégal. La démarche, pourtant simplissime, n’a pas été faite. « La commune nous a dit que ce n’était pas nécessaire », assure-t-on chez Boiron. Après le soupçon de conflit d’intérêts et le risque d’inondation, c’est un troisième caillou dans sa chaussure.
Clap, première
Lorsque les premiers panneaux invitant à l’enquête publique fleurissent sur les poteaux de la rue du Village, à la fin de l’été 2019, peu d’habitants s’en aperçoivent. Mais les quelques rares qui vont consulter les plans à la maison communale en ressortent effarés: la demande de permis, déposée le 12 septembre, porte sur plusieurs bâtiments. D’une superficie totale au sol de 3 139 m2, ils sont destinés à accueillir, outre la pharmacie, des bureaux, des locaux préparatoires, des salles de conférence, des cabinets de consultation, des logements et… un parking souterrain. Ce qui, en zone inondable, fait ricaner. Le projet déroge douze fois au guide communal d’urbanisme en vigueur, notamment pour la profondeur et la hauteur des bâtiments. La majorité communale MR-CDH-PS s’était pourtant engagée à préserver le caractère rural du village. « Les règles urbanistiques sont très strictes pour les habitants, relève Jérôme Cogels, conseiller communal Ecolo. Mais pour Boiron, on tolère tous les écarts. »
Le mécontentement commence à gronder. Dans le village, on en parle, on se parle. Ce n’est pas le fait d’investir ce terrain qui pose problème mais la manière de l’investir. « C’est une vraie PME, s’emporte Benoît, un habitant. La pharmacie n’est qu’un prétexte. Elle est présentée comme au coeur du projet et les bureaux et unités de production, comme des annexes. Mais en réalité, c’est l’inverse! » Les reproches fusent: non-respect du caractère rural du village, soucis probables de mobilité, atteinte à la biodiversité du lieu, zone inondable, non-respect des prescrits urbanistiques… Le flou du projet énerve. La demande de permis introduite par la firme évoque ainsi des « préparations magistrales normales pour une pharmacie » alors qu’il s’agit de fournir toutes les pharmacies du pays. La province du Brabant wallon, consultée, remet un avis négatif, rappelant que le terrain est inondable. Le premier projet est retiré le 20 décembre 2019.
Une deuxième demande de permis est introduite le 24 juin 2020: le projet est réduit à 2 300 m2, le parking prévu en sous-sol remontant à la surface. Les bâtiments sont cette fois prévus sur pilotis. Le bassin d’orage annoncé emporte l’avis favorable de la province. Dans cette nouvelle demande, la direction évoque la création de plusieurs emplois, notamment de concierges. Le chiffre d’une dizaine commence à circuler mais nul ne sait d’où il provient. Interrogée par Le Vif, la bourgmestre l’évoque également pour des emplois indirects. A-t-elle vu un business plan de Boiron? « Non. Nous faisons confiance », déclare-t-elle.
« Ce dossier est géré dans une totale opacité« , observe Didier. Boiron confirme que son plan – qu’elle ne peut communiquer en tant que société cotée en Bourse – ne comporte aucun chiffre en matière d’emplois ni d’engagements chiffrés, en dehors d’ une offre d’emploi pour un(e) aide-pharmacien(e) diffusée en février dernier, avant même la fin de l’enquête publique suivante.
Ce deuxième projet suscite un tollé croissant. Une habitante venue seule protester à l’entrée du terrain, en y campant avec un panneau, est évacuée par la police. A la clôture de l’enquête publique, quelque 800 courriers contre sont recensés, et 60 pour. Les associations de riverains font du porte-à-porte, proposant aux habitants de signer une pétition pour s’opposer au projet. La propriétaire du terrain fait de même, espérant fédérer des partisans. Elle dépose sur le comptoir de la pharmacie un courrier listant les avantages que procurerait l’arrivée de la firme. « Huguette ne m’a plus adressé la parole dès qu’elle a su que je ne soutenais pas Boiron », se souvient Brigitte.
L’enquête publique se termine sur un rejet massif, par 1 000 habitants sur 5 000 environ en âge de se prononcer. La commune ne semble aucunement s’en émouvoir. Le rapport de clôture de cette enquête, contenant les coordonnées des opposants, est transmis à la direction de Boiron. Qui s’en empare pour leur adresser nominativement une invitation cartonnée afin « d’ouvrir l’échange ». L’idée est peut-être louable. Mais la commune ne pouvait transmettre ces coordonnées sans les anonymiser: c’est une atteinte claire au RGPD (Règlement général sur la protection des données). « Nous ne cautionnons pas l’usage que Boiron a fait de ces données, martèle la bourgmestre, Carole Ghiot. Je n’en suis pas responsable, même si je peux le déplorer. »
Juin 2020. Dans une salle réservée au Relais Saint-Martin, le café-restaurant phare du village, Bertrand Duquesne et son architecte accueillent les habitants qui ont répondu à son invitation. Habile causeur, il présente son projet et répond aux questions avec le sourire. Opération séduction. « L’architecte, arrogant, m’a dit que Beauvechain était une cité dortoir, et que le projet Boiron allait la réveiller, se remémore Catherine. Il me parlait comme si j’étais une idiote. Comme si le directeur et lui savaient mieux que nous ce dont on a besoin. Redynamiser le village? En a-t-on envie, seulement? Et de cette manière-là? Il y a des brocantes, ici, un carnaval, une foire aux moules, les fêtes de la Saint-Martin. Beauvechain n’est pas mort. »
Le 4 septembre, la deuxième demande de permis de Boiron est retirée. Cinq jours plus tard, la bourgmestre est interrogée par la RTBF. « Quelle commune ne voudrait pas de Boiron sur son territoire? » demande-t-elle. Jusque-là, la commune n’avait pas pris officiellement position. Son intérêt à soutenir ce projet ne saute pourtant pas aux yeux. « Nous voulons conserver une pharmacie », assène Carole Ghiot. Certes, mais cela pourrait être le cas sans qu’y soit adjointe une activité de production de teintures mères. Des recettes fiscales tomberont aussi dans l’escarcelle de la commune. Mais « ce n’est pas la priorité ». Les retombées en matière d’emploi? Elles restent floues. « Le projet offre à Beauvechain une vision d’avenir différente, évolutive », répète Carole Ghiot. C’est-à-dire?
Ce dossier va accumuler les erreurs de communication, les approximations, les tensions entre les villageois, la direction de Boiron et le pouvoir communal, les rumeurs, les soupçons…
Dans le camp d’en face, on se gratte le menton. « Franchement, je ne vois là aucune valeur ajoutée pour le village », estime l’un. « Je ne comprends pas du tout l’obstination de la commune, embraie un ténor du lieu. Celle-ci aurait dû négocier avec Boiron et lui proposer d’autres solutions. Je ne détecte aucun apport objectif à ce projet, ni financier ni de renommée, contrairement à la base aéronautique de Beauvechain. » Ce qui relance le doute: y aurait-il « autre chose » en jeu?
Les opposants au projet s’interrogent aussi sur le poids de leur avis. « Il n’est pas possible que le politique passe outre le refus de 1 200 personnes », épingle Jean-Luc. « A quoi sert une enquête publique si la commune n’en fait qu’à sa tête et que les gens n’osent s’exprimer de peur de représailles? » interroge Geneviève. « On ne peut pas prôner la participation citoyenne et s’énerver quand les citoyens ne sont pas favorables à un projet », résume l’Ecolo Jérôme Cogels.
Et un, et deux, et trois
Un troisième projet est soumis le 1er février dernier. La surface des bâtiments projetés tombe à 885 m2. Les places de parking sont réduites et les espaces de consultation, supprimés. Boiron s’adjoint les services d’un bureau spécialisé dans les incidences environnementales, Gefen (Gestion et expertise des forêts et des espaces naturels). Ses experts concluent que seuls 12% du terrain seront occupés, dans des zones où il n’y a pas d’espèces protégées. Le charroi (trois camionnettes de livraison par jour et un camion par semaine, auxquels s’ajoutent les trajets des salariés) ne devrait pas être problématique, assurent-ils, pas plus que la gestion des déchets. Bref, « les incidences sur la biodiversité sont maîtrisées et le projet n’aura pas d’impact néfaste sur l’environnement bâti et non bâti ». Gefen aligne aussi des propositions pour rendre le projet écolocompatible. « Mais nulle part, Boiron ne s’engage à respecter ces recommandations, remarque l’avocate Laurence de Meeûs. Ce dossier a globalement été traité avec beaucoup de légèreté, au point de donner le sentiment d’être bâclé. »
Le rapport du bureau Gefen est remis en octobre 2020. Les statuts portant sa création ne sont pourtant déposés que le 5 janvier 2021. Cette curiosité ne rend pas son analyse caduque mais suscite à nouveau des questions.
Une fois de plus, le projet brasse plus de détracteurs que de partisans. « C’est la première fois qu’il y a une telle mobilisation contre un projet dans le village« , assure un élu. A la fin de l’enquête publique, près de 1 200 personnes s’y disent opposées. En séance, un homme âgé prend la parole. « Il manque quelqu’un ici, pointe-t-il: la nature. »
Le 20 avril 2021, la commission consultative sur l’aménagement du territoire, dont les membres sont désignés par le collège, se réunit, à huis clos comme toujours. Six d’entre eux sont liés à la majorité, la septième représente l’opposition sous la bannière Ecolo, et la huitième, l’association Action environnement Beauvechain. Le directeur de Boiron Belgique vient y défendre son projet. Aucun autre expert n’est convié. Après quelques questions, le résultat du vote tombe: 6 voix pour, 2 voix contre. « Le service urbanisme de la commune, qui était présent, nous a dit qu’il s’agissait d’un bon projet et que c’était la moins mauvaise solution pour ce terrain, se souvient Marie-Thérèse Schayes, représentante d’Ecolo. Mais ça n’a pas de sens de porter secours aux inondés tout en bétonnant partout. » La réunion est présidée par Olivier Maüen, très proche de l’échevin Lionel Rouget. « Ici, tout le monde se connaît, c’est inévitable », lance la première échevine Brigitte Wiaux (CDH). L’association Beauvechain zone villageoise constate: « La CCATM, censée représenter la population, a rendu un avis opposé à celui d’un millier d’habitants. »
La commune adresse alors le dossier à la fonctionnaire déléguée de la Région wallonne. Pour être sûre que celle-ci dispose de toutes les informations nécessaires – ce dont elle doute – , l’association Beauvechain zone villageoise lui expédie un courrier le 14 mai 2021. « Les résultats de l’enquête publique ne sont qu’une partie du ressenti général sur ce dossier. Ce projet est viscéralement rejeté par une écrasante majorité de la population. »
Profonde blessure
Le feuilleton n’est pas encore épuisé. Car début mai 2021, le site englobant le terrain convoité par Boiron est enregistré comme de grand intérêt biologique (SGIB). Et le 3 juin, la réponse – défavorable – de la fonctionnaire déléguée de la Région wallonne tombe. Dans son avis, non contraignant, elle estime que les sites de grand intérêt biologique sont indispensables à l’organisation de l’ossature du réseau écologique et que tout projet d’urbanisation est incompatible avec leur vocation. Le 16 juin, le collège communal l’interroge sur les motifs d’une position « aussi radicale ». Il sollicite aussi, en urgence, l’avis du Département Nature et Forêts qu’il ne reçoit pas de suite. Dès lors, le collège recale le projet Boiron, « par précaution » écrit-il dans un toutes-boîtes, « pour éviter tout risque d’atteinte à la biodiversité ». Pour la commune, le dossier est clos. Archivé, même.
Boiron dispose d’un mois pour introduire un recours contre la décision de la commune. Mais interrogé par Le Vif, son directeur assure qu’il ne le fera pas et qu’il étudie désormais « toutes les possibilités ».
Le mal est fait. Que Boiron s’installe ici un jour ou non, elle laisse un village déchiré. « On sait que le temps fera son oeuvre. Mais certains changent de trottoir pour ne plus se parler, témoigne David. On observe à de petits signes que l’on ne se fait plus confiance. » « La convivialité est saccagée, embraie Pierre. On a demandé à ceux qui avaient été trop loin, dans un sens ou dans un autre, de démissionner de leurs fonctions dans l’associatif. Ça va être très difficile de renouer tout ça. » Sur les réseaux sociaux, le pire s’est parfois écrit. « L’agressivité et la grossièreté des courriels qui ont été envoyés à la commune sont inimaginables. Des informations erronées ont circulé et attisé les tensions », s’indigne Carole Ghiot, qui ne reconnaît aucune erreur dans sa gestion. Quant à la propriétaire, elle juge le dossier clos. « Je ne m’en occupe plus. Tant de haine et de mensonges, je n’en peux plus. »
Les prochaines fêtes de la Saint-Martin, à l’automne, seront un sacré défi. D’autant qu’un promoteur prévoit de construire dix-sept maisons dans un lotissement, derrière l’église de Tourinnes. Et qu’une pétition circule déjà, parmi les villageois…
(1) La plupart des prénoms ont été modifiés afin de préserver l’anonymat des témoins.
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