Yves Van Laethem a répondu à vos questions: « Une 4e dose pour tous? Pas dans un futur proche »
Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral Covid-19, a répondu aux nombreuses questions des lecteurs du Vif.be. Vaccination, mesures sanitaires, CST, immunité: l’infectiologue n’a éludé aucun sujet et s’est prêté à l’exercice pendant plus de deux heures. Voici ses réponses.
La semaine passée, les lecteurs du Vif ont eu l’opportunité de poser leurs questions sur le futur de la crise du Covid à Yves Van Laethem. Aujourd’hui, l’infectiologue et porte-parole interfédéral y répond avec nuance et développement, sans langue de bois.
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Mr Van Laethem, vous vivez la crise de l’intérieur depuis près de deux ans. Dans quel état d’esprit êtes-vous actuellement?
Yves Van Laethem: « Je suis dans un état d’esprit plus serein qu’il y a un an. On a pu prouver qu’avec la vaccination, on a eu un impact majeur sur la mortalité et sur les hospitalisations. On n’est plus à la même intensité de crise qu’on l’était en 2020. Même si tempête il y a, elle est quand même moins énorme, moins « tsunami » qu’elle l’était en 2020.
La vaccination a montré ses points positifs, mais aussi ses limites. Il faut être honnête.
Je vis comme tout le monde dans l’usure et la fatigue d’être confronté sans arrêt à des épisodes qu’on espérait ne plus revoir et pouvoir éliminer grâce à la vaccination. La vaccination a montré ses points positifs, mais aussi ses limites. Il faut être honnête.
Alexander De Croo a récemment déclaré qu’on en a encore pour 2 ou 3 ans de pandémie. Est-ce un timing réaliste?
Yves Van Laethem: « On ne sait pas vraiment. Les « 2 ou 3 ans », c’est inspiré de qu’on a observé sur la durée d’autres pandémies grippales : de la 1re guerre mondiale, de 1958 et de 1967. Elles ont toutes duré 2-3 ans avant qu’on puisse vivre avec le virus. Mais c’était un virus grippal, pas un coronavirus. On ne sait pas du tout si cette similitude est adéquate. On a déjà un an et demi derrière nous… C’est donc une image basée sur un exemple d’une pathologie proche, mais qui n’est pas celle que l’on vit actuellement. Je reste persuadé que nous ne vivrons pas comme certains pays asiatiques, avec un masque en permanence.
Je suis intimement persuadé que l’on va retrouver l’entièreté de notre vie d’avant.
Peut-être que le masque aura moins cette image « carnavalesque » qu’avant, puisque personne n’en portait en dehors du carnaval. Peut-être dans certaines circonstances, on reportera le masque. Peut-être aussi qu’on conseillera aux plus fragiles de porter un masque lors de pics du corona ou de la grippe. Et ce ne sera plus « bizarre » de le porter. Les jauges et autres mesures du même style seront oubliées. Je suis intimement persuadé que l’on va retrouver l’entièreté de notre vie d’avant. »
Selon vous, quelles sont les plus grosses « erreurs » commises durant la gestion de cette crise? Qu’aurait-on pu faire différemment?
Yves Van Laethem: « Ce qui est regrettable, c’est que l’on n’avait rien comme plan de départ. Un plan pandémie a été fait à l’époque du H1N1, dans les années 2000 à 2010. Mais il a vite été enterré. Il n’a jamais été entretenu. Pour les plans de catastrophes naturelles, il y a des exercices pour vérifier que cela fonctionne. Ici, on a enterré un papier, sans le rendre vivant. On n’a pas essayé de voir ce qui a été fait ou pas fait. Lorsque des masques sont arrivés à péremption, on s’est dit qu’une manière de faire était de les brûler. Peut-être qu’effectivement, on aurait pu réagir autrement. C’est vrai pour tous les pays, mais la Belgique était peut-être un des exemples où les choses étaient les moins bien faites, au début. Ça n’aurait pas évité que la pandémie nous touche, mais ça aurait permis de mieux encaisser la 1re vague. Même si à cette époque, on ne savait pas que le masque pouvait avoir un intérêt scientifiquement parlant pour toute la population.
Il y a eu des erreurs, mais entraînées par des circonstances. Fermer la culture était peut-être celle de trop au mauvais moment.
Ce qu’il s’est passé en septembre 2020 est regrettable, lorsqu’on était à l’aube de la 2e vague et qu’on a tout relâché. C’était un moment où la formation du gouvernement prenait de l’attention et provoquait des interférences électriques entre la formation du gouvernement et la gestion de crise. En juin, on avait promis à la population qu’on allait lui laisser une liberté à l’automne. Donc, on lui donne cette liberté. Simultanément, on s’occupe de savoir qui sera ministre. Pas de chance, le Covid s’en foutait complètement. Ça, je pense que c’était une erreur. Pas spécialement de la part de Wilmès (que j’apprécie, par ailleurs), mais c’est simplement le gouvernement qui n’a pas bien jugé ce qu’il se tramait.
L’épisode de la fermeture de la culture montre que certaines décisions ne sont pas prises sur une base scientifique, et il a donné l’impression d’un ‘vogelpik’ politique. Pas grand monde ne comprenait pourquoi la culture était la seule victime d’un lockdown total, alors qu’on laissait fonctionner le reste. Pour illustrer ce manque de logique, c’est comme si on décidait d’arrêter les vols d’avions, alors que l’avion est le moyen de transport le plus sûr, et qu’on autorisait toujours les voitures à rouler. Dans le seul but de supprimer les morts dans les avions. Non, ce n’est pas une bonne idée, comme il y a plus de morts en voiture. Ici, on a choisi de punir l’endroit dans la vie sociale probablement le plus sûr. Alors qu’on ne faisait rien aux autres. C’est un des points où l’on a finalement, combiné à l’usure mentale, le plus bondi. Il y a peut-être eu d’autres erreurs, mais entraînées par des circonstances. Fermer la culture était peut-être celle de trop au mauvais moment. »
Durant la crise, on se concentre beaucoup sur l’instantané. Le Covid long provoque des conséquences au long terme. Ne laisse-t-on trop pas cette problématique de côté?
Yves Van Laethem: « En effet, nous ne savons pas du tout quelle est l’épée de Damoclès que nous avons au-dessus de la tête. On ne sait pas s’il y aura vraiment des impacts à moyen et long terme. Souvent, et heureusement, une bonne partie des gens souffrant de Covid long vont mieux au bout de deux ou trois mois. On ignore encore s’il pourrait y avoir des conséquences au très long cours. On a évoqué des conséquences neurologiques ou cardiaques. C’est une possibilité, pas encore prouvée. Il y a eu des choses de ce style-là après la grippe espagnole, où on a constaté plus de parkinson 10-15 ans plus tard. On sait que le Covid a la possibilité de toucher tout l’organisme et de provoquer des problèmes cérébraux.
Le Covid long? Nous ne savons pas du tout quelle est l’épée de Damoclès que nous avons au-dessus de la tête.
Comme des troubles de la concentration et de la mémoire. C’est la question qui devra être suivie du point de vue épidémiologique, au long cours. En attendant, le Covid long est aussi embêtant au « court terme ». Le pourcentage des gens touchés par le Covid long est très variable : 10,15,20, voire 30%. On observe des grandes différences d’intensité dans les séquelles, notamment pulmonaires, comme si la personne avait fumé de nombreuses années. »
Mr Van Laethem, pensez-vous que nous devrons recevoir une 4ème dose dans les 6 prochains mois? Si oui, serait-ce avec un vaccin prévu pour contrer le variant Omicron?
Yves Van Laethem: « Pour l’instant, on espère ne pas devoir faire une quatrième dose dans un futur proche, hormis pour les immunodéprimés. S’il y en a une, on espère qu’elle soit orientée, peut-être sur Omicron ou d’autres variants. L’idéal serait d’avoir un vaccin plus efficace.
Sans vaccin, avec Delta, on aurait eu une très grosse casse.
On était très content d’avoir si vite un vaccin aussi efficace sur les formes sévères de la maladie. Cela nous a quand même sauvés d’un gros clash. Sans vaccin, avec Delta, on aurait eu une très grosse casse. On aurait été dépassé. »
A quel point l’arrivée de nouveaux vaccins, plus adaptés, est-elle urgente – ou non? Seront-ils plus efficaces sur la transmission?
Yves Van Laethem: « L’arrivée d’autres vaccins, très différents, est la bienvenue. Dans ces nouveaux vaccins, on ne changera pas uniquement l’antigène en fonction de nouveaux variants. Je pense que maintenant, il faut essayer d’avoir ces vaccins qui génèrent une immunité nous protégeant mieux sur la transmission. Ce qu’on appelle une immunité stérilisante. Cette dernière fait qu’une personne vaccinée n’est plus capable d’accueillir le virus et de le transmettre.
C’est réalisable via des vaccins qui stimulent mieux l’immunité des muqueuses respiratoires, par instillation nasale ou autres. C’est quelque chose qui est compliqué à faire, pour lequel il y a des recherches. On ne s’attend pas à les avoir avant la fin de cette année 2022. Il y a d’autres vaccins qui sont prévus en attendant, mais qui ne sont que des variations sur le même thème. »
Qu’est-ce que ces nouveaux vaccins auront de particulier?
Yves Van Laethem: « On présente la « clé », la fameuse protéine S, plus ou moins différemment. Est-ce qu’ils auront plus d’efficacité ou pas ? Seule la réalité du terrain nous le dira. Le premier de ces vaccins qui apparait, c’est Novavax, qui est plus classique. On verra si ces vaccins plus classiques seront plus perdurants dans le temps. C’est l’étude sur le terrain, ce qu’on appelle l’effictiveness, -la vraie efficacité sur des milliers de personnes- qui le montrera.
En résumé, c’est ‘non’ pour la quatrième dose du même vaccin. Et je ne suis pas certain qu’on aura quelque chose adapté à un variant, avec les types de vaccins actuels. Sauf si un variant extrêmement différent arrive, et pour lequel il faut créer un nouveau. On sait que les techniques actuelles permettent de s’adapter relativement vite, même s’il faudra peut-être trois ou quatre mois. C’est surtout l’espoir d’avoir d’autres vaccins de deuxième génération. Et surtout, des vaccins touchant les muqueuses, pour nous blinder mieux contre le virus. Novavax commencera à être administré fin février-début mars. »
Comment voyez-vous le protocole vaccinal contre le Covid pour les prochaines années? Un rappel annuel serait-il possible, à l’instar du vaccin contre la grippe?
Yves Van Laethem: « C’est possible. La grippe, c’est assez facile. Elle mute sans arrêt et ça a été assez vite compris. Ce qui fait que le vaccin change d’une année à l’autre. Au début, ce n’était pas évident car il fallait suivre les mutations alors que la technologie n’était pas aussi avancée qu’actuellement. Il n’est pas impossible qu’il faille une vaccination annuelle, ou tous les deux ans, ou trois ans. Avec un rythme éventuellement adapté en fonction des personnes. Cela dépendra fortement des vaccins qu’on aura dans le futur.
Avec des vaccins qui couvriraient les muqueuses et un panel plus grand de coronavirus, on pourrait alors ne pas devoir faire de rappel régulier.
Avec des vaccins qui couvriraient les muqueuses et un panel plus grand de coronavirus, on pourrait alors ne pas devoir faire de rappel régulier. Il s’agirait alors d’un vaccin qui ne serait pas seulement adressé vers cette protéine S, mais vers d’autres structures du virus, permettant de stimuler l’immunité sur différentes parties.
Une métaphore explicative : pour l’instant, si la protéine S bouge suffisamment, l’outil, « la clé », tournera moins bien. Il faut un peu forcer, ça finit par tourner, mais c’est plus difficile. On aimerait bien, avec les nouveaux vaccins, qu’il y ait un type avec une massue qui dise : « La porte ne s’ouvre pas avec la clé ? Ce n’est pas grave, bam! », et défonce la porte. »
Des récents chiffres Covax estiment que 49% de la population mondiale n’a pas encore reçu une seule dose de vaccin. Tant qu’on n’avance pas sur une vaccination mondiale, risque-t-on l’émergence d’autres variants?
Yves Van Laethem: « C’est vrai. Partout dans le monde, mais on peut avoir l’émergence de variants chez nous aussi. Lorsque le virus circule beaucoup, comme maintenant. Que les gens soient vaccinés ou pas. La chose que nous pouvons faire pour ne pas favoriser cela, c’est diminuer la circulation, comme on le fait avec les masques mais surtout avec la vaccination. Qui malheureusement, n’est que partiellement efficace sur cette transmission. Donc, elle bloque une partie mais n’empêche pas le virus de se multiplier. Un mutant pourrait donc naître aussi dans nos régions vaccinées. Mais il a encore plus de chance de naître à un endroit où il est totalement libre de faire ce qu’il veut. D’où l’importance de vacciner des vastes zones du monde. Mais ça ne sera pas un travail facile. »
Bonjour Monsieur Van Laethem. J’ai fait une thrombose mi-septembre. Mon neurologue refuse d’associer ce problème aux effets secondaires du vaccin. Je n’avais aucune prédisposition pour faire une thrombose, je suis en très bonne santé. Pourquoi mon médecin ne veut-il pas admettre ma réflexion concernant les effets secondaires du vaccin? J’ai remarqué, autour de moi, plusieurs cas d’AVC et aucun médecin ne voulait en faire la déclaration. Merci pour votre réponse.
Yves Van Laethem: « Effectivement, les médecins pourraient sans doute déclarer plus d’effets secondaires. Les effets secondaires, c’est toujours une déclaration spontanée, qui vient du médecin ou du patient lui-même. Rien n’empêche donc au patient de déclarer ce genre de choses-là à l’agence des médicaments. Avec les renseignements que l’on a, on n’a pas de signes qui nous montrent que les thromboses, telles que l’entendent certains, sont directement liées à la vaccination.
Avec les renseignements que l’on a, on n’a pas de signes qui nous montrent que les thromboses sont directement liées à la vaccination.
On a eu un problème de thromboses très particulier avec AstraZeneca et Johnson&Johnson, mais c’est un tableau totalement différent. Avec ce qui est rapporté, on n’a pas de lien entre les deux. Dans cette optique-là, il est logique pour le médecin de dire « Le rapport me dit qu’il n’y a pas de lien suite à des centaines de millions de doses. » Au départ, je pense qu’on a rapporté beaucoup plus de choses, lorsqu’on ne savait pas. Et là, il n’y a pas eu un surcroit de thromboses entre vaccinés et non-vaccinés. »
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Bonjour Monsieur Van Laethem, pourriez-vous expliquer la raison pour laquelle les vaccins contre le Covid-19 ont une efficacité tellement limitée dans le temps contre la transmission du virus alors que leur efficacité contre les effets sévères reste bonne? Est-ce que cette efficacité contre la transmission augmente avec chaque dose de rappel?
Yves Van Laethem: « Oui, elle augmente avec chaque dose de rappel. On sait que cette efficacité contre la transmission était descendue largement en-dessous de 50% avec deux doses face au variant Delta. Avec la 3e dose, on passait à 75 ou 80%. Comme on ne stimule pas d’immunité spécifique au niveau des muqueuses, la protection contre la simple contamination est surtout liée aux anticorps qui passent au niveau des muqueuses, et ils passent en fonction du niveau d’anticorps qui circulent dans notre sang. Donc, plus on a d’anticorps qui circulent dans notre sang, plus on a une chance qu’il y en ait assez qui passent au niveau des muqueuses et viennent « zigouiller » le virus qui s’y trouve.
Notre immunité induite par le vaccin est à la fois humorale (ces fameux anticorps), mais aussi cellulaire. Cette immunité cellulaire est très importante pour lutter contre les formes les plus sévères. Elle est toujours bien présente avec deux et trois doses. La défense contre les formes les plus graves n’est pas parfaite, mais reste globalement bonne. Elle s’use un peu, probablement parce qu’en plus de l’immunité cellulaire, il faut une immunité humorale et que le taux d’anticorps diminue au fil du temps. La première chose qui se manifeste, c’est que comme il n’y a pas assez d’anticorps qui arrivent au niveau de muqueuses, on reste porteur ou on fait des petites manifestations locales, tandis que les formes les plus graves, restent, elles, éliminées plus longtemps dans le temps. »
Pour la grippe, on prépare les vaccins en début d’année pour les virus qui arrivent en fin d’année, en espérant qu’ils ne mutent pas entre-temps. Car sinon, ils s’avèrent inefficaces.
Pour le Covid, les vaccins proposés étaient prévus pour les formes Alpha et Bêta et annoncés efficaces à 95 %. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. On a quand même risqué le coup pour le variant Delta. Et on encourage la 3ème injection du même vaccin alors que nous sommes déjà loin dans les variants, avec Omicron. Quelle efficacité peut-on en espérer? N’est-on pas en train de créer des anticorps facilitants par des injections trop rapprochées et pas suffisamment ciblées? En Israël, ils se posent des questions. Et chez nous?
Yves Van Laethem: « Partons de la base : les anticorps facilitants, c’est une hantise qui a été bien suivie dans le développement des vaccins. C’est faire qu’un anticorps est un Cheval de Troie. Finalement, il permet au virus d’entrer plus facilement dans les cellules mais sans « lui casser la figure ». Il l’entraine à l’intérieur. Petite illustration : c’est comme si vous faisiez entrer un bandit dans un commissariat de police. Mais vous ne le fouillez pas, le type a toujours son flingue et tue tout le monde.
Donc, le but est de fouiller le type avant de le faire rentrer, et de lui mettre des menottes. Le problème de l’anticorps facilitant, c’est qu’il fait entrer le virus à l’intérieur, mais il est bien réveillé et casse la cellule. C’est quelque chose pour lequel on n’a pas d’évidence, donc c’est une hantise pour différents types de vaccins. Mais rien n’a été démontré pour l’instant avec le vaccin contre le Covid. Un vaccin pour lequel ça existe, c’est celui contre la Dengue. Le problème avait fait couler beaucoup d’encre. Pour le Covid, ça n’a pas pu être démontré.
Pour la grippe, on a l’avantage de suivre un certain cycle. Il arrive dans l’hémisphère Sud, et plusieurs mois plus tard dans l’hémisphère Nord. Le problème du Covid, c’est sa rapidité de propagation. Omicron est arrivé en Afrique du Sud, et en deux mois de temps à peine, il était déjà ici. On a eu la même chose avec Delta. Donc, on n’a pas le temps. D’autant plus qu’on ne connaît pas d’emblée l’ampleur de l’impact. Le coronavirus court plus vite que la grippe. On n’a pas le temps de faire des vaccins adaptés en amont. Ce serait très complexe d’y parvenir. Le timing est trop juste. En attendant, on emploie les autres vaccins. Malgré tout, ils nous donnent une clé qui tourne toujours dans la serrure, même si elle tourne en grippant. Donc, il faut plus de force pour ouvrir. Pour avoir plus de force, il faut faire un rappel, qui donnera au poignet plus de force pour tourner la clé.
La grippe ne nous tombe pas dessus avec la même imprévisibilité que les variants du coronavirus, pour l’instant. On peut espérer qu’ils mutent moins ou plus lentement dans le futur. Pour l’instant, le Covid nous surprend un peu trop fréquemment. Ceci étant, on se plante parfois avec la grippe aussi. Durant la période 2014-2015, le vaccin contre la grippe en Europe était à côté de la plaque, et c’est l’année où l’on a déploré la plus grosse mortalité de grippe. »
Mon petit-fils a reçu la deuxième dose le 19 août 2021. Il a eu 17 ans le 12 novembre dernier. Si je comprends bien, il ne pourra pas recevoir le booster avant 18 ans, ce qui implique un délai entre 2ème et 3eme doses de plus d’un an. Or, il semble qu’après six mois, l’immunité diminue. N’y a-t-il pas un problème dans ce cas?
Yves Van Laethem: « Tout à fait, et c’est pour cela qu’on examine maintenant l’administration du booster pour les adolescents (de 12 à 17 ans). On doit remettre un avis sur le sujet à la CIM santé et à la taskforce vaccination dans les prochains jours. Il pourrait paraître illogique de ne pas faire un booster à ces personnes concernées. Donc je pense qu’on n’attendra pas qu’il ait 18 ans. Pour l’instant, il n’y a encore rien de décidé, mais ça va bientôt se faire. «
Monsieur Van Laethem, je n’ai pas encore franchi le pas de la vaccination Covid car je ne suis convaincu ni par son intérêt à mon égard, ni par son intérêt en termes de protection d’autrui. Selon vous, pour quelle(s) raison(s) médicales devrais-je me faire vacciner?
Yves Van Laethem: « Cela dépend de l’âge et de l’état de santé de la personne, d’abord. Il y a un groupe de gens pour lequel l’intérêt est évident. Ce sont les gens soit âgés (+65 ans) ou les gens avec des comorbidités. Pour ces derniers, on a vu qu’ils étaient plus touchés, avec une mortalité dix fois plus importante que celle de la grippe. Pour ces personnes, on a pu démontrer l’efficacité de la vaccination au niveau des hospitalisations et de la mortalité.
Deuxièmement, on ignore encore les conséquence précises du Covid long. Diminuer le risque de faire un Covid symptomatique, grâce à la vaccination, va diminuer les Covid long et l’impact au long cours.
Troisièmement, pour la population générale, l’intérêt est aussi dans la diminution de la circulation virale, certes très partielle et insatisfaisante. Avec une protection contre la transmission qui va varier selon les mutants (entre 20-30% et 70%), donc ce n’est effectivement pas un outil parfait. Le masque porté par une personne diminue de 70% la transmission, par deux personnes, de 90%. Donc, c’est vrai, on pourrait vivre tous masqués, en permanence. Mais ce ne serait pas forcément agréable. Le vaccin donne malgré tout une certaine protection contre cette transmission, mais qui n’est certes pas meilleure que le masque. »
Je vous remercie de l’opportunité que vous offrez aux lecteurs du Vif de vous poser leurs questions.
Merci à vous pour ce message sympathique!
Bonjour Monsieur Van Laethem, quand Sciensano parle de personnes hospitalisées ‘Covid’, il s’agit de personnes avec un test PCR positif, pas nécessairement de personnes malades du Covid. Pourquoi ne différencie-t-on pas les deux ? Subsidiairement, avez-vous une idée du rapport entre le nombre de personnes positives hospitalisées et le nombre de malades hospitalisés? Merci.
Yves Van Laethem: « On est censé avoir une séparation entre les deux, oui. Les personnes hospitalisées pour une clinique compatible, et celles qui sont là pour une autre raison, mais qui sont positives. Il y a manifestement des discordances. Normalement, la différence est faite entre les deux. Mais pas toujours, car la donnée n’est pas toujours disponible. Et je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il faut systématiquement faire cette différence. Ce n’est pas toujours atteint parfaitement pour des raisons de récolte de données. Parfois, les hôpitaux en ont ras-le-bol et ne font pas la différence lorsqu’ils transmettent leurs chiffres. Sciensano prend la donnée brute. Alors qu’elle devrait être, par exemple : « On a 15 entrées : 7 malades et 8 qui sont entrés by the way avec le Covid, mais dont l’arrivée à l’hôpital n’a rien à voir. Sciensano n’a pas le rôle de gendarme et ne sait pas le vérifier. Il y a une récolte des données qui n’est pas parfaitement filtrée. »
NDLR : Sciensano fait désormais la différence sur ses graphiques.
Le baromètre est désormais d’actualité : une bonne chose, selon vous? Qu’est-ce qui pourrait faire défaut avec ce système?
Yves Van Laethem: « Aucun système n’est parfait, mais l’idée était de simplifier l’approche pour donner à la population et aux décideurs une sorte de squelette. Un squelette sur lequel on peut venir greffer des choses, si nécessaire, mais qui reste un squelette. On ne met donc pas un coeur au bout d’une main. Mais on peut lui faire prendre des aspects différents.
Ici, l’idée était de dire, ‘avec tel type d’intensité, et en prenant un certain nombre de critères épidémiologiques, on conseillerait de faire ceci.’ En réfléchissant moins « par parquets » de secteurs. L’idée, c’est d’avoir un arbre de décisions qui ne fonctionne pas par secteurs entiers, mais par morceaux, de manière plus logique, plus rationnelle, et fonction de l’intensité de l’épidémie. Tout en prenant en compte la spécificité de certains variants. Avec Omicron, tous les paramètres de décisions flambent (sauf les hospitalisations). Donc, c’est difficile à mettre au point. L’idée n’est pas d’être parfait, mais que la population puisse un peu mieux comprendre et ne pas se dire que c’est du vogelpik total. Et qu’on ne se retrouve plus dans des situations où les politiques se sentent excusés de fermer la culture alors qu’il n’y avait pas de raison de le faire. »
Comment doit-on désormais envisager les mesures restrictives? Faut-il un changement d’approche suite à l’arrivée d’Omicron?
Yves Van Laethem: « Omicron, pour l’instant, fait changer l’approche. Le problème, c’est qu’Omicron, ce n’est jamais qu’une phase dans l’évolution de ce virus. Une phase au bout de laquelle on espère qu’on tirera plus de points positifs que des autres. Il y aura toujours des hospitalisations et des morts avec Omicron aussi. Mais il y aura un certain nombre de points positifs. Il stimule l’immunité d’une bonne partie de la population.
Une illustration : Omicron, c’est comme un feu qui éliminerait toute la broussaille, donc il n’y a pas de deuxième feu. En attendant, il y quelques maisons qui ont été carbonisées. Et donc, avec Omicron, on va enlever cette « broussaille », beaucoup de gens auront acquis une certaine immunité. Mais on ne sait pas comment sera le feu suivant, et s’il y a de très grandes flammes qui arrivent, elle se foutent qu’il n’y ait plus de broussaille, elles vont quand même tout ravager, parce qu’elles font 15 mètres de haut. Ça fait que pour l’instant, Omicron nous désarçonne un peu. Mais comme rien ne nous permet de dire que les feux suivants seront relativement gentils, c’est malgré tout une bonne chose d’avoir cet indicateur (le baromètre) sous le bras. »
Lire aussi: Omicron VS Delta: le jeu des 7 différences
Bonjour, y a-t-il des divergences de points de vue au sein du Gems?
Yves Van Laethem: « On a rarement des grosses divergences. Mais des petites divergences entre nous, oui. On nous a accusé de « tunnelisme », de tous être braqués dans la même direction sans regarder sur les côtés. On est 25, quand même. Au cours du temps, il y a parfois eu des avis divergents. Sur la sévérité de telle ou telle pathologie. Sur l’utilité ou non de fermer tel ou tel secteur. On essaye d’arriver à un consensus. On ne fait pas de votes.
Donc on essaie d’arriver à ce consensus, même si tout le monde n’est pas forcément d’accord à 100%. Il y a eu des abstentions, lorsqu’un membre ne veut pas s’identifier à l’avis tel qu’il sortait. Le plus gros signe de désaccord pour l’instant, ce sont les abstentions. »
Pourquoi la Belgique, aussi grande qu’un timbre poste, se permet-elle de tergiverser par rapport aux normes beaucoup plus strictes adoptées par nos voisins (vaccination obligatoire, pass vaccinal…)?
Yves Van Laethem: « Car chaque pays fonctionne avec les contingences liées à son système de santé, qui ne sont pas les mêmes. L’Allemagne est plus riche en lits d’hôpital et de soins intensifs. Les Pays-Bas et la France en ont moins que la Belgique. Ils ont été plus touchés par les mesures de coupe budgétaire. Chez nous aussi, mais il y a heureusement ‘plus d’arbres dans notre forêt’ qu’en France ou aux Pays-Bas.
Et donc, en fonction de ça, chacun va crier « Holà » plus ou moins vite. En fonction aussi de ses autres structures. L’Allemagne était beaucoup plus équipée au départ dans tout ce qui touche au testing. Elle pouvait se permettre d’orienter sa politique en fonction de ça. Il y a aussi des contingences politiques et de gestion de pays. La France est gérée tout à fait différemment de la Belgique. En France, il y a une décision diffusée à tout le territoire. Nous avons des structures régionales. Donc, tout cela est géré différemment. La Hollande a décrété un lockdown qu’on n’a pas bien compris ici. Mais ils avaient un taux de 3e dose inférieur, moins de lits en soins intensifs, donc ils ont préféré surréagir. »
Encore combien de temps devrons-nous garder le masque?
Yves Van Laethem: « On a trop vite cru -moi aussi- qu’on pourrait faire sauter le masque en septembre/octobre de l’année passée. On avait un espoir beaucoup plus important sur le blocage de la transmission grâce au vaccin. Au départ, il avait un effet de 75-80% sur la transmission. On vivait donc avec l’idée qu’on allait garder ça pendant quelques années. Puis, on s’est rendu compte que ce n’était plus le cas après 4-5-6 mois. C’est la mauvaise surprise de cet été. Nos fantasmes pré-été, de se dire qu’à l’automne on ne ressortirait pas le masque, sont tombés à l’eau.
Je pense que tant qu’on n’aura pas établi une meilleure immunité globale dans la population, le masque va continuer à jouer un rôle. Sans exclure qu’il puisse encore en jouer un dans le futur, lors d’épisodes aigus par exemple. Si on arrive à une situation où la maladie devient endémique, on conseillerait le port du masque de façon ciblée (aux personnes fragiles, dans les moyens de transports, en hiver, par exemple). Mais pas dans la vie de tous les jours, en été. Ça sera un phénomène ponctuel. »
Le gouvernement espagnol a décidé depuis peu de traiter la covid comme les épidémies de grippe, avec sérieux mais sans paranoïa. Pourquoi ne pas avoir le courage d’une telle politique chez nous?
Yves Van Laethem: « On veut aller vers ça, c’est le but. Le tout est de savoir si on est déjà au bon moment pour le faire. Tout le monde se pose la question de savoir si les Espagnols ne vont pas trop vite et ne considèrent pas trop vite qu’on est déjà pratiquement arrivés à une endémie. Je ne dis pas qu’ils ont tort, mais ils sont précurseurs comme Israël a été précurseur dans la vaccination, l’Autriche pour l’obligation vaccinale. En fonction de circonstances locales, on voit que naissent des manières de gérer cette crise. Qui sont parfois très discordantes. »
Sachant que les vaccinés peuvent être contaminants, quelle est l’utilité du CST ou du certificat de vaccination pour pouvoir accéder à un restaurant ou un café?
Yves Van Laethem: « On est bien d’accord. Ce « Ticket » n’est pas safe du tout. Il l’était dans l’optique de départ, puisque lorsqu’il a été créé, on avait 75-80% de chances en moins de transmettre. On savait qu’il n’était pas safe à 100%, comme la ceinture de sécurité n’empêche pas parfois de mourir dans un accident de voiture.
Au cours du temps, cette sécurité s’est effritée. Pour l’instant, le CST est plutôt la preuve que vous avez peu ou pas de risques de faire des formes graves. Pour la transmission, c’est un filtre qui n’est pas très bon. L’option du test négatif pour le CST est probablement une plus grande sécurité lorsqu’il est bien fait. Je parle du PCR, et pas de l’antigène qu’on fait dans le coin de sa cuisine.
Un test PCR négatif est probablement meilleur pour la protection des autres, que le fait d’être simplement vacciné. La personne qui a deux doses pour l’instant, a un risque de transmission qui est loin d’être nul. Quelqu’un qui a un PCR négatif de la veille, il y a beaucoup moins de risque. Le CST n’est donc pas safe, il devrait s’appeler autrement. Il garderait éventuellement son utilité pour d’autres choses, mais pas pour aller au restaurant. »
L’obligation vaccinale va-t-elle arriver un jour ou l’autre? Est-elle pertinente avec les vaccins actuels, non adaptés aux variants?
Yves Van Laethem: « C’est toute la noblesse de la discussion politique. Je pense que c’est à eux de décider cela. N’est-ce pas trop tard, puisqu’on est déjà avec une couche de protection élevée ? Est-ce qu’avec les vaccins qu’on a actuellement, ça vaut la peine ?
D’où la réflexion de certains de rendre la vaccination obligatoire pour ceux qui sont à risque pour eux-mêmes, mais aussi pour le système de soins de santé. Et pour lesquels les vaccins actuels gardent une bonne protection. Ce serait l’idée de dire « On vaccine obligatoirement à partir de 50 ans », comme le fait l’Italie.
S’il faudrait choisir, ce serait quelque part entre 40 et 60 ans. Les formes les plus sévères, on sait que c’est les plus de 60-65 ans. Entre 40 et 60, on sait qu’il y a de la ‘casse’ aussi, et qu’il y a eu une surmortalité l’année passée. Chez les moins de 40 ans, la casse est beaucoup plus limitée.
Avec les vaccins actuels, ce n’est pas évident de se dire que vacciner les moins de 40 ans a un vrai sens. Cela a un sens, mais limité. Une obligation vaccinale globale, avec les types de vaccins que l’on a, est un peu plus compliquée à comprendre. D’autant plus avec le variant Omicron. Il faut essayer de se sortir du variant actuel et se dire qu’il y aura d’autres vaccins, il faut se dire qu’éventuellement on peut moduler cette obligation en ne la rendant obligatoire que pour certaines strates à risque de la population. Même si ces strates à risque sont vaccinées à 90%, ça veut qu’il y a toujours 10% qui ne le sont pas. Et donc, effectivement, il y a encore des centaines de milliers de personnes qui peuvent encombrer le système de santé. Même si des millions dans les tranches en question, heureusement, sont vaccinés.
Donc je ne veux pas dire par là que je suis en faveur- même si, c’est un petit peu le cas- d’une sorte d’obligation dans certaines tranches d’âge plutôt que pour toute la population, avec le type de vaccins que l’on a pour l’instant. »
Que dites-vous à Bart De Wever suite à ses déclarations optimistes quant à l’évolution de la pandémie et des mesures qui sont imposées actuellement. Reviendra-t-on sur toutes ces « obligations?
Yves Van Laethem: « La N-VA, comme le Vlaams Belang, a toujours été un parti qui a essayé de minimiser et de limiter les contraintes liées à la pandémie. Et de plutôt dire « tout va bien madame la Marquise », ou du moins, « tout ne va pas si mal que ça. » Ils ont toujours été dans une optique de vouloir faire sauter les limitations le plus vite possible. Je pense qu’il est trop tôt pour aller aussi loin que ce que Bart De Wever voudrait. »
Après un test PCR positif, le CST n’est plus valide pendant 11 jours, alors que l’isolement prend fin après 7 jours, quand on est triplement vacciné. On peut donc retourner travailler, être en contact avec ses collègues mais on ne peut pas aller au cinéma… N’est-ce pas illogique? Des changements sont-ils envisagés?
Yves Van Laethem: « Je ne sais pas si des changements sont envisagés, mais ça fait partie des choses peu logiques, en effet. C’est un anachronisme. Pour moi, en tout cas, il y a une discordance qui aurait dû être adaptée. »
Du point de vue scientifique, estimez-vous que le vaccin est plus efficace que l’immunité naturelle d’une personne en bonne santé et ayant eu peu de symptômes lors de la contamination? Quel est le but sanitaire de vacciner les 100% de la population sachant qu’une majorité est naturellement immunisée?
Yves Van Laethem: « On n’est pas encore à une majorité immunisée, mais on a un gros paquet qui a été infecté, oui. On est quelque part entre 25 et 50%, sans doute. L’immunité naturelle va induire une bonne base. Car quand on la greffe avec le vaccin, on a une protection clairement meilleure qu’avec le vaccin seul. L’immunité naturelle, elle a son sens. Mais elle essentiellement dirigée vers une souche bien précise et elle va aussi diminuer au cours du temps. Avec le Covid, elle ne reste pas. Contrairement à la rougeole, où vous pouvez être immunisé pour toute votre vie après une infection. Ce n’est pas le cas pour le coronavirus, entre autres à cause des mutations.
Si vous faites l’Alpha, vous n’êtes plus convenablement protégé, ni pour le Delta, ni pour Omicron. Donc l’immunité naturelle n’est pas parfaite. L’immunité vaccinale n’est pas parfaite non plus. Mais elle est plutôt un peu meilleure par le spectre d’anticorps générés par l’immunité vaccinale. L’association des deux est une excellente solution. Mais il vaut mieux être vacciné puis infecté, qu’infecté puis vacciné. Parce qu’avec la vaccination, vous diminuez votre risque de sortir de la route. »
Est-il encore possible d’être infecté par les souches précédentes? (Wuhan, Alpha, Bêta, Gamma, etc.)
Yves Van Laethem: « Non, la souche de Wuhan ne va pas revenir. Il n’y en a plus du tout, je pense. Delta, il en reste encore un peu. Dans certaines parties du monde, il reste peut-être encore un peu de Gamma, de Bêta, mais en petite quantité. Ce faisant, la chance de les rencontrer est très peu probable. Actuellement, il y a encore entre 6% et 10% des infections causées par Delta. »
Questions similaires de plusieurs lecteurs: La 3e dose « booster » est-elle vraiment nécessaire si le taux d’immunité individuelle dans le sang est encore suffisant?
Yves Van Laethem: « Il y a plusieurs choses. Un, il n’y a toujours pas un seuil d’anticorps précis qui est délimité comme étant nécessaire pour contrer les infections sévères ou moyennement sévères. Il y a de vagues chiffres qui circulent, mais ce n’est pas clairement délimité. Vérifier cela avec une vaccination de masse, ce n’est pas si évident. Concernant l’individu, c’est plus simple à réaliser. Faire intervenir cela dans une campagne de vaccination, ce n’est donc pas facile. Globalement, en santé publique, c’est complexe de faire introduire cela.
En santé individuelle, la personne peut le faire. Mais on n’a pas un effet délétère démontré suite à cette dose supplémentaire. On a les mêmes voire moins d’effets secondaires. Et pas d’effets secondaires graves. Donc l’idée, c’est qu’on « plante » un vaccin gratuit à quelqu’un, en augmentant globalement l’efficacité sur la population, même si individuellement, ce n’est peut-être pas nécessaire. C’est au cas par cas. Il ne faut juste pas qu’on arrive à se dire « On a déjà acheté des vaccins, donc il faut les mettre dans les bras de tout le monde. » On peut aussi les envoyer à Covax, et c’est ce qu’on fait d’ailleurs.
Même si on a un doute sur la protection conférée par les doses actuelles, on se dit qu’on préfère « assurer » une dose booster que ne pas le faire. Mais individuellement, ne pas avoir besoin du booster peut se défendre comme notion, oui.
Concernant les personnes qui ont reçu AstraZeneca: le problème est que ce vaccin donnait une bonne immunité cellulaire, mais une immunité humorale un peu bégayante. Mais si on la combine avec une infection, alors l’immunité est davantage stimulée. Au cas par cas, il est possible que le rappel ne soit pas si utile que ça. Si une personne doublement vaccinée a reçu une immunité induite avec un booster via la maladie, la nécessité d’un rappel est moins évidente. Le problème, c’est que ça reste du cas par cas. Combien de temps l’immunité dure-t-elle ? Le seuil nécessaire pour éviter les formes graves n’est pas encore connu, on manque de recul. C’est une des raisons pour lesquelles on préfère faire une cuisine systématique, tant qu’on n’en sait pas plus. Et qu’on a les moyens de le faire. Plutôt que de faire de la « cuisine individualisée ». Qui scientifiquement est plus intéressante, mais qui est beaucoup plus complexe quand on n’a pas encore tous les détails de l’ennemi devant soi et le taux qu’il faut pour ne pas avoir de complications. »
Vous êtes spécialiste de la médecine du voyage. Pensez-vous que cette crise sanitaire modifiera à tout jamais notre façon de voyager?
Yves Van Laethem: « Je pense qu’on revoyagera comme avant. Mais l’attention mondiale sera davantage dirigée vers les pathologies qui peuvent passer d’un pays à l’autre. Je ne pense pas, par exemple, que le masque va rester dans les avions. Peut-être un peu plus tard qu’ailleurs, car c’est un endroit clos avec des croisements. »
A quand une politique commune au sein de l’Union européenne dans la gestion du Covid-19?
Yves Van Laethem: « La Communauté européenne ne s’est pas bâtie sur la santé. La santé a toujours été laissée aux Etats membres. Il est frappant d’observer, lorsqu’on assiste à des réunions européennes, toutes les précautions oratoires pour dire « Nous donnons cela à titre informatif ». La santé est donc une chasse-gardée des Etats, c’est ce qui a toujours été voulu. Il y a des structures, comme l’ECDC, qui aident à suivre la situation épidémiologique. Il y a des initiatives européennes prises pour acheter des vaccins ou des masques, mais qui sont en complément. Cela n’a jamais été voulu dans les traités, et on peut le regretter.
Il faut savoir qu’aux Etats-Unis, il n’y a pas non plus d’unité. Chaque Etat peut décider d’un tas de choses dans le domaine sanitaire. De mon point de vue, cette unité européenne est un manque, oui. »
Les autotests vont-ils, à terme, remplacer les PCR? Quel est leur degré de fiabilité?
Yves Van Laetem: « Les autotests n’atteindront jamais la sensibilité des PCR. Avec les autotests, il y a par contre peu de faux positifs. D’où le fait que certains plaident maintenant qu’en cas d’autotest positif, inutile de vérifier avec un PCR. Car les autotests sont suffisamment spécifiques. Par contre, si le résultat est négatif, ce n’est pas forcément une assurance. Les tests s’améliorent au fil du temps, mais il est peu probable qu’on atteigne le même niveau de fiabilité qu’avec le PCR. Le PCR va rester la référence, mais avec toutes ses limitations de lourdeurs techniques et de timing.
Les autotests sont-ils moins sensibles avec Omicron ? Certains autotests américains l’étaient parce qu’ils se basaient sur quelque chose qui n’est pas utilisé avec les autotests que nous avons ici. Et donc, ils ont éliminé certains autotests aux Etats-Unis. Les données européennes disent qu’ils fonctionnent aussi bien avec Omicron. La discussion peut plutôt se porter sur la quantité de virus présent. L’autotest demande d’avoir une assez grande quantité de virus. »
J’ai 72 ans, à part me mettre en quarantaine après un test PCR positif, que dois-je faire si les symptômes persistent au bout de 7 jours?
Yves Van Laethem: « L’isolement est passé de 10 à 7 jours, avec le port du masque les trois jours suivant. On sait que la transmission du virus est liée à l’intensité de la pathologie et liée au fait qu’on est ou non immunodéficient.
Ce qui fait que les durées d’isolement sont liées à l’intensité : si on est malade à la maison, c’est dix jours, à l’hôpital 14, en soins intensifs 21. Logiquement, « monsieur tout le monde » n’a plus de virus au bout de 10 jours. Ce qu’on demande, c’est qu’il n’ait plus de température depuis 3 jours et un amendement de la majorité des symptômes. S’il n’a plus de symptômes, au bout de 7 jours + 3 jours avec le masque, il sort de sa quarantaine puisqu’il n’est plus transmetteur du virus. »
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