Tension maximale au MR, mais Georges-Louis Bouchez reçoit une dernière chance (analyse)
A l’issue du bureau de parti, le Montois reste président, mais n’a plus le droit à l’erreur. Une gestion plus collective du parti sera toutefois soumise ce lundi soir aux parlementaires du MR, qui auront le dernier mot. Risque de fronde en vue?
Le bureau du MR, réuni ce lundi matin, a décidé de donner une dernière chance à son président, Georges-Louis Bouchez, après le couac de la désignation du casting ministériel libéral, la semaine dernière. Les dissensions qui ont surgi ces derniers jours au sein du mouvement y ont été abordées avec des mots durs, la tension n’étant pas retombée ce week-end. Très loin de là, d’ailleurs. Mais l’option d’une « dernière chance » selon l’expression d’un membre du parti, avec une présidence collégiale, a pris le dessus, suite à l’intervention de quelques ténors du parti, dont la moindre n’était pas celle de la vice-Première fédérale Sophie Wilmès.
La décision doit toutefois encore être confirmée par les parlementaires du parti: une proposition de plus grande collégialit et de plus de transparence sera faite à l’intergroupe du parti (tous les parlementaires) qui tranchera ce lundi soir. En d’autres termes, la présidence du Montois reste encore soumise à ce couperet: le soutien de la majorité des parlementaires de toutes les assemblées est requis. Le risque d’un échec est-il réel? A priori, la décision adoptée en petit comité devrait passer le cap d’une réunion en plus grand groupe, mais les germes de la division pourrait être renforcés dans un cénacle où figuent plusieurs « grandes gueules » devenues ces derniers jours des opposants notoires à Georges-Louis Bouchez.
Dit en langage « officiel », ce compromis donne ce qui suit: « Le bureau a souhaité faire de ce moment de difficulté un moment fondateur et une opportunité de reconstruire l’avenir ».
Des propos très durs
Le degré de tension était pourtant énorme, lors du bureau de ce lundi matin. A son arrivée, Denis Ducarme a tenu des propos extrêmement durs: « le MR est en train de s’autodétruire », « l’image que l’on renvoie à la population est dégueulasse ». Sabine Laruelle n’est pas plus tendre: « Je n’en peux plus des despotes, du népotisme et de ce qui ressemble à des clans mafieux ».
Georges-Louis Bouchez, lui, a précisé qu’il « comptait bien » encore être président ce lundi soir. Sa position était de plus en plus fragile après ce couac de grande dimension. Mais l’intervention de plusieurs poids lourds du parti pour réclamer un apaisement aura finalement joué en sa faveur.
De trop nombreuses erreurs
Georges-Louis Bouchez, qui irritait déjà en interne par le style très clivant et ultramédiatique de sa présidence, a commis au moins trois erreurs qui ont failli lui lui coûter sa place lors de la gestion du casting ministériel, la semaine passée. Un, il s’est trompé lourdement en « recasant » Denis Ducarme au gouvernement wallon alors qu’il ne pouvait pas le faire, et a été contraint de « retropédaler ». Deux, il n’a consulté quasiment personne, pas même ses propres ministres au gouvernement wallon. Trois, il a propulsé au fédéral Mathieu Michel, frère de Charles et fils de Louis donnant l’image d’un casting « dynastique » démontrant que le « clan Michel » continue à tirer les ficelles à travers lui. Le choix du secrétaire d’Etat est, qui plus est, déjà controversé pour le profil peu digital de l’intéressé.
Tout cela fait beaucoup, après que Georges-Louis Bouchez se soit déjà mis plusieurs présidents d’autres partis à dos durant la négociation fédérale. Selon des indiscrétions dévoilées par La Libre, le débat au sein du bureau de parti est extrêmement « dur » en bureau de parti. On reproche d’autres choses encore au président. Il aurait ainsi proposé un poste de secrétaire d’Etat à Jean-Jacques Cloquet, ancien patron de l’aéroport de Charleroi et directeur chez Pairi Daïza, sans en référer à la fédéation du Hainaut. Ou il aurait promis le même poste (la direction du MR international), à deux ténors, Denis Ducarme et Philippe Goffin, qui ont tous deux perdu leur poste ministériel. La réduction drastique du nombre de ministres libéraux n’a évidemment pas aidé le président. Les Liégeois, lésés dans la répartition des postes, auraient été parmi les plus remontés du bureau, selon certaines sources.
Plusieurs membres du parti – dont Gérard Deprez, Richard Miller David Leisterh,Vincent Dewolf, mais aussi Sophie Wilmès – ont toutefois soutenu le jeune président ou du moins plaidé en faveur d’un apaisement.
Deux scénarios élaborés le week-end
Deux scénarios circulaient ce week-end pour tenter de sortir de la crise.
Des réunions ont eu lieu en coulisse pour les élaborer Le premier scénario élaboré, qui tenait la corde, consisterait à « encadrer » davantage le président dans une formule collective: un G4 composé des responsables d’exécutifs ou chefs d’opposition verrait le jour, composé de la vice-Première fédérale Sophie Wilmès, du vice- ministre-président wallon Jean-Luck Crucke, du ministre-président francophone Pierre-Yves Jeholet et de la cheffe de file bruxelloise Alexia Bertrand. Ce ne serait pas exactement la formule qui sera élaborée, mais il est bien question de davatage de collégialité et de transparence.
Un autre scénario évoqué concernerait le remplacement pur et simple du président par une figure de consensus: les noms de Sophie Wilmès et de Willy Borsus circulaient, mais ceux-ci ne le souhaitent pas et Georges-Louis Bouchez ne veut pas s’en aller si facilement. La piste du ministre wallon Jean-Luc Crucke aurait été écartée en raison de son profil trop ‘reyndersien’: les tensions ont, aussi, réveillé l’ancienne guerre des clans, qui sommeillait depuis le départ de Charles Michel et Didier Reynders pour les cieux européens.
Ducarme: « J’ai des doutes »
Les expressions ont toutefoistrès vives ce matin, lors de la réunion, et ces scénarios pourraient être déjà dépassés: certains insisteront pour que le président fasse un pas de côté. La position de Georges-Louis Bouchez serait trop fragilisée. « J’ai des doutes, et je lui ai dit, sur le fait que la confiance puisse être restaurée », a lancé ce lundi matin Denis Ducarme sur LN24: l’ancien ministre, brièvement « recasé » au gouvernement wallon avant que l’on ne se rende compte que c’était illégal en vertu du décret parité, avait pourtant lancé plusieurs appels à l’apaisement ces dernier jours. Le ton dur de ces propos montre que le vent a peut-être tourné en interne.
Jean-Luc Crucke dit ne pas vouloir la démission du président, mais il veut un geste fort: « Les solutions ne peuvent être des clopinettes. Le problème est plus fondamental: il s’agit de savoir si aujourd’hui la confiance existe encore. Nous ne sommes pas dans une autocratie où des décisions sont prises parce qu’on en a rêvé la nuit. Nous devons trouver des solutions de gouvernance dans lesquelles la démocratie est préservée, qui font que quand on s’exprime à l’extérieur, on est certain que c’est ce que pense le parti. » Le Liégeois Daniel Bacquelaine, ministre sortant, insiste quant à lui sur la nécessité d’avoir une « présidence forte ».
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Gagner du temps?
Le bureau pourrait aussi décider de gagner du temps, en espérant qu’un solution se décante. « On est plutôt dans l’apaisement , soutenait encore dimanche midi Benoît Piedboeuf, chef de groupe MR à la Chambre, sur la plateau de l’émission « C’est pas tous les jours dimanche » (RTL-TVi). Ce genre de sujet doit être débattu par les instances ». Le chef du groupe MR a précisé que Georges-Louis Bouchez n’avait jusqu’à présent pas évoqué d’initiative l’hypothèse d’une démission. Des réunions et des contacts officieux ont pourtant bien eu lieu pour ébaucher une sortie de crise. Et la tension, on la dit, n’a pas descendu.
Gagner du temps? Benoît Piedboeuf Piedboeuf estimait alors que les prochaines élections internes pour les présidences de sections locales et d’arrondissement, qui auront bientôt lieu, pourraient à ses yeux être l’occasion de « régler les choses convenablement ».
Les tensions récentes observées au MR sont nées de l’annonce jeudi matin du casting ministériel MR sur les réseaux sociaux avec la désignation de Denis Ducarme à la place de Valérie De Bue au gouvernement wallon, cumulée à la désignation de Mathieu Michel – le frère de l’ancien Premier ministre Charles Michel – comme secrétaire d’État au fédéral.
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Georges-Louis Bouchez ne devrait cependant pas démissionner. Pas maintenant, du moins. En interne, certains affirmaient ces derniers jour: « Ne soyez pas impatient, oui sa tête va rouler, mais pas si vite ». Le MR est déchiré.
Cet épisode de tension donne, qui plus est, une image désastreuse de la politique alors que la Vivaldi d’Alexander De Croo a fait du « renouveau politique » l’un de ses chevaux de bataille. Il en va de même pour les tensions perceptibles chez Groen, après l’éjection sans ménagement de son principal négociateur, Kristof Calvo, du casting fédéral: celui-ci dit réfléchir à la suite de sa carrière.
Le jeu de chaises musicales au gouvernement wallon a dû rapidement être remis en question en raison d’un décret spécial voté à l’unanimité en mai 2019 par le Parlement de Wallonie, qui prévoit une représentation d’au moins 30% de femmes – ou d’hommes – au gouvernement wallon. En remplaçant Valérie De Bue par Denis Ducarme, le compte n’y était plus. Le MR s’est vu obligé de faire machine arrière dès jeudi après-midi, en maintenant Valérie De Bue au sein du gouvernement wallon.
Depuis lors, de nombreux mandataires MR ont retiré leur soutien à Georges-Louis Bouchez, élu en novembre dernier à la présidence avec 62% des voix de militants.
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