Suicide de Conings : faut-il craindre un effet de contagion ?
Lundi, le parquet fédéral a confirmé que Jürgen Conings, le militaire disparu depuis 35 jours, s’est suicidé par arme à feu. Faut-il craindre un effet de contagion ?
Le Centre de prévention suicide flamand craint que le cas de Jürgen Conings entraîne un effet de contagion auprès des personnes qui éprouvent déjà des difficultés. « Nous savons que si les gens s’identifient quelque peu à son cas ils courent le risque de voir s’amplifier leurs pensées suicidaires, et risquent d’adopter le même comportement », déclare Gwendolyn Portzky, professeure en psychologie médicale, sur les ondes de la VRT.
Aussi appelle-t-elle les personnes en difficultés à chercher de l’aide dans leur entourage. Elle recommande également aux gens qui connaissent une personne en difficultés de l’inciter à s’exprimer et à chercher de l’aide.
Un cas très spécifique
Le Centre de prévention du Suicide francophone partage moins cette crainte. « Le cas de Jürgen Conings est un cas très spécifique qui n’est pas commun à tous. Il y a toujours un risque, mais c’est moins une situation où tout le monde peut s’identifier. Tout le monde n’a pas le même parcours et le même vécu que lui », explique Déborah Deseck, chargée de communication au Centre.
Même si à ce jour, les détails du dossier de Jürgen Conings, notamment sur ses motivations et son état de santé mentale, ne sont pas encore connus, il semble certain que la pandémie ne soit pas étrangère à sa dérive. Disparu le 17 mai, le militaire de carrière avait laissé derrière lui plusieurs lettres d’adieu. Dans l’une d’elles, il menaçait d’attentat les structures de l’État et plusieurs personnes. Par le passé, il avait proféré des menaces de mort à l’encontre du virologue Marc Van Ranst. Ce dernier a dû être placé dans un endroit sûr avec sa famille.
« Dans une situation comme la crise sanitaire, on cherche des coupables. Comme la situation nous échappe, on va forcément essayer de pointer du doigt quelqu’un ou quelque chose. En même temps, s’il y a une énorme souffrance, parfois il y a aussi une énorme colère. Cependant, pour qu’il y ait un risque de contamination, il faut qu’il y ait une souffrance du même ordre », explique Deseck.
La goutte d’eau
Le Centre de Prévention du Suicide constate que « la crise sanitaire augmente l’intensité de la détresse des personnes en crise suicidaire. Les personnes en crise suicidaire ont l’impression que l’environnement qui les entoure n’est plus rassurant, fiable et prévisible ». Les conséquences socio-économiques de la crise augmentent les facteurs de risque et fragilisent les individus et la collectivité.
Cependant, ce n’est pas la crise sanitaire à elle seule qui génère une crise suicidaire. Celle-ci est toujours multifactorielle, mais la pandémie peut être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. « Pour quelqu’un qui aurait déjà de grosses difficultés dans son couple ou sa famille, le confinement peut déclencher la crise. Mais les angoisses étaient déjà là avant. Elles ont simplement été amplifiées ou révélées pendant cette crise ».
Les personnes qui mettent fin à leurs jours arrivent en effet à la conclusion qu’il n’y a pas d’autres possibilités que celles du suicide pour faire cesser une souffrance devenue intolérable. Elles sont dans un grand état de fragilité les empêchant d’envisager d’autres options que celles qui, jusque-là, se sont avérées inopérantes, rappelle le Centre.
Marcher dans la boue
Aussi souligne-t-il l’importance capitale de l’accompagnement. « C’est le lien à l’autre qui permet aux personnes suicidaires de retrouver du sens. Accompagnée, la personne en crise suicidaire peut être écoutée dans toute sa détresse et reconnue dans sa souffrance ». Les personnes en difficultés sont invitées à contacter le Centre de Prévention (joignable 24h sur 24 au 0800 32 123), à s’adresser à un professionnel de la santé ou à une personne de confiance. Les appelants et patients remercient parfois les bénévoles et psychologues d’avoir « marché dans la boue avec eux ».
Le Centre de Prévention rappelle également que la prévention du suicide peut être exercée par tous. La collectivité joue un rôle extrêmement important dans la prévention. « Elle peut être attentive aux signes de détresse exprimés par les personnes qui sont en crise et prendre contact avec ceux qui sont isolés ou qui ne donnent plus de nouvelles. Elle peut aussi écouter la détresse sans la juger et relayer vers les ressources appropriées ».
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