Stéphane Pauwels: « je suis juste un mec normal »
Animateur populaire, proche des gens et tout-terrain, Stéphane Pauwels, arrêté cette semaine pour une éventuelle complicité dans un vol, plane au sommet des audiences. Fait son trou en France. Et veut « poser les questions que les gens se posent ». Portrait.
L’animateur Stéphane Pauwels a été arrêté ce 28 août 2018 à Mons pour une éventuelle complicité dans un vol commis à l’aide de violence dans une maison à Lasne en mars 2017, a indiqué la porte-parole du parquet fédéral, Wenke Roggen.
Ce portrait a été publié initialement dans le Vif/L’Express du 18 novembre 2016.
Il a un secret : les microsiestes. Une dizaine de minutes. N’importe où, à n’importe quelle heure. Après, il est reparti : il grimpe dans un Thalys pour Paris, il saute en parachute pour Les orages de la vie, il accompagne une patrouille de police à Liège ou Charleroi. Le lendemain, il est debout à l’aurore pour une chronique foot sur Bel RTL. Stéphane Pauwels est partout, tout le temps. Les Belges le savaient déjà : dix ans maintenant qu’ils le côtoient en télé et en radio. Les Français, par contre, le découvrent : depuis l’Euro 2016, Pauwels est de toutes les émissions de football (sur W9, L’Equipe 21, TF1, RTL, RMC). Au point qu’on lui demande des autographes quand il débarque gare du Nord, à Paris.
Malgré cette vie très exposée, Stéphane Pauwels, 48 ans, se présente comme » un mec normal « , avec un » côté rural » auquel il tient. Il aime » aller au café du coin, saluer tout le monde, raconter une bonne blague et boire une pinte « . Si c’est à Mouscron ou dans les environs, tant mieux. C’est là qu’il a ses racines. Il se souvient d’une enfance » pas très drôle « , avec un père instituteur qui lui collait des gifles en classe lorsqu’il ne montrait pas le bon exemple aux autres, dans la petite école du village. Un père qui voulait que ses enfants acquièrent la notion du travail. Ado, Steph enchaîne donc les petits boulots (les moissons, la plonge dans un restaurant…) pour contribuer aux revenus. La famille Pauwels ne part jamais en vacances. C’est un peu » à la dure « .
A 18 ans, service militaire. Chez les paras – il ne voulait pas être coincé dans un bureau. Trois ans plus tard, il en sort, brevet d’instructeur sportif en poche. Les bons moments peuvent commencer. Les voyages, les sorties, les copains. Professionnellement, il avance à tâtons. DJ, animateur dans un club de vacances, commercial, attaché de presse. En 1996, il décroche un poste de communication et marketing au Royal Excelsior de Mouscron. Un nouveau chapitre s’ouvre. Il transite par différents clubs de football jusqu’en 2011, comme team manager, assistant technique puis recruteur. En 2006, il déboule dans les médias. Rodrigo Beenkens, journaliste sportif à la RTBF, le voit bien consultant. Stéphane Pauwels a la » tchatche « , il saura y faire.
Il « devait l’ouvrir »
C’est peu dire. Ce n’est pas un chroniqueur, c’est un ouragan qui souffle, chaque lundi soir, dans l’émission Studio 1 – La Tribune. Un sniper, qui tire sur tout et rien. » Il faut se remettre dix ans en arrière, explique un proche. On n’avait pas l’habitude d’un gars qui envoie deux, trois punchlines par émission. » Pauwels s’en prend aux clubs, à la Fédération, aux entraîneurs, aux agents de joueurs, aux médias, aux autres chroniqueurs… Il critique les transferts, dénonce le côté business du foot belge, charge le milieu… dans lequel il baigne lui-même, comme recruteur pour l’AS Monaco puis Valenciennes. Mais, dit-il aujourd’hui, il » devait l’ouvrir « . Le » journalisme consensuel » et le politiquement correct ne sont pas sa tasse de thé. Et donc, il s’en donne à coeur joie : coups de gueule, fautes de langage, vocabulaire trivial, un côté » populaire assumé « . Autant de traits qui font mouche : les audiences de l’émission grimpent. Et la presse s’empare assez vite du phénomène.
Le service public l’aurait bien gardé ad vitam. Mais, le 2 mai 2011, sur le plateau de Studio 1, le débat tourne au règlement de comptes entre Benoît Thans, consultant et ancien joueur pro, et Stéphane Pauwels. Leurs prises de becs sont fréquentes, elles font même partie de l’ADN de l’émission. Mais Pauwels lance qu’il » en a marre « . Il quitte le studio dans un tourbillon turquoise (la couleur de son polo, col relevé) et blanc (ses feuilles de notes qui valsent dans le champ des caméras). Michel Lecomte, présentateur et responsable des sports à la RTBF, en reste bouche bée.
Sanguin, Steph ? Il peut avoir des » réactions surprenantes, dans le bon comme dans le mauvais sens. Avec lui, il faut toujours être sur le qui-vive « , analyse Marc Delire, commentateur sur Proximus TV. D’autres parlent carrément de caractère » ingérable « . Un journaliste indique qu’à force, Pauwels était devenu » un fardeau » pour l’équipe de Studio 1. Pas de quoi effrayer RTL-TVI. Peu après le clash, le groupe privé propose à Stéphane Pauwels d’héberger le programme qu’il a lui-même imaginé, et dont la RTBF ne semble pas vouloir : Les Orages de la vie. Une émission de rencontre avec des personnes victimes des aléas de l’existence. RTL s’intéresse à une autre facette de la personnalité de Stéphane Pauwels. Son côté humain, proche des gens, populaire. Le franc-tireur passe à la concurrence. Avec un pincement au coeur, insiste Michel Dufranne, chroniqueur littéraire de la RTBF et scénariste de la bande dessinée Dans l’ombre des étoiles, cosignée avec Steph. » Il était très attaché à l’idée de travailler pour le service public. »
Cinq ans plus tard, Steph fait partie des fleurons de la chaîne. Les projets créés avec et autour de lui se multiplient. Succès à la clé : Les Orages de la vie et Police de la route frôlent ou dépassent les 30 % de parts de marché en Belgique francophone. La direction de RTL-TVI est ravie. Pour Stéphane Rosenblatt, le directeur général, c’est un » intervieweur hors pair « . Eusebio Larrea, le directeur des productions, parle de » moments de télévision uniques, grâce à son style impertinent « . Le groupe lui donne d’ailleurs l’occasion d’en faire plus : il occupe, depuis la rentrée, la plage du dimanche midi sur Bel RTL, pour deux heures et quart (!) d’ » entretien intimiste » avec une personnalité.
Spontané et humain, caméra éteinte ou allumée, résume sa collègue Anne Ruwet, de RTL Sport. » Au maquillage, en plateau ou en réunion, c’est la même personne. » Elle souligne sa grande empathie, l’énergie qu’il investit dans son travail et sa faculté à dénicher les bonnes personnes pour monter une équipe. A la rédaction, il salue tout le monde, fait la bise. Il raconte facilement sa vie et parle beaucoup de sa fille ( » sa fierté « ), mais ne s’épanche pas sur son passé dont, au final, personne ne sait grand-chose – si ce n’est le suicide de son frère homosexuel qu’il a mentionné cet été pour répondre aux accusations d’homophobie apparues après son commentaire sur les Diables Rouges, cet été, lors de l’Euro ( » on est une équipe de jeannettes « ). Pour autant, ses coups de gueule, ses insultes même, parfois, lors de réunions de rédaction passent difficilement. » Mais il a les audiences pour lui « , concède un collègue. » Il est insupportable, égoïste et se sert sans doute de RTL comme tremplin pour la France. Mais moi, je l’adore. » Dans l’ensemble, on dit qu’il est » humainement attachant « , » un bon gars « . Quelqu’un résume : » Pour comprendre Stéphane Pauwels, il faut l’accompagner dans un bar. A 22 heures, les gens le vomissent, mais à une heure du matin, tout le monde lui offre un verre. »
L’enthousiasme en bandoulière
Il raconte qu’il a » un principe dans la vie » : l’enthousiasme. » Henry Ford disait qu’avec de l’enthousiasme, il n’y a que des réussites. Et sans, que des échecs et des alibis. Je le répète tout le temps à ma fille. Sans enthousiasme, on ne fait rien. En amour, en travail, en tout. Si tu te lèves le matin et que t’as la gueule dans le sac, t’es mort. T’avances pas. J’ai rencontré des éboueurs l’autre jour pour une émission. Ils se lèvent le matin et ils sont contents de faire leur job. Ils y vont. Ils ramassent les immondices avec le sourire. Respect. T’as des mecs, ils ont des places en or, ils gagnent 2 500 euros, mais ils vont au bureau en faisant la gueule. Les éboueurs gagnent 1 700 euros et ils sont tous les jours dans le froid, sous la pluie, à ramasser les crasses des autres. Mais eux, ils ont de l’enthousiasme. Les mecs qui râlent au bureau, ils n’en ont pas. « Une leçon de vie signée Pauwels.
Et ses polémiques ? Deux confrères haussent les épaules : » Les gens sont fatigués par Stéphane Pauwels. Ou alors on le prend pour ce qu’il est et on ne réagit plus. » Surtout, il a changé de costume. Sur Club RTL, il est présentateur. Un rôle plus lisse que celui de chroniqueur. Il faut donc passer sur les chaînes françaises pour l’entendre mitrailler. Bref, résume un journaliste sportif, » quand il tapait sur Anderlecht, ça avait des conséquences. Quand il critique Barcelone, tout le monde s’en fout. » La direction de RTL, elle, » assume « . » Stéphane connaît les lignes rouges et les a toujours respectées, précise Stéphane Rosenblatt. Par ailleurs, le foot est un milieu de polémiques et, à certaines occasions, de mauvaise foi. Elles font vivre le sport en dehors du terrain. «
Mais plus qu’en foot, c’est dans ses émissions de société qu’il veutdésormais » poser les vraies questions « , celles que » le peuple belge se pose « . Ce qui donne lieu, en septembre dernier, sur Bel RTL, à celle faite à son ami Jean-Denis Lejeune : a-t-il parfois envie » de buter » Marc Dutroux ? Les gens pensent que » si tu le fais, on ne te punira pas, tu auras des sanctions minimes… » Faut-il aller jusque-là ? Oui, réplique sans hésiter Stéphane Pauwels. Son principe, c’est de poser des questions comme le feraient » la ménagère, mon père ou mon avocat. Moi, je me mouille. Je ne suis pas journaliste. Je n’ai pas votre code de déontologie, je ne suis pas dans la retenue. Mais je ne fais pas de voyeurisme. On est là pour que les gens, le soir devant leur télé, apprennent et voient des choses. On leur raconte des histoires et ils prennent ou rejettent ce qu’ils veulent. On n’est pas là pour intellectualiser. »
Pauwels se positionne contre » les élites » et défend » le peuple « . Il en devient presque… politique. Y songe-t-il ? Réponse catégorique : c’est non. On le lui a proposé à plusieurs reprises, mais il a refusé. Les politiques (Charles Michel, Elio Di Rupo, Jean-Michel Javaux…) le saluent quand ils passent par la rédaction. Point. » Qui suis-je pour parler de politique avec eux ? Ce n’est pas mon job. Je suis juste un mec qui parle de foot. » Un mec normal.
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