Spécial Bruxelles: la culture cherche à se rassurer malgré les restrictions sanitaires
A Bruxelles comme ailleurs, la culture peine à retrouver son rythme de croisière et son public, notamment à cause de mesures sanitaires changeantes.
Dossier spécial Bruxelles
Durement frappée par la pandémie, l’économie bruxelloise panse ses blessures alors qu’elle reste à la traîne sur le plan de la vaccination. L’instauration, depuis le 15 octobre, du Covid safe ticket n’arrange pas les affaires des secteurs obligés de le contrôler, surtout l’Horeca. Mais là comme ailleurs, la reprise semble s’amorcer et on espère que le plus dur est passé. Tour d’horizon, du tourisme et de la restauration à la culture, en passant par le commerce et les entreprises. Sans oublier les Bruxellois, qui peinent à retrouver le sourire derrière le masque qu’ils n’ont jamais quitté.
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La joie liée à la réouverture des lieux culturels, à l’été 2020, n’a été que de courte durée. A peine les spectacles, expositions et autres étaient-ils remis sur les rails qu’il a fallu à nouveau baisser le rideau et fermer les portes fin octobre, en raison de la deuxième vague de Covid-19. Les professionnels de la culture ne s’en doutaient pas encore à l’époque, mais ils ont dû attendre six longs mois avant de retrouver les projecteurs et le public. Placé dans la case « non essentielle », le monde culturel a été parmi les derniers à rouvrir en 2021.
Le gouvernement bruxellois a prévu de lancer, début 2022, un « Fonds de garantie » pour le culturel et l’événementiel.
Ces longs mois d’arrêt forcé n’ont pas été sans conséquences économiques. Selon la Sabam, le nombre d’événements culturels en Belgique a chuté de 77% entre 2019 et 2020, ce qui a entraîné une perte d’au moins 319 millions de revenus pour le secteur à l’échelle nationale. Les plus touchés ont été les festivals musicaux (-99% des recettes de billetterie), les organisateurs de soirées (-83%) puis les théâtres professionnels (-81%) et les concerts (-80%). Mais la Covid-19 a fait des ravages dans tous les domaines culturels. A Bruxelles, par exemple, les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) étaient la première attraction touristique de la capitale en 2019 avec plus de 1,1 million de visiteurs ; en 2020, ils en ont accueilli à peine 300 000 et les pertes financières avoisinaient les cinq millions d’euros. Il n’y a pas eu de licenciements massifs mais les CDD n’ont pas été renouvelés et les départs à la retraite n’ont pas été remplacés, si bien que les MRBAB ont perdu quinze travailleurs en un an.
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Mobilisations multiples
En plus de mettre en difficulté les institutions culturelles, la pandémie a touché de plein fouet les travailleurs du secteur, à commencer par les intermittents qui ne bénéficiaient pas du droit au chômage temporaire au début de la crise. « Lors des trois premiers mois, il a été difficile d’obtenir des mesures de protection sociale en lien avec la réalité du travail dans le domaine de la culture, confirme Virginie Devaster, porte-parole de l’Upac-T(Union de professionnels des arts et de la création – pôle travailleur) et directrice générale de la CTEJ (Chambre des théâtres pour l’enfance et la jeunesse). Cela a fini par se mettre en place, notamment au sein de la Région bruxelloise dont le gouvernement nous a reçus et entendus. »
Le gouvernement Vervoort a ainsi lancé, en juillet 2020, une prime unique allant de 500 à 1 500 euros. Celle-ci a été reconduite en octobre 2020, puis en septembre 2021 avec des montants pouvant atteindre jusqu’à 3 000 euros. Selon le ministre bruxellois de l’Emploi, Bernard Clerfayt, 2 554 travailleurs du secteur culturel ont bénéficié d’une aide de ce type en 2020. Des primes régionales ont aussi été mises en place pour aider les structures culturelles bruxelloises et, dernièrement, les entreprises du secteur ont pu accéder à une « prime relance » liée au nombre d’équivalents temps plein (ETP) et à la perte du chiffre d’affaires. Les montants octroyés varient entre 3 000 et 27 000 euros (montant équivalent à 80% de perte et minimum vingt ETP).
La culture a aussi pu compter sur des soutiens de la Fédération Wallonie-Bruxelles et des autorités fédérales mais, comme le précise Virginie Devaster, « les critères d’accès pour toutes ces aides (NDLR: y compris les bruxelloises) n’étaient pas toujours très adaptés aux réalités et aux spécificités du secteur culturel et certains travailleurs et opérateurs n’ont pas pu en bénéficier ». C’est notamment pourquoi on a vu se développer durant la crise diverses actions de solidarité comme le Fonds d’urgence Sparadrap, une initiative de l’Union des artistes, pour payer les factures des travailleurs en difficulté, ou encore la plateforme citoyenne Feed the Culture qui propose des distributions alimentaires aux personnes des secteurs culturel, créatif et événementiel.
Tributaires des changements de règles
Avec la reprise des activités culturelles, les soutiens diminuent petit à petit mais le secteur n’a pas pour autant retrouvé son rythme d’avant la crise. « La perte de public est toujours estimée à 30%, précise Virginie Devaster. Elle est évidemment multifactorielle mais les jauges, les mesures sanitaires très changeantes et le Covid safe ticket ne favorisent pas la fréquentation. Certains spectateurs sont opposés au CST, d’autres trouvent qu’il alimente la peur des lieux culturels, etc. »
De nombreux acteurs du secteur auraient préféré remplacer le pass sanitaire par les masques et des jauges à 100%, mais aujourd’hui la culture bruxelloise se dit surtout freinée par les décisions politiques: « Nous sommes tributaires du public mais aussi des règles sanitaires, et les changements fréquents de celles-ci affectent négativement la fréquentation, ou poussent à de nombreux reports et annulations. Or, nous avons continué à créer durant les confinements. On assiste dès lors à un engorgement, avec de nombreuses créations en attente de diffusion et des artistes qui attendent de pouvoir se produire sur scène. »
Afin que les organisateurs ne soient pas bloqués ou refroidis par les risques d’annulation de leurs événements, le gouvernement bruxellois a prévu de lancer, début 2022, un « Fonds de garantie ». Il permettra de couvrir les pertes financières des événements devant être annulés, reportés ou limités à des jauges plus strictes pour raison sanitaire. De quoi apporter un petit coup de pouce aux secteurs culturel et événementiel. Pour la porte-parole de l’Upac-T, les priorités se trouvent toutefois ailleurs: « Aujourd’hui, nous avons surtout besoin d’informations définitives par rapport aux mesures sanitaires. Il faudrait aussi une communication plus positive des pouvoirs publics envers la culture, car pour l’instant les signaux qu’ils envoient ne rassurent pas le public et ne favorisent pas la relance. »
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