Spécial Bruxelles: les commerces, entre cicatrices et opportunités
La crise sanitaire n’a pas eu le même impact auprès des commerçants bruxellois. Elle a, par exemple, profité aux magasins de proximité et aux quartiers de la deuxième couronne, alors que le centre se relève difficilement. Il devra se réinventer.
Dossier spécial Bruxelles
Durement frappée par la pandémie, l’économie bruxelloise panse ses blessures alors qu’elle reste à la traîne sur le plan de la vaccination. L’instauration, depuis le 15 octobre, du Covid safe ticket n’arrange pas les affaires des secteurs obligés de le contrôler, surtout l’Horeca. Mais là comme ailleurs, la reprise semble s’amorcer et on espère que le plus dur est passé. Tour d’horizon, du tourisme et de la restauration à la culture, en passant par le commerce et les entreprises. Sans oublier les Bruxellois, qui peinent à retrouver le sourire derrière le masque qu’ils n’ont jamais quitté.
Lire notre dossier complet:
Fermeture, ouverture sur rendez-vous ou limitée à certaines enseignes dites « essentielles », shopping en solitaire... Les commerces en ont vu de toutes les couleurs depuis le début de la pandémie. Pourtant, lorsqu’on observe les chiffres globaux, le bilan économique du secteur est plutôt positif en Région de Bruxelles-capitale. C’est ce que révèlent les données collectées par hub.brussels, l’Agence bruxelloise pour l’accompagnement des entreprises. « Au cours du deuxième trimestre 2021, le nombre de commerces a augmenté de 2%, se réjouit Isabelle Grippa, la directrice générale. La vacance commerciale tourne autour des 14%, comme avant la crise, et le flux piéton est revenu à la normale. La rue Neuve, qui est la référence, a retrouvé ses 40 000 visiteurs quotidiens depuis septembre-octobre. »
Les commerces dans les zones hors du centre ont bien mieux résisté que le Pentagone.
Vu sous cet angle, on peut imaginer que la crise sanitaire et ses conséquences ne sont qu’un lointain et mauvais souvenir pour les commerçants bruxellois. Mais en grattant un peu, « d’énormes disparités et des drames humains apparaissent en fonction des zones géographiques, des secteurs et des types de commerces », souligne Isabelle Grippa. La Covid-19 a engendré son lot de gagnants et de perdants. Les grands établissements de plus de vingt employés affichent beaucoup moins de risques de faillite aujourd’hui que les magasins de plus petite taille, et pourraient récupérer des parts de marché. Dans les secteurs de vente, les agences de voyages, les petits magasins de chocolat, de jeux ou de cadeaux dans le centre-ville ont été touchés de plein fouet par la crise alors que les services de proximité en ont bénéficié. Les confinements et le télétravail ont favorisé les épiceries, les magasins bio et de cycles, les petits fast-foods, ce qui a contribué à la revitalisation des quartiers de la deuxième couronne (les quartiers situés le plus à l’extérieur de la ville). « Les commerces dans les zones hors du centre ont bien mieux résisté que le Pentagone, confirme Isabelle Grippa. Contrairement à ce dernier, ils ne dépendaient pas des touristes ni des travailleurs-navetteurs qui étaient absents pendant de nombreux mois. » Ainsi, entre mars 2020 et janvier 2021, le centre historique de Bruxelles a perdu deux tiers de ses chalands, alors que la rue Neuve et la place du Sablon ont connu des baisses de fréquentation de plus de 50%. A l’inverse, des zones plus mixtes comme la rue de Brabant, à Schaerbeek, et la place Dumon, à Woluwe-Saint-Pierre, ont préservé environ 80% de leur fréquentation habituelle durant ces mois de crise.
Des aides pas seulement financières
En résumé, le commerce dans la capitale affiche aujourd’hui des cicatrices qui mettront du temps à se résorber pour certaines enseignes et seront fatales pour d’autres. Les faillites sont actuellement en baisse à Bruxelles, car malgré la fin du moratoire en janvier 2021, les aides et facilités de paiement continuent à maintenir à flot de nombreuses entreprises. Le séisme pourrait donc avoir lieu un peu plus tard, lorsque ces dispositifs disparaîtront. C’est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement bruxellois a mis en place des aides financières, dont différents prêts: sur le loyer commercial, entre particuliers et PME (prêt Proxi), pour les entreprises à partir de dix équivalents temps plein, pour financer la relance, etc.
La Région a aussi fait le pari de miser sur l’accompagnement avec la constitution, dès le premier confinement, d’une équipe d’experts en comptabilité, financement, droit, démarches administratives, etc., … dont la mission est d’épauler les entreprises. Hub.brussels a aussi lancé, en décembre 2020, un service de « speed coaching » à destination des commerces et établissements Horeca. En trois courtes sessions gratuites, ceux-ci peuvent recevoir des conseils personnalisés et clé en main pour, entre autres, mieux gérer leurs finances, développer du commerce en ligne, mettre en place une meilleure communication… « Au début de la crise, nous avons reçu peu de demandes par rapport aux besoins, car il y avait un manque de sensibilisation, confie la directrice générale de hub.brussels. Pourtant, un baromètre réalisé par UCM et Unizo voici quelques mois a souligné que dans 75% des cas, les aides financières n’étaient pas vraiment utiles si les entreprises ne se faisaient pas accompagner. Avant la crise, 75% des commerces n’étaient pas équipés pour la vente en ligne, nous les avons donc épaulés pour travailler leur présence sur les réseaux sociaux, développer leur site Web, recréer l’expérience client en ligne, etc. »
« Rendre à Bruxelles son centre »
La vente en ligne fait partie des tendances qui ont été accélérées par la Covid-19 et qui devraient s’installer durablement. Il faut donc faire en sorte qu’elle bénéficie aux commerces de proximité et non aux géants d’Internet. Ce n’est toutefois pas le seul défi que devra relever le commerce bruxellois dans les mois à venir. « L’un des grands enjeux est de rendre à Bruxelles son centre, car c’est fondamental en matière de positionnement international, insiste Isabelle Grippa. On doit pouvoir mettre en place des dynamiques qui vont bien au-delà de l’accompagnement de l’entreprise que je représente. Il est notamment question de réaménagement du territoire, de mixité d’usage des bâtiments et des quartiers pour contribuer à les faire revivre. »
Les enjeux autour du centre-ville peuvent aussi être considérés comme des opportunités pour la capitale, au même titre que d’autres défis et tendances liés à la Covid-19. Le retour vers les petits commerces de proximité a, par exemple, favorisé la création de nouvelles enseignes de ce genre et, selon Isabelle Grippa, « ces initiatives doivent être soutenues car elles contribuent à la cohésion sociale des quartiers ».
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici