Pourquoi Sciensano revoit à la baisse le bilan du coronavirus
La Belgique s’apprêtait à franchir le seuil des 10.000 décès depuis le début de l’épidémie de coronavirus. Mais Sciensano, fort de nouvelles données en Flandre, annonce une révision du bilan de décès. Explications.
Le nombre de décès dus au coronavirus enregistrés depuis le début de la crise était ce mardi sur le point d’atteindre le cap des 10.000. Mais ce cap, qui aurait sans doute été atteint ce mercredi – nous sommes actuellement à 9996 décès-, pourrait finalement ne pas l’être cette semaine. L’Institut de Santé publique Sciensano adapte dès mercredi les chiffres des décès liés au Covid-19, après la réception de nouvelles données concernant les causes des décès dans les maisons de repos flamandes. Cette révision avait été annoncée lundi lors de la conférence de presse du Centre de crise et, en cours d’analyse, devait initialement être communiquée « fin de semaine ».
121 décès en moins: d’où viennent-ils?
La révision à la baisse du bilan des décès concerne principalement les maisons de repos et de soins en Flandre. Ils sont enregistrés par les autorités régionales sanitaires. Depuis le début de l’épidémie, jusqu’au 2 juin, l’agence flamande a récolté des informations groupées, avec relativement peu de détails sur les causes de décès. Il manquait par exemple, le sexe, l’âge et la date exacte de décès. Aujourd’hui, des données plus détaillées sur 830 centres, dont 8 à Bruxelles, ont été demandées. Cela concerne les décès entre le 18 mars et le 2 juin.
Aujourd’hui, on dispose d’informations plus détaillées sur le profil de 2.663 résidents. Ces données ont été analysées et comparées par Sciensano. Certains décès ont pu être reclassifiés : 352 nouveaux décès attribués au Covid et 473 décès supprimés. Ils comprenaient notamment des doublons, des erreurs et des autres causes. On a donc une diminution nette de 121 décès (120 en Flandre, 1 à Bruxelles). Le nouveau total pour la Belgique s’élève donc aujourd’hui à 9878 décès.
10.000 aujourd’hui : pas le reflet de la courbe actuelle
Sans cette révision, la Belgique aurait atteint le cap des 10.000 morts cette semaine. Même si ce chiffre est impressionnant, et que rien ne doit minimiser chacune des vies perdues, il est surtout symbolique et doit être mis en perspective.
Aujourd’hui, le profil des personnes infectées, confirmées par un test de laboratoire, n’est plus le même qu’au plus fort de l’épidémie. Ce sont des personnes plus jeunes, avec moins de risques de complication. Les hospitalisations ainsi que les décès sont donc moindres, comparées au nombre de cas positifs. Si le cap des 10.000 est proche aujourd’hui, c’est surtout le reflet de la dynamique de mars-avril.
On compte qui ?
Mais au fond, que représentent les décès belges liés au coronavirus? Chaque pays a sa méthode de comptage. Et certains révisent régulièrement leur façon de procéder, ainsi que leur bilan. Chez nous, c’est l’Institut de Santé publique Sciensano qui recueille toute une série de données sur l’épidémie de coronavirus en Belgique, dont celle des décès. Le total de décès en Belgique provient des données issues des hôpitaux et des maisons de repos et de soins. Pour chacune, on comptabilise les « cas confirmés » et les « cas possibles ».
- Dans les hôpitaux. Les « décès de cas confirmés » sont des décès qui sont bel et bien dus au Covid-19. Ils sont confirmés comme tels par un test ou un scanner thoracique. Les « décès de cas possibles » sont les patients qui n’ont pas été soumis à un test diagnostique pour cette maladie, mais qui répondent aux critères cliniques du Covid-19 tels que jugés par le médecin.
- En dehors des hôpitaux, c’est-à-dire au domicile, dans les collectivités résidentielles et, en majeure partie, dans les maisons de repos et de soins. Ici aussi, les cas confirmés et suspectés sont comptabilisés. Lors du pic de l’épidémie, une grande partie des décès en maison de repos faisait partie de cette catégorie.
Mais la méthode a changé plusieurs fois. D’abord le 30 mars 2020. Avant cette date, hors hôpital, seuls les décès confirmés étaient signalés. « Avant le début de la stratégie de dépistage spécifique ciblant les maisons de repos, la grande majorité des personnes décédées en dehors de l’hôpital étaient signalées comme des cas possibles. Cet élargissement de cas possibles a également été faite rétroactivement pour tous les décès déclarés avant cette date », précise Sciensano. Depuis le 5 mai, les décès de cas possibles au sein du milieu hospitalier sont également pris en compte.
La comparaison bancale du « mort par habitant »
On entend souvent dire que la Belgique est le pays qui compte « le plus de décès par habitants ». Si, pour les chiffres déclarés, ce ratio existe, la différente de méthode de comptage entre pays met à mal cette comparaison. Ainsi, certains pays ne comptabilisent que les cas confirmés. Certains ne comptent que ceux issus du milieu hospitalier.
Si Sciensano a opté pour cette méthode de comptage « plus large », et dont peut-être légèrement surestimée, c’est pour rendre les statistiques « aussi complètes que possible », notamment pour les milieux hors-hospitaliers, comme les maisons de repos.
La Belgique compte donc plus largement. Mais si l’on regarde la surmortalité, c’est-à-dire l’écart entre le nombre de morts attendus à cette période, celle-ci se révèle plutôt correcte par rapport au nombre de décès attribués au coronavirus. De plus, la taille du pays, ainsi que sa densité, jouent sans doute en notre défaveur. Mais si dire que la Belgique a le « bilan le plus lourd » relève de l’exagération, notre pays reste quand même dans les mauvais élèves pour diverses raisons: manque d’anticipation et de réactivité, cafouillages à (presque) tous les niveaux, manque de matériel, maisons de repos laissées pour compte… La Belgique aurait-elle pu faire mieux ? Sans doute. Mais le confinement et les mesures prises par les autorités ont sans doute aussi épargné la vie de nombreux Belges.
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