Les (nombreuses) bévues et contrevérités de Jan Jambon
La communication bâclée de Jan Jambon autour de l’affaire Joseph Chovanec n’est pas la première affaire du genre. Nos confrères de Knack ont établi un aperçu des bévues et des mensonges flagrants de Jan Jambon. Il est loin d’en être à son coup d’essai.
1. Mai 2014: Vendre sa maison et dépenser ses économies avant d’avoir droit à un revenu d’intégration ? « La logique même »
Deux semaines avant les élections de 2014, le quotidien Het Nieuwsblad, pose la question suivante à Jambon, alors chef de fraction à la Chambre : « Est-ce une caricature de dire qu’il faut vendre sa maison et dépenser ses économies avant d’avoir droit à un revenu d’intégration ? » « Si vous avez autant de moyens, il faut les utiliser avant de faire appel à l’état. Une indemnité sert à empêcher les gens de tomber dans la pauvreté », répond Jambon.
Sa sortie provoque une vague de protestations et apparaît contraire au programme du parti qui avait été convenu lors du congrès du parti à peine quelques mois auparavant. En toute hâte, le président du parti, Bart De Wever, convoque une conférence de presse où il accuse le quotidien Nieuwsblad de framing. « Si j’ai donné une fausse impression, c’était une erreur et je retire ce que j’ai dit », déclare Jambon. Les membres de la N-VA se plaignent de devoir constamment revenir sur les propos de Jambon dans la dernière ligne droite de la campagne.
2. Juin 2014: « L’aide au développement inflige un sentiment de culpabilité »
Moins d’un mois plus tard, Jambon a de nouveau des ennuis. « L’aide au développement inflige un sentiment de culpabilité », dit-il dans un discours prononcé à l’occasion des dix ans de liens entre Brasschaat et la ville colombienne de Tarija. La déclaration de Jambon intervient en plein milieu de la mission d’information précaire de De Wever à l’époque. Aujourd’hui, Jan Jambon est responsable de la coopération au développement au sein du gouvernement flamand.
3. Octobre 2014: « Les collaborateurs avaient leurs raisons »
Trois jours après avoir prêté serment en tant que vice-premier ministre et ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, Jambon déclare à La Libre Belgique que les collaborateurs avaient leurs raisons d’avoir agi comme ils l’ont fait. Bien qu’il déclare dans la même interview que la collaboration était une erreur, sa déclaration fait polémique.
4. Décembre 2014: « J’ai assisté à un discours d’un certain monsieur, Monsieur Le Pen »
Fin 2014, Jan Jambon se retrouve au centre d’une nouvelle polémique autour d’une série de photos où l’on le voit lors d’une conférence en 1996 au Club de débat national flamand de Jean-Marie Le Pen, fondateur du parti d’extrême droite Front National et condamné pour négationnisme en 2018.
« Je connais cette histoire et j’ai dû l’expliquer de nombreuses fois. J’ai écouté le discours d’un certain monsieur, Monsieur Le Pen. Cela ne veut pas dire que je soutiens ses déclarations », rétorque Jambon à RTL-TVI. Le lendemain, il déclare à La Libre Belgique que Kris Merckx, co-fondateur de l’AMADA, le précurseur du PVDA, était également invité dans ce club de débat. Jambon a donc dit deux choses qui sont fausses. Premièrement, comme l’a révélé le Front antifasciste, Kris Merckx n’a jamais été invité par le Club de débat national flamand. Deux : Jambon était plus qu’un spectateur à l’époque, il était également membre du conseil d’administration du Club de débat national flamand.
5. Mars 2016: « Je ne peux que conclure qu’une personne a été pour le moins négligente, pas très pro-active, ni très engagée »
C’est ce que déclare Jan Jambon à propos de l’officier de liaison en Turquie trois jours après les attentats du 22 mars 2016 à l’aéroport de Zaventem et dans les stations de métro de Bruxelles. Jambon accuse Sébastien Joris d’avoir été passif avec l’information qu’un des terroristes impliqués dans les attentats, Ibrahim El Bakraoui, avait été arrêté à la frontière syrienne.
Sur place, Jambon a annoncé une procédure disciplinaire. Il doit revenir sur sa décision plus tard, car l’homme en question avait simplement suivi la procédure.
6. Avril 2016: « Une partie significative de la communauté musulmane a dansé à l’occasion des attentats »
Jambon fait cette déclaration lors d’une interview accordée au Standaard. Cela lui vaut non seulement de sévères critiques de la part de l’opposition et des partenaires de la coalition, mais aussi l’attention de la communauté internationale. « Le ministre belge est-il en train de copier Donald Trump ? », s’interroge le Wall Street Journal, en se référant à la déclaration de Trump selon laquelle « des milliers de personnes » à Jersey City « applaudissaient » après les attentats de 2001.
Jambon ne s’est jamais rétracté et n’a jamais vraiment pu étayer ses déclarations. Il a simplement, soutenu par le Premier ministre de l’époque, Charles Michel (MR), fait référence à une réunion entre le sommet du gouvernement et les services de sécurité où ont été mentionnées « plusieurs expressions de soutien aux auteurs ». « C’est Jambon lui-même qui a commencé à parler de musulmans en train de faire la fête. Les agents de sécurité présents ont confirmé qu’il y avait eu quelques incidents, mais ont immédiatement souligné qu’il s’agissait d' »incidents marginaux », confie un à cette réunion au quotidien De Morgen.
7. Septembre 2016 : « L’illégalité est une infraction continue, c’est donc par définition un cas de prise en flagrant délit ».
Dans l’hémicycle, Jan Jambon déclare qu’il ne voit aucun problème à ce que la police fasse des descentes aux sans-papiers sans mandat de perquisition. Il déclare : « L’illégalité est une infraction continue, c’est donc par définition un cas de prise en flagrant délit ». Jambon est rappelé à l’ordre par le député et avocat Hendrik Vuye : » le flagrant délit doit précéder l’entrée dans l’immeuble et pas l’inverse« .
Que Vuye n’ait pas nécessairement parlé comme un ex-NVA en colère ressort du communiqué de presse que le ministre de la Justice Koen Geens (CD&) a rapidement fait circuler : « La procédure de flagrant délit ne s’applique pas automatiquement à tout crime continu, comme le séjour illégal sur notre territoire. Le flagrant délit doit précéder l’entrée dans l’immeuble et ne pas être constaté après l’entrée« . À défaut, « cela viderait de leur substance les règles en matière de perquisition sur ordre d’un juge d’instruction et par conséquent la protection du domicile« .
Jambon a répondu qu’il allait consulter M. Geens « afin de clarifier ce point et de parvenir à une interprétation correcte et bien conduite ».
8. Fébrier 2018: « Je soutiens le passage de l’accord de coalition qui dit que les erreurs de procédure ne doivent pas conduire à un acquittement »
Dans le quotidien De Morgen, sous le titre « Alors, je ne suis pas un homme d’État », Jan Jambon revient sur l’agitation qu’il avait déclenchée avec des déclarations sur Sven Mary, l’avocat de Salah Abdeslam, soupçonné d’être impliqué dans les attentats de Bruxelles. Il qualifie d' »incompréhensible » l’acquittement de Mary pour des erreurs de procédure. Ses autres commentaires lui valent de vives critiques de la part des avocats. Mary dira plus tard que Jambon a mis en danger sa vie et celle de sa famille avec ces déclarations.
Lorsque Jambon revient sur cette question, il fait une déclaration erronée : « Je soutiens le passage de l’accord de coalition qui dit que les erreurs de procédure ne doivent pas conduire à un acquittement ». Lorsque Knack confronte le porte-parole de Jambon au fait que cela ne figure pas du tout dans l’accord de coalition et que les partenaires de la coalition indiquent qu’ils sont perturbés par la déclaration de Jambon, il répond est que sa déclaration est conforme à l’esprit de l’accord de coalition.
9. Mai 2018: Une bévue flamingante: la législation sur l’usage des langues
« C’est la bévue politique de la législature : trois partis flamands du gouvernement Michel Ier rendent l’emploi des langues en matière judiciaire ( ??? manque un mot ??, écrivent Hendrik Vuye et Veerle Wouters dans une opinion parue sur Knack.be. En supprimant la sanction de l’emploi des langues en matière judiciaire, qui faisait de la langue régionale la langue de la justice dans les procès, le gouvernement Michel a érodé « l’une des plus grandes réalisations du mouvement flamand ». Ils qualifient d’étonnant que cela se soit passé sous l’oeil attentif, entre autres, de l’ancien président du Mouvement du peuple flamand (VVB) ».
« Ce n’est pas la première fois qu’un ministre laisse passer quelque chose de diamétralement opposé à l’ADN de son parti. En 2002, la ministre d’Agalev, Magda Aelvoet, a accepté de livrer des armes au Népal. Aelvoet a démissionné et a eu beaucoup de mal émotionnellement avec sa bévue. Aujourd’hui, les moeurs politiques sont différentes ».
Entre-temps, la loi a été annulée par la Cour constitutionnelle, mais le vice-premier ministre Jan Jambon n’est pas intervenu.
10. Décembre 2018 : « Le pacte sur les migrations en soi est problématique »
C’est ce que déclare l’ancien vice-premier ministre de la N-VA, Jan Jambon, avant l’ouverture du bureau du parti le 3 décembre 2018. Peu après, la N-VA quittera le gouvernement Michel parce qu’un accord sur le pacte de l’ONU sur les migrations s’avère impossible. C’est remarquable, car le cabinet de Jambon et celui du secrétaire d’État à l’asile et aux migrations, Theo Francken (N-VA), travaillent tous deux sur ce pacte depuis deux ans. Et en novembre, De Standaard écrit que dans un rapport interne de la direction générale des affaires européennes daté du 11 octobre, le représentant du cabinet Jambon a approuvé la « nécessaire promotion active » du pacte.
11. Octobre 2019: ‘Da gade gij nie bepale’ (Ce n’est pas toi qui vas décider)
Lorsque les tableaux budgétaires sont absents de sa déclaration gouvernementale du mercredi 2 octobre, l’opposition le critique vivement – sans tableaux budgétaires, on ne peut pas dire grand-chose sur la politique prévue. Deux jours plus tard, le vendredi 4 octobre, il faut débattre de la déclaration du gouvernement et du budget pour procéder. Mais le jeudi 3 octobre, Jan Jambon déclare lors d’un dîner de collecte de fonds du site web nationaliste flamand Doorbraak : « Nous avons ces tableaux budgétaires. Ils sont dans un dossier sur mon bureau. Mais quand l’opposition les demande, j’ai tendance à ne pas les leur donner. Vendredi, il s’agit du contenu de l’accord ».
L’opposition est furieuse. Quand Jambon dit que les chiffres seront disponibles la semaine suivante, mardi, on lui répond que ce sera trop tard. Et Jambon ? « Trop tard ? Da gade gij nie bepale (Ce n’est pas toi qui vas décider) ». Sa phrase finit sur le merchandising de la N-VA mais pour les observateurs, elle montre surtout que le gouvernement Jambon manque son départ.
Plus tard, il a également dû se justifier parce qu’il jouait à Angry Birds sur son smartphone pendant sa déclaration gouvernementale.
12. Octobre 2019 (bis): « Les soins de santé préventifs sont une compétence fédérale »
Lors du cours inaugural de Carl Devos, professeur de sciences politiques à l’Université de Gand, Jambon a déclaré que les soins de santé préventifs sont une question fédérale. Étrange, car dans l’accord de coalition que Jambon vient de proposer, il est dit à la page 78 : « La prévention et la détection précoce sont les fers de lance de la politique flamande en matière de bien-être et de santé ». Les soins de santé préventifs sont donc une compétence flamande depuis des années. L’essentiel de la politique globale en matière de soins de santé est encore fédéral », répond le porte-parole du ministre flamand du Bien-être Wouter Beke (CD&V). « Mais en ce qui concerne la prévention, l’essentiel révèle des communautés. »
13. Décembre 2019: « J’ai entendu l’histoire d’une famille de demandeurs d’asile qui avait pu s’acheter une maison avec les allocations familiales »
En décembre, Jambon fait travailler les factcheckers lorsque De Tijd publie une déclaration qu’il a faite lors de deux conférences : « J’ai entendu l’histoire d’une famille qui avait pu s’acheter une maison avec les allocations familiales. Ce n’est pas le but non? »
Les demandeurs d’asile perçoivent « ces allocations familiales » rétroactivement après l’obtention de leur statut de réfugié. Theo Francken abonde dans le sens de Jambon. Sur son site, il écrit : « Si vous voulez vraiment un cas exceptionnel, vous parlez d’un couple avec cinq enfants et cinq à dix ans de procédure d’asile. Vous obtenez des montants de 80 000 à 160 000 euros et on trouve encore une maison à ce prix-là dans certains endroits en Flandre. Je ne connais pas ce cas précis, mais il est – bien qu’exceptionnel – parfaitement possible. » Cependant, même dans une situation extrême (cinq enfants après deux ans de procédure), De Tijd calcule qu’on arrive à un maximum de 32.000 euros.
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14. Juillet 2020 : une contrevérité au sujet d’Erika Vlieghe
À partir de la deuxième semaine de juillet, le nombre d’infections de coronavirus recommence à augmenter rapidement. La décision du Conseil national de sécurité du jeudi 23 juillet de maintenir à 15 le nombre hebdomadaire de contacts autorisés est largement critiquée. Dans le studio de VTM, Jambon suggère que la virologue Erika Vlieghe, qui dirigeait le groupe de travail sur la stratégie de sortie, maintenant dissous, approuve cette décision. Dans une interview accordée à De Morgen, Vlieghe a catégoriquement nié ce fait et a menacé de démissionner. Jambon s’excuse auprès de Vlieghe pour ses déclarations et déclare qu’il « avait l’impression qu’elle était d’accord avec l’accord global » qui a été trouvé. À la demande de la Première ministre Sophie Wilmès (MR), Vlieghe joue toujours un rôle consultatif.
15. Août 2020 : Chovanec
La commission parlementaire des affaires intérieures s’est réunie mercredi après la mort du Slovaque Jozef Chovanec, décédé à l’aéroport de Charleroi en 2018 suite à une intervention brutale de la police. Le ministre compétence Pieter De Crem (CD&V) a consigné dans sa déclaration que le cabinet de son prédécesseur avait été informé de l’affaire après les faits. Non seulement, l’entourage de Jambon a reçu un rapport du ministère des Affaires étrangères, mais quelques mois plus tard, son cabinet aurait reçu l’ambassadeur slovaque. Cependant, la semaine dernière, Jambon déclare à VTM que jusqu’alors il n’a jamais entendu parler de cette affaire. On ne sait pas si Jambon ment délibérément. Pourquoi, en tant que chef de cabinet, il n’est pas non plus au courant de la visite d’un ambassadeur.
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