Le prince Laurent met la Libye K.O.
Le long combat judiciaire entamé en 2011 par GSDT, une ex-asbl du prince Laurent, vient de connaître un épilogue heureux pour le frère cadet du roi. Le recours ultime intenté par la Libye en 2017 pour éviter de dédommager l’ex-asbl suite à une rupture de contrat a échoué. La Libye va donc devoir payer quelque 50 millions d’euros au liquidateur de GSDT.
Depuis novembre 2014, Global Sustainable Development Trust (GSDT), une ex-asbl du prince Laurent, dispose d’une décision judiciaire définitive – un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles – forçant l’Etat libyen à lui verser 38.479.041 euros de dommages et intérêts suite à une rupture unilatérale de contrat. GSDT avait en effet signé, en 2008, un contrat de 70 millions d’euros avec le ministère libyen de la Politique agricole afin de reboiser des milliers d’hectares désertiques sur la côte libyenne. Suite à cet arrêt de la cour d’appel, la Libye ne s’est pas pourvue en cassation.
La décision est donc devenue définitive. Avec les intérêts et les frais de justice, ce pactole se monte aujourd’hui à quelque 50 millions d’euros. Les avocats de GSDT ont cherché à obtenir un appui du gouvernement belge, en particulier le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders (MR), pour que la Libye se plie à la décision de justice. En vain. Le cabinet Reynders n’a pas jugé bon de soutenir cette démarche. Au contraire.
Pour éviter de payer GSDT, l’avocate de l’État libyen, Me Sandra Gobert, a sorti une dernière carte de sa manche. Elle a introduit, au printemps 2017, une procédure extrêmement rare appelée « requête civile en rétractation ». Cette requête visait à obtenir le retrait de l’arrêt de la cour d’appel. « La requête civile est une voie de recours extraordinaire qui n’est ouverte qu’à ceux qui n’ont pas eu l’occasion de faire valoir certains moyens par la voie des recours ordinaires, ces moyens n’étant apparus ou n’ayant pu être connus de la partie avant le jugement ou l’arrêt dont la rétractation est poursuivie (…) », explique Me Hakim Boularbah dans un article spécialisé. Autrement dit, il faut apporter de nouveaux éléments qui, s’ils avaient été pris en compte par les juges de la cour d’appel, auraient radicalement influencé leur décision dans le sens inverse.
L’avocate de la Libye estimait qu’un nouveau procès devait avoir lieu car la rupture de contrat aurait été sollicitée par la Libye et acceptée par GSDT moyennant des indemnités de rupture: 281.000 euros auraient été versés à l’asbl en 2010. Les nouvelles pièces qu’elle a déposées en 2017 sont des documents comptables et contractuels. Selon les avocats de GSDT, ces documents n’auraient eu aucune influence sur le jugement contesté par la Libye. « Il tombe sous le sens qu’un tel montant n’a jamais pu être accepté par GSDT comme dédommagement au regard de l’importance du contrat et du dommage subi », nous déclarait Paolo Iorio, un des avocats de GSDT, en mars 2018. Ce montant est effectivement 170 fois inférieur aux dommages et intérêts que la justice belge a accordés à GSDT…
Les plaidoiries étaient prévues en avril dernier devant le tribunal de première instance de Bruxelles. Elles furent reportées, à la demande de la Libye. Elles ont finalement eu lieu le 16 octobre dernier. Le ténor italien du barreau de Rome, Me Filippo Paris, qui représente l’Etat libyen dans plusieurs procédures judiciaires sur la péninsule, assistait Me Gobert. GSDT était représentée quant à elle par Me François Glansdorff.
Le jugement est tombé il y a quelques jours: la Libye a été déboutée. Dos au mur, Tripoli va donc devoir dédommager GSDT à hauteur du montant fixé en septembre 2012 par le tribunal de première instance, confirmé par la cour d’appel de Bruxelles le 20 novembre 2014, assorti des intérêts et des frais de justice. Soit, on l’a vu, quelque 50 millions d’euros. Cet argent devrait être affecté à Environment Network, la nouvelle asbl créée par Laurent en juin dernier à Waterloo dont Le Vif avait révélé l’existence il y a quelques semaines.
Sans même attendre la décision du tribunal, Me Sandra Gobert, l’avocate de la Libye, a quitté le barreau de Bruxelles fin octobre, dont elle était membre depuis 1992. Elle est devenue en novembre la nouvelle CEO du think tank Guberna, l’Institut belge des administrateurs qui promeut la « bonne gouvernance ». Jusqu’ici, Sandra Gobert était administratrice de Guberna où elle côtoyait notamment Alexia Bertrand, administratrice du groupe Ackermans & van Haaren et cheffe de cabinet du vice-Premier ministre Didier Reynders (MR) au nom duquel elle est intervenue dans le dossier GSDT. Certainement une coïncidence.
Cette fois, si la Libye ne respecte la décision de justice belge, le ministère des Affaires étrangères pourra difficilement ne pas soutenir les avocats de GSDT…
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