Selma Benkhelifa
La Belgique refuse désormais l’asile aux réfugiés afghans: une décision « absurde, cruelle et incohérente » (carte blanche)
La Belgique a décidé de refuser l’asile aux Afghans, dénonce l’avocate Selma Benkhelifa. La guerre en Afghanistan est-elle bien finie, comme l’estime le Commissariat aux réfugiés, alors que l’Etat islamique affronte toujours les talibans et que les attentats sont quotidiens ? Les réfugiés afghans présents en Belgique ne vont pas s’évaporer, considère l’avocate. « Ils vont juste rester là ».
On est tellement pris par l’arrivée des Ukrainiens, que la nouvelle n’a pas fait grand bruit. La Belgique a décidé de refuser l’asile aux Afghans, à tous ou presque. Des centaines de décisions négatives sont en train d’être envoyées.
Depuis la prise de pouvoir par les talibans, en août dernier, aucune décision n’était prise pour les Afghans, on attendait de voir ce qu’on allait faire. Voilà c’est décidé. Selon le CGRA (Commissariat aux Réfugiés), la guerre est finie. Il n’y a donc plus de raison d’accorder la protection subsidiaire.
Finie la guerre? L’OTAN s’est retiré. Pour ses membres, la guerre est finie. Mais pour les Afghans, les combats continuent. Plus de 4000 combattants de l’Etat islamique du Khorossan affrontent les talibans. Selon les rapports du CGRA lui-même, les incidents sont quotidiens. Des attentats, des morts chaque jour… mais l’Afghanistan, c’est loin, c’est pas en Europe, …
L’Afghanistan est en guerre depuis si longtemps. Les médias ne s’y intéressent plus. Et dans cette politique du clic et de l’émotion, si plus personne ne s’émeut, les instances d’asile ne protègent plus.
L’ONU parle d’une des pires famines au monde, 23 millions de gens sont en situation de malnutrition. Des millions de gens vont mourir. Le CGRA reconnait que cette crise humanitaire sans précédent est terrible, mais cela ne suffit quand même pas à accorder une protection. Selon lui, la famine c’est la faute à personne. Ce n’est certainement pas à cause de la corruption du gouvernement que l’OTAN soutenait et des décisions ahurissantes des nouveaux maîtres de Kaboul – les talibans, cette organisation terroriste, que notre pays et l’OTAN ont combattue pendant 20 ans, à grands renforts de milliards de dollars.
Ces talibans sont soudain devenus fréquentables. Le CGRA va jusqu’à prétendre qu’ils « protègent les lieux de cultes des minorités ». Assurément ils ne les protègent pas bien, puisque depuis leur prise de pouvoir, plusieurs mosquées chiites ont explosé, faisant des dizaines de morts. Mais selon le CGRA ils essaient. Les voilà passés d’organisation terroriste à gentils protecteurs, sans transition.
La décision a été prise, on ne protège plus les Afghans.
Par contre, le gouvernement ne semble pas encore avoir répondu à la question suivante: qu’allez-vous faire d’eux? Les centaines de décisions négatives vont pousser dans la clandestinité et la précarité des centaines d’Afghans, mais ils ne vont pas disparaitre pour autant. Ils ne vont ni s’évaporer, ni retourner d’eux-mêmes en Afghanistan. Et personne n’est assez fou pour les y reconduire. Ils vont rester là, réintroduire des procédures encore et encore, juste parce que la politique menée par le CGRA est absurde, cruelle et incohérente.
Selma Benkhelifa, avocate au barreau de Bruxelles
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