Investir dans le coliving, une alternative rentable?
Ce secteur immobilier est en plein essor. Est-ce le moment et, surtout, est-il judicieux d’y investir? Les mises de départ étant conséquentes, il faut disposer d’un patrimoine à la hauteur. Et se contenter de possibilités encore limitées. Mais les perspectives de rendement s’avèrent particulièrement intéressantes, pourvu qu’on investisse avec discernement. Cinq questions pour y voir clair.
1. Le coliving, c’est quoi?
Il ne s’agit pas d’un nouveau mot tendance pour évoquer la colocation mais d’une variante de cette dernière. Il s’en distingue à plusieurs égards, comme par exemple le fait que les occupants ne se connaissent généralement pas au départ. Plutôt que de monter ensemble un projet de colocation, ils passent par un prestataire de services qui aménage et gère l’habitation – souvent une grande maison équipée de plusieurs chambres et d’espaces communs. On associe parfois le coliving à un mélange entre colocation et coworking, mais cette dimension de travail n’est pas toujours présente. Ce qui l’est par contre, ce sont les codes empruntés à l’hôtellerie: logements tout équipés, services divers (ménage, entretien, télécommunications…), activités organisées, etc. Le coliving se caractérise aussi par son côté éphémère, puisque la durée des baux varie souvent entre trois mois et trois ans. A l’origine, le concept s’adressait principalement à de jeunes actifs, souvent expatriés, mais il commence à s’étendre à d’autres publics de tous âges.
Le coliving fonctionne surtout dans les grandes villes où il y a de jeunes actifs, où l’économie tourne et où la demande locative est importante.
2. Quelles performances?
Né dans les pays anglo-saxons, le coliving a été importé en Belgique il y a plus de dix ans, mais il connaît un véritable essor depuis peu. Ces dernières années, les acteurs présents sur le marché se sont en effet multipliés, tout comme le nombre de chambres offertes à la location. Le potentiel du secteur ne semble toutefois pas encore avoir été atteint. Selon le dernier Index européen du Coliving de JLL (leader dans le conseil en immobilier d’entreprise et dans la gestion d’investissements immobiliers), un peu plus de 23 000 lits de coliving étaient disponibles ou en cours de développement sur le continent en 2019, et 60% de ces projets ont vu le jour au cours des deux années précédentes. Le marché est donc en plein essor et beaucoup d’observateurs s’accordent à dire qu’il ne s’agit pas d’une tendance éphémère. Ce mode d’habitation semble en effet en adéquation avec plusieurs évolutions et besoins de la société, comme celui de vivre en communauté. « Les gens cherchent aussi davantage de flexibilité en matière de logement car ils changent plus souvent de travail et de pays », souligne Adrian Devos, cofondateur et gérant de BuyerSide, société spécialisée dans le conseil à l’achat immobilier. « Les formats d’habitat comme le coliving sont donc très demandés. A l’avenir, il faudra veiller à ne pas atteindre une suroffre mais, en ce moment, on n’a sans doute pas encore rempli tous les besoins. »
> LIRE AUSSI: La vie après le coronavirus: bons plans pour le coliving, moins pour le coworking?
Le coliving ne séduit pas seulement les occupants mais aussi les investisseurs. « L’immobilier est une classe d’actifs plébiscitée car elle est résiliente, comme l’a encore prouvé la crise que l’on traverse actuellement », relève Nicolas Jacquet, Managing Partner de OWN, société de conseil en investissement immobilier. « Comme la demande est énorme, notamment au niveau des immeubles de rapport, les rendements se compriment et les investisseurs cherchent des niches afin d’augmenter leurs revenus. » Le coliving fait précisément partie de ces créneaux plus confidentiels où les rendements peuvent atteindre jusqu’à 6 ou 8%, alors qu’une location classique dépasse rarement les 3 ou 4%. Cette différence s’explique notamment par la multiplication des unités locatives au sein d’un même bâtiment et par la possibilité d’acquérir de grandes maisons à des prix attractifs – ce qui est devenu rare pour les immeubles de rapport.
« Il ne faut toutefois pas croire qu’investir dans le coliving permet forcément de toucher le jackpot« , prévient Amaury Michiels, Head of Business Development chez Ikoab, qui développe et gère des projets dans ce domaine. « En général, nous essayons de viser 5 ou 6% de rendement net, mais la performance peut être très variable selon les projets: quelques-uns atteignent 8 voire 10%, d’autres sont limités à 3 ou 4%. » Le taux de rendement peut notamment être lié aux frais de fonctionnement ou de transformation du bâtiment, mais il est surtout influencé par son prix d’achat. « Il faut vraiment éviter de surpayer le bien à l’achat, au risque de voir faiblir son rendement mais aussi la plus-value lors d’une éventuelle revente », conseille Adrian Devos. Reste que les taux évoqués sont plus que satisfaisants, dans le contexte actuel.
3. Comment investir?
Cohabs, Colive, Morton Place, Ikoab, ShareHome Brussels… Les acteurs sont de plus en plus nombreux sur le marché du coliving en Belgique, mais les possibilités d’investir restent encore limitées pour les particuliers. Plusieurs sociétés comme Cohabs ou Colive se développent en effet via des levées de fonds ou des partenariats avec des acteurs institutionnels et privés. Yust, quant à elle, a permis à des investisseurs particuliers de cofinancer un projet mixte incluant du coliving à Liège via la plateforme BeeBonds, mais ce genre d’initiative est encore rare. Les principales options pour ceux qui souhaitent investir dans le coliving se résument à monter ou racheter un projet et à le gérer ou, mieux, à déléguer une ou plusieurs de ces tâches à un opérateur spécialisé. Plusieurs sociétés comme ShareHomeBrussels ou Ikoab proposent ce type de services et, selon Nicolas Jacquet, il y a un véritable intérêt à faire appel à elles: « Lancer et gérer seul un projet peut être moins rentable qu’une colocation classique, car cela représente une gestion lourde et la concurrence sur le marché est importante. Les opérateurs spécialisés dans ce secteur sont utiles car ils disposent des outils nécessaires, d’une communauté et sont surtout capables de faire des économies d’échelle – notamment sur les fournitures. »
> LIRE AUSSI: Le « coliving », coup marketing ou véritable innovation?
Certaines sociétés proposent aux investisseurs de s’occuper de la gestion des locations, ou encore de l’achat et de la rénovation du bien qui accueille l’hébergement. Ikoab a choisi une formule clés en main: son équipe pluridisciplinaire se charge de dénicher le bien, elle monte ensuite un dossier financier du projet puis se charge de la réalisation des travaux, de l’aménagement intérieur ou encore, de la gestion locative. Par rapport à un projet qui serait mené par l’investisseur lui-même, cette formule permet souvent de gagner du temps et de l’argent. « Si l’on veut monter soi-même un coliving, il faut faire appel à un chasseur immobilier, des architectes, une entreprise générale, un décorateur, etc. », souligne Amaury Michiels. « Chez Ikoab, nous simplifions les choses en étant le seul interlocuteur et nous avons également accès à des biens off market. Le budget des travaux peut varier car on n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise en cours de route, mais tous les coûts et revenus sont estimés dès le dossier financier qui précède l’achat, donc l’investisseur sait dans quoi il s’engage. » Ikoab se rémunère pour ses services via des frais d’accompagnement (15 000 euros par projet) et une marge de 10% sur les loyers pour la gestion locative, tandis que l’investisseur finance le projet. « Cela signifie qu‘il est propriétaire du bâtiment et, par conséquent, que cet investissement est garanti pour lui quoi qu’il advienne de notre société ou, plus largement, du coliving », signale Amaury Michiels.
4. Quels sont les risques?
Les rendements relativement élevés du coliving sont contrebalancés par des risques plus importants que dans d’autres investissements immobiliers. Les baux étant de courte durée, les vides locatifs peuvent être plus fréquents mais l’appel à un opérateur spécialisé permet généralement d’optimiser l’occupation du bâtiment. Ensuite, si le coliving permet d’augmenter le rendement d’un bien, il peut affecter négativement la plus-value à la revente: « Une fois le bâtiment divisé, il est plus difficile de le valoriser pour une autre affectation et de rentabiliser les travaux réalisés », fait remarquer Adrian Devos, de BuyerSide. « Par ailleurs, le coliving ne permet pas de revendre des unités « à la découpe » comme on pourrait le faire avec un immeuble à appartements. »
Enfin, sur le plan urbanistique, l’aménagement d’un coliving dans une maison unifamiliale ne nécessite actuellement pas de permis, à Bruxelles comme en Wallonie. Cela peut être considéré comme un avantage mais aussi comme un inconvénient, selon Nicolas Jacquet de OWN: « Le business du coliving est actuellement fondé sur un vide juridique et, si le Conseil d’Etat s’est prononcé plusieurs fois en faveur de la non-nécessité de permis, le risque existe que la législation évolue. C’est ce qu’on a connu avec les Airbnb, pour lesquels les premières contraintes légales ont compliqué les choses. »
> LIRE AUSSI: Habitat partagé: un label, enfin ?
5. Où investir?
Le coliving est clairement une forme d’habitat réservée au milieu urbain. « Cela fonctionne surtout dans les grandes villes où il y a de jeunes actifs, où l’économie tourne et où la demande locative est importante », précise Adrian Devos. Actuellement, le coliving est présent en Belgique à Bruxelles, Anvers, Gand, Liège ou encore, Charleroi. Selon Amaury Michiels, il faut au minimum 700 000 à 800 000 euros pour monter un projet de coliving à Bruxelles (acquisition du bâtiment et travaux compris), contre environ 600 000 euros à Liège et 500 000 euros à Charleroi. La différence s’explique par le prix d’achat des maisons, qui est particulièrement élevé à Bruxelles et continue à augmenter ces dernières années. Par conséquent, dégager un rendement élevé dans la capitale peut s’avérer compliqué, « à moins de se tourner vers des quartiers moins prisés ou en devenir », constate Amaury Michiels. « La revente de ces biens risque en revanche d’être plus complexe et de produire une plus-value plus faible que dans des quartiers recherchés. » On peut aussi augmenter le rendement en se tournant vers des villes comme Charleroi où les bâtiments sont plus abordables à l’achat, sans pour autant que les loyers soient largement inférieurs. Mais à nouveau, le risque sera plus élevé.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici