Luc Delfosse
Il y a comme une odeur de rance à la tête de la N-VA
Le faire-part, s’il y en avait eu un, aurait pu se présenter de la sorte : « Monsieur Bart De Wever, fondateur de la N-VA, bourgmestre d’Anvers et Premier ministre de l’ombre a le bonheur de vous annoncer la naissance d’un dauphin à la direction de son parti en la personne de Sander Loones, héritier d’une longue dynastie nationaliste flamande ».
La désignation de ce probable héritier n’a évidemment pas eu lieu en ces termes ampoulés, mais c’est tout comme. Bart De Wever a, en effet, désigné ce jeune homme urbi et orbi, pour user de l’une de ces expressions latines que le leader du premier parti nordiste affectionne. Loones n’a aucunement joué les étonnés. Il s’est réjoui que le patron lui ait ainsi offert un mégaphone » (sic) et qu’il faudrait désormais « compter » publiquement avec lui (Le Vif.be du 30 septembre).
Ce numéro de duettistes tient bien sûr de l’opération de communication parfaitement huilée, exercice dans lequel la N-VA excelle comme nulle autre. Quitte à manger sa parole (comme dans l’affaire de la révision des conventions de Genève), il s’agit d’occuper à chaque instant le terrain médiatique. Et plus encore quand les sondages, ces amuse-gueules dont il faut bien tenir compte malgré leurs totales fantaisies, vous mettre dans le rouge.
La N-VA est bel et bien un parti comme les autres, qui désigne ses élites par cooptation. Il n’est pas cette formation qui entendait révolutionner les pratiques politiques qui ‘gangrèneraient’ ce pays
Mais, à force, ces petits jeux médiatiques finissent par se retourner contre ceux qui s’y livrent avec une telle frénésie. Reprenons la désignation de ce dauphin présumé. Que nous dit-elle ? D’abord que la N-VA est bel et bien un parti comme les autres, qui désigne ses élites par cooptation. Il n’est pas, il n’est plus cette formation qui entendait, sur le papier, révolutionner les pratiques politiques « occultes » qui « gangrèneraient » ce pays. Faisant cela comme cela, le patron des nationalistes flamands adopte ni plus ni moins les pratiques des partis traditionnels qu’il conspue, où règne le fait du Prince. De Wever n’agit pas autrement -pour ne parler que de ses meilleurs ennemis…- que Guy Spitaels adoubant le pauvre Philippe Busquin ou qu’Elio Di Rupo hissant sans vote ni débats Paul Magnette à la tête du Parti socialiste… pour lui tenir la place au chaud. Bref, avec le « Mr Propre » de la N-VA, on allait voir ce qu’on allait voir. Et bien, c’est tout vu et cela sent à plein nez le rance, le petit arrangement entre amis puissants, le diktat vieux comme la nuit des temps.
Sur le plan interne, cette présentation d’un prince héritier, pourrait avoir de lourdes conséquences. Aujourd’hui, en effet, aucun membre de l’appareil n’ose grincer des dents ou émettre le début d’une critique publique à l’encontre du chef dont on sait bien qu’il fait à peu près à lui seul la notoriété du parti. Les initiales BDW et N-VA se confondent évidemment dans l’imaginaire de la plupart de ses électeurs comme de ses adversaires d’ailleurs. Mais qu’adviendra-t-il quand De Wever ouvrira une succession… aussi cadenassée ? Qui peut croire que les appétits des prétendants qui aujourd’hui sommeillent, ne se réveilleront pas ? Pour quelles raisons miraculeuses, la N-VA échapperait-elle à la logique universelle puisque l’on sait depuis Mathusalem que l’appât du pouvoir pour le pouvoir est un ogre ou, pour reprendre l’expression de ce vieux madré de Kissinger, le plus puissant des aphrodisiaques.
Si, comme on le pense, Bart De Wever, a voulu comme toutes les vieilles « élites » politiques dont il se moque, couper court à une guerre de succession fratricide à la tête d’un parti qu’il sait aussi volatil que son électorat, il n’est pas sûr du tout qu’il y échappe. Ni que son dauphin soit « baptisé » sans effets collatéraux désastreux.
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