Daniel Salvatore Schiffer
Historiques inondations: voyage au bout de l’enfer (carte blanche)
Le philosophe Daniel Salvatore Schiffer s’est rendu sur les lieux des inondations ces 29 et 30 juillet 2021. Il nous confie son ressenti.
Cette contribution externe a été réalisée par Daniel Salvatore Schiffer philosophe, professeur de philosophie de l’art à l’Ecole Supérieure de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège, auteur d’une trentaine d’ouvrages. Ce reportage « Voyage au bout de l’enfer, I » sera extrait d’un ouvrage dont les bénéfices seront reversés aux sinistrés.
Comment dire l’indicible ? Comment décrire l’indescriptible ? Comment exprimer l’inexprimable ? Et, pourtant, il le faut, envers et contre tout ! Il faut témoigner, trouver la force et le courage, à défaut de mots parfois, afin de raconter, ne fût-ce que pour ne pas oublier avec le temps qui passe inexorablement, l’immense tragédie qui s’est soudain abattue, dans la nuit du 14 au 15 juillet 2021, au paradoxal coeur de l’été donc, sur des milliers d’êtres humains. Ce sera par ailleurs là le modeste mais sincère tribut que je pourrai apporter, en les aidant peut-être ainsi quelque peu, à ces malheureux qui, en l’espace de quelques minutes à peine, auront ainsi tout perdu, fors leur invincible honneur certes, leur indéfectible dignité face à pareille, innommable, adversité, et, miracle inespéré pour beaucoup d’entre eux, ce bien suprême, avant tout, qu’est leur vie.
Car, bien plus que de gigantesques inondations, dues à d’exceptionnelles et fortes pluies, c’est à un véritable cataclysme, aussi épouvantable dans son énorme quantité de dégâts matériels que meurtrier dans la quarantaine d’innocents dont il aura ainsi cruellement fauché l’existence, que cette maudite nuit d’été a donné lieu dans ce qui jusque-là, avant qu’elle ne fût ainsi brutalement défigurée, était la belle, aimable et riche, province de Liège, « cité ardente », quoique aujourd’hui douloureusement endeuillée, située, en bordure de Meuse, aux portes des Ardennes, à l’est de la Belgique, non loin des frontières allemande et hollandaise, en plein centre de l’Europe.
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L’apocalypse d’un tsunami
Paysages apocalyptiques ! Visions cauchemardesques ! Ce sont comme autant de scènes de guerre, où le chaos des terribles destructions le dispute à la lugubre désolation des lieux, qui m’ont été données à voir, ces 29 et 30 juillet 2021, deux semaines après cette effroyable catastrophe, tout au long du parcours – s’étalant sur une trentaine de kilomètres – que j’ai effectué en voiture, logeant la Vesdre, affluent de l’Ourthe puis de la Meuse, entre les localités de Chênée et de Pepinster.
Oui : une suite ininterrompue de scènes qui me rappelèrent, dans l’extrême violence qu’elles suggéraient à mon esprit comme à ma vue, celles auxquelles j’avais déjà été confronté, dans les années 1990, lors de la guerre ex-Yougoslavie (celle de Bosnie puis du Kosovo, et dont certains de mes livres sont des témoignages directs), sauf qu’il n’y eut bien sûr ici, le long de cette vallée que le grand Victor Hugo en personne dit jadis tant aimer, aucun bombardement ! C’est dire l’ampleur comme la furie des flots, en dehors de tout entendement, qui se déversèrent, avec une force inouïe et une extraordinaire rapidité, dévastant tout sur leur passage, en cette satanée nuit ! Jamais, de mémoire d’hommes ou de femmes, on n’avait vu, me confessèrent, encore incrédules, les habitants de ces bourgs, semblable déferlement d’eau, pareils torrents de boue et déchaînement de la nature, un tel carnage : à deux reprises au moins en cette terrible nuit, entre 2h et 4h du matin, des vagues de trois mètres de haut s’abattirent soudain, arrivées comme par surprise et dans un vacarme assourdissant, tel un véritable tsunami me dirent encore ces habitants, dans les rues où volaient en éclats les pavés aussi bien que dans les maisons où tremblaient jusqu’aux murs, balayant tout, absolument tout, en quelques secondes seulement !
Un pan d’enfer sur Terre
Et, de fait, que n’ai-je moi-même alors vu, ces jours derniers, en cette portion d’enfer sur terre ! Le long de la vallée de la Vesdre, de Chênée à Verviers, en passant par Chaudfontaine, Forêt-Trooz, Nessonvaux, Goffontaine, Pepinster, ce n’est qu’un interminable chapelet de ruines, où s’égrènent, les uns après les autres, les innombrables vestiges, amas à la fois dramatiques et dérisoires, de ces vies, désormais, d’autrefois.
Ce spectacle hallucinant, en temps de paix pourtant et au coeur meurtri de l’Europe moderne, dite démocratique et civilisée, il faut le voir, concrètement, pour le croire. Ce n’est plus, sur plusieurs dizaines de kilomètres, jonchant les routes parfois barrées et souvent obstruées, qu’un champ de ruines, un long et haut monceau de gravats, un tas de débris, de ferrailles entrelacées, de verres tranchants, de boue épaisse et de vase puante, de détritus de toutes sortes, de poubelles amassées les unes sur les autres, de sacs d’ordures par milliers, de carcasses de voitures, d’appareils électro-ménagers par centaines, de frigos et de meubles fracassés, de chaussées affaissées, de berges défoncées, de parapets branlants, de ponts cassés, de trottoirs pulvérisés, de pierres concassées, de goudron éclaté, de briques dispersées de toutes parts, de béton fendu, de trous béants, de maisons effondrées, de murs éventrés, de façades bancales, de pans de terre écroulés, de sols détrempés, de fondations fragilisées, de jardins engloutis, de potagers immergés, de vergers disparus, d’arbres déracinés, de poteaux renversés, de pylônes démantibulés, de fils électriques arrachés, de canalisations explosées, d’égouts bouchés à ras bord, de lignes de chemin de fer coupées, de citernes de fuel ou de mazout broyées, de stations d’essence endommagées et forcément fermées, de quartiers entiers anéantis, de zones hier encore habitées et aujourd’hui rayées de la carte. Et partout, s’insinuant au milieu de ces vies brisées par on ne sait quel cruel et sauvage destin, la pourriture, une odeur parfois pestilentielle, avec, ça et là, des charognes où pullulent déjà les rats. Avec de surcroît, en une telle insalubrité et par-delà même la pollution ainsi grandissante, le risque accru de maladies, sinon, pour aggraver davantage encore cet immense désastre, d’une nouvelle épidémie, aux proportions encore incalculables comme, sur le plan sanitaire et hygiénique, aux conséquences encore imprévisibles.
Valeureux coeurs!
Et pourtant, au fin fond de cette détresse humaine, là même où les larmes ne coulent plus face à tant de misère et de souffrance, là même où les pleurs se sont taris devant tant d’angoisse et de solitude, combien de sourires, emplis de dignité, parfois de bonté et toujours de bienveillance, ai-je vu s’esquisser sur le visage de ces sinistrés au coeur valeureux, qui, armés de seules pelles, de brosses et de balais, de seaux et de savon, de gants en caoutchouc et de râteaux de fortune, nettoyaient sans relâche, sans mot dire, sans jamais se plaindre ni même broncher, quoique inconsolables au tréfonds de leur âme, le peu qu’il le restait, désormais, de leur maison, sinon de leur vie : une vie, pour certains d’entre eux, de dur labeur, où il n’est pas jusqu’à leurs plus chers souvenirs – un simple album de photos, de réunions de familles, de mariage ou d’anniversaire – qui, eux aussi, ne furent emportés, aveuglément, par un sort aussi cruel, impitoyable ! Alors, oui, empli de compassion pour cette humanité dont le courage exemplaire n’avait d’égal que son infinie tristesse, ma gorge se noua, mon coeur se serra, mes yeux s’embuèrent et c’est à grand peine que, face à ces braves gens, ces nouveaux mais discrets héros des temps modernes, je retenais mes larmes ! Ah, que j’aurais voulu, moi aussi, retrousser mes manches et mettre ma salopette, si j’avais encore eu la force de l’âge, pour pouvoir les aider plus concrètement ! Pour peu, je me sentis même coupable ! Et eux, ces hommes et ces femmes qui avaient pourtant tout perdu, trouvaient encore, malgré leur fatigue et par-delà même leur désespoir quelquefois, les ressources pour pouvoir, souriants malgré ces terribles épreuves, me remercier de simplement leur parler et leur apporter, ainsi, un peu de réconfort, de chaleur humaine !
Honneur à eux, donc, respect et estime ! Ainsi, toujours je me souviendrai, par exemple, de Kazia (dont je tairai toutefois ici, par pudeur et discrétion à la fois, le nom de famille), cette femme douce, cultivée et intelligente, au regard clair malgré la douleur qui étreignait sa voix chagrinée, et qui, les yeux emplis de gratitude par-delà leur tristesse, m’invita gentiment à entrer chez elle, sur la route, gravement endommagée, de Nessonvaux, entre Trooz et Pepinster, au bas du joli village fleuri d’Olne, pour me montrer les dégâts causés, avec une hauteur d’eau de 2 mètres environ, dans sa maison, désormais méconnaissable, où elle passa son enfance, une partie de sa jeunesse, désormais enfouie sous les décombres plus encore qu’enfuie par le temps, et où vivaient à présent, avant que ces inondations n’y vinrent tout saccager, son fils et sa belle-fille.
C’est, précisément, juste en face de la maison de Kazia, de l’autre côté de la chaussée, qu’il me fut donné de voir, ce jeudi 29 juillet, l’un des spectacles les plus bouleversants, désolants et sidérants à la fois : la destruction complète, avec sa façade totalement disparue, effondrée sous les mortifères assauts de cette historique crue, de la petite chapelle du Centre Protestant, où ne restait plus, outre quelques misérables chaises et quelques ustensiles non moins dérisoires, qu’une grande croix de bois – tout un symbole – clouée à l’une des parois, celle de droite, encore debout. Dieu – c’est le cas de le dire -, que cette vision me fut douloureuse ! Pour peu, j’eusse maudit, en ces jours de malheur, jusqu’à ce Dieu, à supposer qu’il existât, qui martyrisait ainsi, aussi injustement, les hommes jusqu’au tréfonds, au creux de cette vallée, de leur être !
Goffontaine: une vallée de larmes
Mais le pire cependant, si cela est encore possible ou seulement concevable pour un esprit normalement constitué, était à venir, pour moi, en cette effroyable journée du 29 juillet. Cela se passa, poursuivant ainsi mon périple en cette région sinistrée, sur la route menant, encore, de Nessonvaux à Pepinster et, plus exactement encore, dans le petit bourg de Goffontaine, enjambant la Vesdre. Là, oui, l’enfer, manifestement, se déchaîna, venant brutalement sur Terre, deux semaines auparavant ! C’est là, dans ce village autrefois bucolique, quasi idyllique, situé entre la textile de Pepinster et le moulin de Fissene, que l’on retrouva ces jours derniers, sur une distance de 3 kilomètres seulement, me confia le brave, sensible et courageux Denis (dont, par discrétion et respect là encore, je tairai aussi le nom de famille), 20 cadavres humains, soit près de la moitié du nombre total de morts (41 certifiés et identifiés à ce jour) dus à ce cataclysme ! Denis, lui-même, en découvrit deux, « affreux à voir », enchaîna-t-il, tant, encore enroulés autour d’un arbre dans le champ attenant à l’arrière de sa maison, ils étaient « défigurés », comme déchiquetés, par la violence des eaux ayant dévalé brusquement des bois surélevés aux alentours de ce village encaissé. On ne put les identifier, tant leur visage était abîmé, que grâce aux documents qu’ils avaient encore en poche ! Et puis, encore, une femme, elle, totalement nue, les vêtements déchirés par la furie des flots charriant gravats et immondices de toutes sortes, gisant inerte, décédée elle aussi, dans le jardin désormais chamboulé, en bordure de Vesdre là encore, de son voisin !
Les grandes douleurs sont muettes
Oui : l’enfer existe, mais il est sur Terre ; je l’ai rencontré, un après-midi d’un été terriblement pluvieux, pourri, au détour de Goffontaine, fraction de Pepinster, ville martyrisée, en cet innommable fléau, s’il en est ! Moi qui viens de terminer un livre sur Dante, à paraître en septembre de cette même année 2021, date où l’on commémorera en grandes pompes les 700 ans de sa disparition, il n’est point besoin de la dantesque « Divine Comédie » effectivement, ni même d’un quelconque au-delà, fût-il celui dessiné par la mythologie ou énoncé par la religion, pour croire, de fait, à l’enfer ! Sartre lui-même ne peut plus dire non plus, comme il le fait dans la plus célèbre des sentences de son Huis Clos, que « l’enfer, c’est les autres » ! Non, l’enfer, c’est celui que vivra dorénavant, jusqu’à la fin de ses jours, cette mère qui tenait dans ses bras son enfant – un bébé de moins d’un an – qu’une trombe d’eau lui arracha soudainement, tandis qu’elle tentait désespérément de se sauver en s’agrippant à quelque objet de fortune, pour l’emporter, sous l’inimaginable intensité du courant, définitivement. Ce bébé, retrouvé après ce terrible drame, est mort, m’a-t-on murmuré, encore sous le choc, noyé !
J’imagine, dès lors, les cris, aussi désespérants que désespérés, de cette mère voyant ainsi disparaître à jamais, impuissante et aujourd’hui inconsolable, l’être, pour elle, le plus cher et le plus chéri, le plus précieux et le plus aimé, au monde ! Oui : il est, dans la vie, des traumatismes, des démences ou des folies, dont on ne peut se remettre, même si avec le temps, comme le disent sagesse philosophique et dignité morale réunies, les grandes douleurs sont muettes ! Et puis encore, non moins choquant, cet autre corps échoué on ne sait trop comment, mort lui aussi, sur la grève d’un autre jardin, et dont l’intrépide mais colossal Christophe, qui, au prix d’invraisemblables efforts, réussit à mettre chanceusement à l’abri toute sa famille, et même la plupart de ses animaux (dont un canard, même lui, apeuré), m’avoua à demi-ton, quelque peu embarrassé, sinon gêné, qu’il n’avait vu qu’un bout de fesse également dénudée !
Un monde immonde
Alors, oui, il me vient, à moi aussi, l’envie, en cet immonde monde, de hurler avec ces damnés de la Terre, où ce paysage paradisiaque de Goffontaine s’est aujourd’hui transformé en un infernal chaos : comment en effet, face à tant d’indicibles drames, devant de telles tragédies humaines, incommensurables, certains de nos dirigeants politiques, dont il n’est pas en outre dit qu’il ne porte pas une part considérable de responsabilité dans ce désastre – lequel fut par ailleurs annoncé, de diverses et multiple manières, quelques jours auparavant – osent-ils encore demander à ces malheureux de payer, eux qui ont déjà tout perdu, et parfois ce qu’il ont de plus inestimable à leurs yeux, les frais, probablement exorbitants, de démolition de leur habitation lorsqu’ils doivent être expropriés ou délogés face au danger, permanent désormais, d’écroulement ? Quelle vile mesquinerie ! Quelle bassesse ! Quelle impudence ! Quel scandale ! Quelle honte ! Quelle infamie ! Les mots me manquent pour dénoncer pareille forfaiture, semblable ignominie, une telle iniquité ! Je ne sache plus abjecte indécence ! Abominable d’inhumanité ! Indigne ! Révoltant ! Puisse le ciel, s’il ne s’avère pas vide en l’hypothétique jour du jugement dernier, les pardonner !
Il était presque 20 heures quand, le jour déclinant peu à peu et le soleil disparaissant lentement derrière ces vallons boisés, je quittai, bouleversé, le coeur lourd et les larmes aux yeux, Goffontaine pour m’en aller retrouver, toujours en voiture, ma paisible demeure, laquelle, loin de cet incroyable désastre, me sembla alors, comme par une sorte de retour à la normalité de la civilisation, à des lieues de cet endroit, lui qui grouillaient hier de personnes, à présent quasi désert, comme perdu au milieu de nulle part, coincé, sur ses deux rives, entre deux ponts désormais impraticables, privé même, au faîte de cette détresse, de toute électricité et où, profitant dès lors de l’obscurité, des bandes de pilleurs rôdaient, munis de lampes de poche et parfois carrément armés, pour dévaliser le peu qu’il restait dans les masures, fermes et autres taudis abandonnés. Terrible ! Effarant ! Oui : odieux, ces chacals profitant ainsi, sans vergogne, de la détresse des autres, de la misère du monde !
Retour de l’enfer
Ainsi pris-je bien sûr aussi congé de l’amical, généreux et dévoué Denis, qui, insista-t-il encore avant de me serrer chaleureusement la main, me pria, ému, la voix enrouée et le regard humide, un timide sourire toutefois aux lèvres, de mettre l’accent, si d’aventure j’écrivais un article à ce sujet dans la presse, sur l’incroyable solidarité – particulièrement des citoyens, les Flamands, provenant, pour les aider en cette entreprise titanesque qu’est celle du déblaiement de ces nombreuses ruines, du nord de la Belgique – qui s’était mise en place, aux quatre coins de cette région sinistrée, en cette douloureuse occasion. Puis quand ma voiture démarra pour, laissant ainsi ces pauvres gens à leur solitude, s’éloigner de ce pan d’enfer sur Terre, de cette sorte de paysage irréel malgré, paradoxalement, sa dure réalité, c’est un vaste silence, un silence aussi absolu qu’effrayant, paré de deuils en cette vallée de larmes, qui s’installa pour longtemps encore, nonobstant l’air devenu ainsi certes plus respirable, au creux de mon être comme au tréfonds de mon âme.
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Nes les oublions pas! Ne les abandonnons pas!
Non, n’oublions pas ! N’abandonnons pas, à l’heure où les médias, comme pris de vitesse par de nouveaux événements à travers le monde, se concentrent déjà sur d’autres et certes moins sombres actualités, ces gens dont la dignité, le courage et l’abnégation, fut, pour moi, un exemple – le plus sacré qui soit – d’humanité ! Davantage : qu’il me soit donc permis ici encore une fois, mais non la dernière, de leur rendre ainsi, par cet humble mais très sincère témoignage, l’hommage qui leur est justement dû !
Question: quid des véritables responsabilités face à pareille tragédie humaine?
Reste à savoir, bien évidemment, si, face à un aussi lourd bilan, devant de tels dégâts matériels et surtout de telles pertes humaines, sur une aussi large étendue et haute superficie, un phénomène naturel, aussi dévastateur ou meurtrier soit-il – des inondations, en l’occurrence – peut expliquer, à lui seul, une aussi gigantesque, monstrueuse, catastrophe. De ce point de vue-là, les avis des habitants concernés que j’ai recueillis après les avoir librement interrogés à ce sujet, tentant d’y mener en toute objectivité ma propre enquête afin de comprendre (et, si possible, accéder à une part de vérité quant à l’explication, autant que faire se peut, sans aucun calcul politique ni visée idéologique, de cette tragédie), sont unanimes, quoiqu’ils ne possèdent certes encore, à ce stade de l’analyse, aucune preuve formelle en la matière : c’est la mauvaise gestion de la part des administrateurs de l’important barrage d’Eupen, ville située à proximité des Hautes-Fagnes et en amont de ces différentes localités, qui à n’en pas douter, me confièrent-ils tous sans exception, en est, s’y ajoutant à une accumulation d’incompétences tout autant que d’imprévoyances, sinon à une fautive série d’incuries comme de négligences, le principal responsable, tant moral que pratique, avec l’ahurissant débit d’eau de 43 m3/seconde et des vagues atteignant jusqu’à 3 ou 4 mètres de hauteur. Criminel, bien sûr, si cela s’avérait, après l’enquête judiciaire, sinon parlementaire, exact ! C’est toutefois là, pour l’heure, un autre débat, d’ordre technique, voire politique : une question que, par respect des victimes et ne voulant pour le moment en rien entacher leur mémoire, encore moins verser en d’indécentes, médiocres, stériles et vaines polémiques, j’aborderai plus amplement, avec toute l’impartialité de jugement que requiert rationnellement, en dehors de toute légitime mais excessive émotion, pareille démarche intellectuelle, dans le deuxième volet de ce périple à travers – l’oxymore est ici, plus que jamais, de circonstance – cette inhumaine humanité, véritable catastrophe humanitaire plus encore qu’environnementale ou climatique.
Les dizaines de photos que j’ai prises, avec mon modeste mais néanmoins précieux téléphone portable, sur place, engagé sur le terrain, en sont autant d’édifiants, dramatiques mais concrets, témoignages, pour l’Histoire !
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