Pascal De Sutter
Extrêmement droite : agressifs comme les poules
Il y a quelques jours, une poignée de militants d’extrême droite s’est attaquée à des sans-papiers. Dans le même quartier bruxellois, une partie d’entre eux ont violemment tabassé un sans-logis. En le frappant avec des pavés et des bouteilles. A six contre un.
Ces tristes faits divers sont emblématiques d’un aspect typique de l’idéologie d’extrême droite : toujours cibler les plus faibles. Et qui s’accompagne de son corollaire : ne jamais toucher les plus puissants. Leur haine de l’étranger les pousse donc à agresser de pauvres sans papiers. Mais il ne leur viendrait pas à l’idée de s’en prendre aux riches employeurs mafieux, ceux qui encouragent la venue d’immigrés désemparés pour les exploiter par le travail au noir. Ces mêmes militants violents cherchent régulièrement noise à de jeunes Belges d’origine maghrébine isolés, mais ne vont jamais ennuyer un cheikh milliardaire entouré de ses gardes du corps. C’est la même logique qui a conduit Anders Behring Breivik à massacrer des jeunes sociaux-démocrates sans défense sur l’île d’Utoya (1). Il a déclaré par la suite avoir agi ainsi pour combattre « l’islamisation de l’Europe ». Sa haine des musulmans aurait pu le conduire à tourner sa rage meurtrière vers les dirigeants des pétromonarchies qui financent le djihadisme. Non. Il a choisi d’assassiner des jeunes sans armes.
Certains bien-pensants affirment que Breivik est fou. C’est soi-disant toujours des fous isolés qui commettent des attentats horribles. Or, Breivik s’est comporté de façon très cohérente avec l’idéologie d’extrême droite. L’Histoire a montré que les différents systèmes totalitaires désignent toujours un « ennemi objectif », comme disait Hannah Arendt (2). J’ajoute que cet ennemi désigné à la vindicte populaire doit lui-même être faible. Il ne s’agit pas de s’attaquer aux puissants, ni aux responsables de la misère humaine. Au contraire, il faut que les misérables tournent leur colère vers d’autres encore plus malheureux qu’eux.
Attenter à l’intégrité physique de personnes en situation de faiblesse devrait être sanctionné très durement.
Ce système se base sur un fondement psychologique primaire que l’on retrouve chez des animaux tels que les gallinacés. Dès qu’une poule est plus faible, plus fragile ou simplement différente, elle suscite l’agressivité du groupe. Alors que le coq dominant et violent est respecté. L’idéologie d’extrême droite valorise la soumission au chef plus fort et l’agressivité envers les plus fragiles. Le problème est que notre système judiciaire suit en partie cette logique. Si on vole un vélo à un enfant, on ne risque pratiquement rien. Si on vole la limousine d’un puissant, la peine sera beaucoup plus lourde. Il me semble qu’il est temps de ne plus laisser dans une presque impunité les agressions sur des victimes fragilisées. Attenter à l’intégrité physique de personnes en situation de faiblesse devrait être sanctionné très durement. Ce serait une manière de nous opposer fermement à certains fondements de l’idéologie d’extrême droite. Il ne s’agit pas de condamner les nouveaux fascistes pour leurs opinions, comme le voudraient les thuriféraires du politiquement correct. Les empêcher d’exprimer leurs idées, fussent-elles malsaines et dangereuses, est le meilleur moyen de les victimiser et les renforcer.
Aux idées simplistes, racistes et totalitaires doivent être opposés des arguments intelligents, pertinents et démocratiques. Par contre, il convient de se montrer d’une sévérité exemplaire et impitoyable vis-à-vis de leurs actes. Le principe de droit qui tient compte de « la vulnérabilité de la victime, circonstance aggravante d’une infraction » devrait peser beaucoup plus lourd dans le choix de la sanction. Mais rien ne vous oblige à penser comme moi…
(1) Le 22 juillet 2011, ce massacre ainsi que l’attentat à la bombe qui l’a précédé ont causé la mort de 77 personnes.
(2) Auteur de Les origines du totalitarisme (1951, réédité chez Gallimard en 2002).
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