Coronavirus: un million de tests sérologiques commandés par la Belgique ne sont pas fiables
Une évaluation comparative au Danemark confirme que la Belgique a dépensé 7 millions d’euros pour un test sérologique plus qu’hasardeux…
Il s’agit d’une étude menée récemment par 38 biologistes de plusieurs hôpitaux universitaires et centres de recherche danois sur une quinzaine de tests sérologiques permettant de détecter les anticorps développés chez les patients contre le covid-19. Cette étude, dont la publication doit encore être validée par des pairs (comme pour tout article scientifique), semble bien confirmer ce que Le Vif/L’Express et Knack écrivaient à propos du test DiaSorin dont l’Etat belge a acquis, en avril, un million d’exemplaires : la fiabilité de ce test italien est hasardeuse. A 7 euros pièce, cela fait cher le test non fiable, d’autant que le contrat prévoit que le lot entier sera de toute façon facturé, quelle que soit son utilisation.
En avril dernier, Hugues Malonne, directeur-général à l’Agence fédérale des médicaments (AFMPS) avait, lui, déclaré lors d’une visioconférence réunissant 120 biologistes cliniques que ce test était fiable à 100 %. Il se basait sur l’étude réalisée, à la demande de l’agence, par le labo des Hôpitaux Iris-Sud (HIS) dirigé par sa propre épouse. Outre le parfum de conflit d’intérêt que tout cela exhalait, les résultats des HIS avaient déjà été remis en cause par une évaluation comparative de 7 tests sérologiques différents à l’hôpital AZ Delta de Roulers. Ce dernier avait conclu que le produit Liaison-SARS-Cov2 de DiaSorin montrait une sensibilité et une spécificité significativement inférieures aux autres. Ce test n’avait pas non plus été bien coté par la « task force serology » des Pays-Bas.
La sensibilité correspond au pourcentage de patients positifs au test PCR chez qui des anticorps sont détectés. La spécificité, elle, correspond au pourcentage de sujets non-malades (échantillons prélevés avant le covid) pour lesquels le test sérologique s’avère négatif. Or, selon les résultats danois, le test DiaSorin montre une sensibilité de 84,6 % et une spécificité de 97,2 %. Ces deux taux, fort proches des résultats de l’AZ Delta, sont décevants comparés aux autres tests évalués, surtout le second : DiaSorin est le seul qui n’atteint pas le seuil minimum requis par les Danois de 99 % pour la spécificité…
Bien moins exigeante que les Danois, l’AFMPS a écarté les tests ayant une spécificité inférieure à 95 %. Gênant ? Oui : « Avec le kit italien, si vous testez une population dont 6 % possèdent des anticorps anti-covid (Ndlr : c’est à peu près le cas de la Belgique), un tiers des résultats positifs risquent d’être de faux positifs », commente le professeur Henrik Ullum de l’université de Copenhague, qui a participé à l’étude.
Bref, voilà une troisième étude comparative qui atteste du caractère hasardeux du test DiaSorin. La firme italienne nous fait savoir que son test a pourtant été validé par les autorités françaises et britanniques. Il est néanmoins loin de faire l’unanimité… De son côté, le ministre Philippe De Backer (OpenVLD), chargé de l’approvisionnement en tests, réagit : « Les validations effectuées par l’AFMPS en avril visaient à sécuriser des tests de qualité suffisante pour la Belgique afin d’éviter des pénuries, nous fait savoir son cabinet. L’objectif était de protéger le patient et non de sélectionner les meilleurs tests. Les labos sont libres d’utiliser les tests qu’ils veulent, pour autant qu’ils soient marqués CE. » Précision : le contrat avec DiaSorin est toujours en cours de renégociation.
Par Thierry Denoël et David Leloup, en collaboration avec Ruben Brugnera (Knack).
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