Bruxelles au temps du Covid: « il faudra deux, trois ans pour que le marché du bureau reprenne »
Face à la crise sanitaire et à la priorité donnée désormais au télétravail, les bureaux bruxellois sont dans la tourmente. Et, semble-t-il, pour un bon moment.
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Sale temps pour les bureaux. Fortement affecté par les recours au confinement et au télétravail, le marché traverse une passe difficile. A Bruxelles certainement, qui compte le plus grand stock de bureaux à l’échelle du pays (12,59 millions de mètres carrés). Selon le courtier et conseiller en immobilier professionnel CBRE, les voyants sont au rouge depuis mars. A commencer par la prise en occupation, qui plafonne à 194.700 m2 sur les neuf premiers mois de l’année. Soit le volume le plus bas jamais enregistré dans la capitale. C’est moins de la moitié des transactions comptabilisées sur le même laps de temps en 2019 (- 55%). Avec l’impact que l’on imagine sur le taux de vacance, qui grimpe légèrement par rapport au trimestre précédent, à 7,21% (908 000 mètres carrés).
Le télétravail fait ressortir les inégalités. Tous n’ont pas l’espace nécessaire chez eux pour travailler au calme.
Culture d’entreprise
« Il faut dissocier les chiffres de la réalité de marché, tempère Jean-Michel Meersseman, co-Head of Investor Leasing chez CBRE. La faiblesse des transactions observée à Bruxelles s’explique par le climat d’incertitude qui empêche les sociétés de prendre des décisions stratégiques. Tout ce qui n’est pas urgent est relégué à plus tard. Je ne vois pas de ligne de conduite majeure être déterminée avant le printemps 2021. On aura alors un an de recul par rapport au début de la pandémie. » D’autant que, derrière le choix de nouveaux quartiers généraux, il y a des enjeux importants: localisation, immeuble neuf ou existant, besoins en superficie, services… Sans parler des coûts. « Et pas seulement ceux de l’acquisition ou de la location de l’espace, intervient Michael Taelman, Head of Advisory & Transaction Services de CBRE, qui travaille au quotidien avec les occupants des bureaux. Déménager et aménager des lieux est très onéreux. Ce n’est pas une décision à prendre à la légère. »
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Résultat? L’attentisme règne… Les sociétés peinent à estimer leurs besoins réels en matière de surfaces de bureaux. Faut-il diminuer la voilure? Bannir les open spaces? Offrir plus d’espaces communs, de petites salles de réunion, de zones de détente et de partage? », interroge l’expert. Car si la pratique du télétravail perdure, le bureau devra se réinventer et devenir un lieu de destination ponctuel pour ses employés. « Le bureau, ce n’est pas juste un endroit où l’on travaille, reprend Jean-Michel Meersseman. C’est aussi et surtout le lieu où se cultivent la culture et l’esprit d’entreprise. » Et de prendre l’exemple, entre autres, des jeunes travailleurs, fraîchement embauchés ou dans leurs premières années de carrière. « Ils ressentent l’envie d’aller au bureau. D’échanger avec leurs collègues et leurs supérieurs. Comment avoir le sentiment d’appartenir à une organisation si on ne peut y prendre ses marques? » « Sans oublier que le télétravail fait ressortir les inégalités, pointe Michael Taelman. Tous n’ont pas l’espace nécessaire chez eux pour travailler au calme. »
En dépit du bilan maussade des trois premiers trimestres de l’année, les conseillers de CBRE se veulent plutôt optimistes. Un état d’esprit que partage Paul-Edouard Aubry, codirecteur et cofondateur de la société de promotion bruxelloise Artone, versée dans une variété de projets (bureaux, commerces, logements…). « Comme lors de la crise économique de 2008, le marché de l’immobilier de bureaux va devoir faire le gros dos le temps que la crise sanitaire passe », pronostique-t-il. Lui-même avait un « gros projet de bureaux » sur le feu avant le confinement de mars dernier et y a renoncé. « Nous devions acheter un immeuble bien situé à Bruxelles mais nous avons préféré nous désister. » D’après le promoteur, il faudra attendre deux ou trois ans pour que le marché reprenne dans la capitale. « Je crois toujours dans le bureau. C’est dans la conjoncture actuelle que je ne crois plus. »
Le bureau, c’est aussi et surtout le lieu où se cultivent la culture et l’esprit d’entreprise.
La solution des bureaux partagés
Face à ce passage à vide, certaines sociétés ont pris le parti de se tourner vers plus de flexibilité. « J’étais très étonné quand, voici un mois et demi, un de mes gros clients internationaux a décidé de signer pour 80 postes de travail dans un business center de la capitale pour une durée de deux ans, renseigne Michael Taelman. C’est une transaction qui sort du lot parce qu’il s’agit bien de postes de travail et non pas de bureaux fermés, de la part d’un acteur qu’on ne voit pas traditionnellement sur le segment des bureaux partagés. Un shift est en train de se produire, c’est certain. » Autre solution, d’ores et déjà adoptée par diverses sociétés avant la crise: la réduction du nombre de postes par rapport au nombre d’employés. « Il y a six ou huit mois, les entreprises affichant les politiques d’optimalisation de l’environnement de travail les plus agressives avaient déjà baissé leur quota à 80% de postes disponibles. Maintenant, elles visent 60%. » Mais attention, ce n’est pas parce que la norme serait à un jour de télétravail par semaine qu’il faudra enlever systématiquement 20% des postes! « Les besoins doivent être analysés au cas par cas. Surtout, ce qu’on enlève ici, il faut l’ajouter là, dans des espaces communs, par exemple. »
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A défaut de savoir de quoi l’avenir sera fait, les sociétés occupantes des bureaux bruxellois pourront peut-être se consoler en observant les prix d’acquisition et de loyers se diriger vers des valeurs moindres, soulève Paul-Edouard Aubry. « En 2007-2008, juste avant l’éclatement de la crise, on avait atteint des niveaux que l’on ne croyait pas atteignables. Niveaux qui ont chuté pour être ensuite largement dépassés quand la production de projets de bureaux neufs est repartie en flèche voici trois, quatre, cinq ans. On est maintenant sur des valeurs jamais observées à Bruxelles. Ce n’est peut-être pas plus mal de revenir à des bases plus raisonnables une fois la crise sanitaire passée. »
Dans le baromètre du CBRE, en tous les cas, au troisième trimestre de 2020, le loyer prime culmine toujours à 315 euros/m2/an, un prix inchangé par rapport à la même période en 2019.
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