Bernard Clerfayt, Nawal Ben Hamou, Elke Van den Brandt, Rudi Vervoort, Alain Maron, Pascal Smet, Barbara Trachte et Sven Gatz: unis contre la crise. © belgaimage

Bruxelles au temps du Covid: union politique sacrée mais moyens étriqués

Philippe Berkenbaum Journaliste

1,5 milliard de déficit budgétaire pour 500 millions de mesures de soutien et autant de recettes envolées: les autorités bruxelloises se serrent les coudes face à la crise sanitaire et économique. Privent l’hiver de festivités publiques. Et en appellent déjà au fédéral pour aider la capitale, demain, à relancer la machine.

« Il y a à Bruxelles une sorte d’union sacrée entres les responsables communaux et régionaux pour faire face à cette crise sans précédent », souligne Philippe Close (PS), le bourgmestre de la Ville. « On est tous logés à la même enseigne, embraie celui d’Uccle, Boris Dilliès (MR, dans l’opposition à la Région), quel que soit son niveau de pouvoir et sa formation politique. Après les cafouillages du début, notamment sur la distribution des masques, il y a aujourd’hui une vraie prise de conscience. Chacun essaie de prendre ses responsabilités face à une crise où les politiques doivent accepter de dire: je ne sais pas! Et où les citoyens doivent être capables de l’entendre. » Le mayeur Ecolo d’Ixelles, Christos Doulkeridis, abonde: « J’exprime une réelle solidarité à l’égard de tous mes collègues, quelle que soit leur couleur politique, tant je mesure le poids de nos responsabilités face à la pandémie, alors qu’il faut continuer à gérer nos communes au quotidien et mettre en oeuvre le programme pour lequel nous avons été élus. Avec moins de personnel, moins de moyens et plus de dépenses. »

On ne s’attend pas à voir l’économie retrouver des couleurs avant l’été.

C’est dit à l’unisson: en Région de Bruxelles-Capitale, les autorités agissent de concert pour lutter contre la pandémie. « Seule l’urgence dicte nos priorités », tranche Rudi Vervoort (PS), au four et au moulin depuis le début de la deuxième vague. « La santé doit primer sur l’économie, nous affirmait ainsi le ministre-président au moment où les chiffres hospitaliers s’emballaient. Je comprends la mauvaise humeur des secteurs impactés, mais elle dénote un certain décalage entre la perception du réel que mon gouvernement vit depuis des mois et les conséquences de la pandémie sur leur activité. Nous ne sommes plus à l’heure des choix, alors que le système de santé menace de s’effondrer, mais à l’heure des décisions qui s’imposent à l’échelle du pays. »

Face aux secteurs qui tirent la langue, ni les autorités locales ni régionales ne sont pour autant restées les bras croisés. Chacune dans ses compétences. Toute une panoplie de mesures de soutien financier ou technique aux entreprises, aux commerces, hôtels, cafés et restaurants, mais aussi aux boîtes de nuit, aux agences de voyage ou aux entreprises actives dans l’événementiel se sont ajoutées aux aides fédérales, tient à rappeler la secrétaire d’Etat à la Transition économique, Barbara Trachte (Ecolo) – pour s’y retrouver et introduire une demande, une seule adresse: www.primecovid.brussels.

Le marché de Noël, les Plaisirs d'hiver: oubliés pour cet hiver.
Le marché de Noël, les Plaisirs d’hiver: oubliés pour cet hiver.© belgaimage

Les Bruxellois prêtent aux Bruxellois

Le 30 octobre, la même Barbara Trachte annonçait la mise en oeuvre du premier prêt Proxi. Destiné à soutenir les PME bruxelloises durant la crise sanitaire, ce mécanisme mis en place par la Région en un temps record, en partenariat avec la plateforme de crowdlending Look&Fin, vise à mobiliser l’épargne des particuliers en octroyant un crédit d’impôt à ceux qui investissent dans une entreprise locale – laquelle peut ainsi emprunter au taux avantageux de 0,875%. « J’espère que de nombreux Bruxellois franchiront le pas d’investir dans les commerces dont ils se sentent proches », exhorte Barbara Trachte. « Et se rendront compte qu’ils ont un rôle à jouer dans le soutien de tout un écosystème en consommant local », ajoute Alexandre Helson, de la maison Dandoy, première à souscrire au dispositif pour renforcer une trésorerie mise à mal.

Les autorités régionales n’ont guère le choix: pour soutenir l’économie de la capitale pendant la crise et la relance après, elles doivent faire preuve de créativité pour compenser un budget étriqué. Le 23 octobre, le jour même où le Premier ministre réunissait le Comité de concertation pour décider des mesures préconfinement, le ministre-président annonçait au parlement bruxellois un déficit budgétaire record de plus d’1,5 milliard d’euros pour 2020, supérieur d’un milliard aux prévisions. Un gouffre creusé par 500 millions de recettes évaporées et, à hauteur du même montant, par les mesures de soutien à l’économie, à la santé et au système social. Outre les aides aux hôpitaux et maisons de retraite, à la culture et aux acteurs économiques, un budget de 53 millions est dédié au plan Phoenix destiné, selon le ministre de l’Emploi, Bernard Clerfayt (DéFI), à « augmenter l’attractivité des demandeurs d’emploi, alors que la Région s’attend à un minimum de 30 000 chômeurs en plus ».

Pour 2021, le gouvernement table sur un solde négatif à peine meilleur. « On ne s’attend pas à voir l’économie retrouver des couleurs avant l’été », nous confirme Rudi Vervoort. Qui en appelle au secours du fédéral. « Certains secteurs se plaignent de recevoir moins à Bruxelles qu’en Flandre ou en Wallonie mais, si l’on compare le coût des mesures mises en oeuvre par habitant, nous sommes au-dessus des autres entités. Il reste que notre structure budgétaire ne nous donne pas des moyens à la hauteur de la richesse produite sur notre territoire (18% du PIB). Avec un budget de six milliards, notre marge de manoeuvre est limitée. L’Etat fédéral doit avoir conscience de la nécessité de préserver le rôle de Bruxelles comme moteur de la future reprise économique. »

Un moteur désormais à l’arrêt, que certains ne désespèrent pas de ranimer pour les fêtes. « Je ne veux pas être le bourgmestre d’une ville qui s’éteint, lance Philippe Close. Nous devons trouver des initiatives pour redonner vie à la capitale, on y travaille, il y a une vraie créativité. » Aux oubliettes, le marché de Noël et les animations des Plaisirs d’hiver, au placard les feux d’artifice, au rencart les festivités de fin d’année susceptibles de rassembler les foules et aucun espoir de voir rouvrir d’ici à janvier les hauts lieux du monde de la nuit. Sans oublier le report de salons aussi populaires que celui de l’auto, privant au bas mot 10.000 personnes de boulot dans l’événementiel.

« Ce secteur non subventionné fait partie de la dynamique bruxelloise mais il est à plat, regrette le bourgmestre en énumérant les événements contraints à la fermeture. On fait appel à l’intelligence collective pour trouver des initiatives qui redonnent à la ville une image positive et aux professionnels de l’événement le moyen de travailler. » Lors de notre reportage, rien n’était tranché – pas même pour le parcours lumineux (Brussels By Lights), la crèche et le sapin de la Grand-Place. Les commerçants, veulent encore y croire. Philippe Close: « On ne peut pas désespérer les gens en imaginant qu’il n’y ait plus rien de ce qui fait la magie de Noël. » Le Bourgmestre de la Ville de Bruxelles a depuis confirmé Brussels by Lights, la crèche, le sapin et le spectacle son et lumière de la Grand-Place.

Résistance #4: 3,3 tonnes de buts au hockey

Jill Boon, la joueuse de hockey professionnelle, et Joy Leunen, travaillant dans l’événementiel – deux secteurs à l’arrêt – , ont sollicité la grande famille du hockey pour venir en aide aux plus précarisés. « Le concept de l’action Hockey solidaire était tout simple: les gens nous contactaient et nous passions chez eux récupérer les denrées non périssables. » A elles deux, elles en ont récolté 3,3 tonnes qu’elles ont distribuées à quatre associations: Open Free Go d’Uccle, l’asbl Confinement d’Ixelles et Molenbeek, et Aquarelle qui aide les jeunes mamans en difficulté. Jill et Joy ont rempilé pour la saison d’hiver.

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