Confinement: « Mieux vaut apprivoiser le pire pour ne pas être déçu »
Alexandre Heeren, professeur à l’Institut de recherche en sciences psychologiques de l’UCLouvain et chercheur qualifié au FNRS, revient pour LeVif.be sur l’impact psychologique, dévastateur pour certains, du confinement. Il donne des conseils pour mieux vivre cette période inédite qui se répète et perdure.
Le confinement pèse lourdement sur le moral des ados et des jeunes adultes ? Pourquoi eux en particulier ?
La situation est extrêmement invalidante pour les adolescents et les jeunes adultes. Les étudiants de première BAC sont les plus touchés, ils ne sont pas encore tout à fait autonomes, n’ont pas encore de routine dans leurs études. C’est un âge où l’on rencontre des difficultés à se gérer soi-même. En développement humain, on a le plus besoin à cette période d’interactions sociales et de se constituer comme un soi au sein d’un groupe, d’une société. Les sorties, les rencontres amicales, mais aussi les relations affectives, leur manquent énormément. L’entrave à la vie sociale est l’élément-clé. Un autre point important, qui n’est pas souvent abordé, est la précarité étudiante. Les études coutent cher et beaucoup d’étudiants sont actuellement en difficulté financière car ils n’ont plus de jobs. Au-delà de l’isolement, cela augmente leur détresse.
La saison automnale est aussi un élément aggravant…
D’ordinaire, la période automnale est effectivement un terrain propice aux idées noires et à la dépression, contrairement au confinement du printemps où l’on pouvait se réconforter avec l’arrivées des beaux jours. La pierre angulaire de l’anxiété est l’incertitude. Quand on perd le contrôle, que l’on n’arrive pas à savoir ce qu’il va se passer le lendemain, on se trouve dans une situation très anxiogène. Lors du premier confinement, on avait des dates claires de « sortie » de crise. Ici, au niveau mondial, c’est un grand point d’interrogation pour toute la population. On espère que les vaccins seront une solution mais que va-t-il se passer au niveau économique ? Le monde d’avant sera-t-il encore là ? On n’a plus aucun repère…
Comment le confinement agit-il psychologiquement ?
Dans le domaine psychologique, le premier confinement collait avec la littérature scientifique existante et les données collectées sur des quarantaines vécues dans le passé. On retrouve ces sentiments d’incertitude, de panique, de perte de repères, … Au printemps, on entrevoyait l’espoir que cette période assez définie dans le temps allait avoir un « après ». Ce « trou noir spatio-temporel » dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui est, par contre, tout à fait inédit. Il ne s’agit pas non plus d’un confinement strict, on peut par exemple sortir se balader. Les situations sont quasi infinies pour chaque personne. Certaines ne voient aucune différence dans leur quotidien, d’autres sont totalement perdues et ne se voient pas avancer. Elles ressentent l’isolement, la solitude à chaque minute qui passe. Il est difficile en psychologie d’étudier ces situations incohérentes. On sait qu’il y a un sentiment de détresse, qu’il y a des inquiétudes, de la dépression, du désespoir face à un avenir bouché, mais les mécanismes derrière tout cela sont très différents de personne à personne.
Comment peut-on agir au quotidien face à cette perte de repères spatio-temporelles ?
Il est important de s’auto-discipliner, de s’imposer une routine quotidienne. D’avoir un horaire régulier. Le matin, je conseille de prendre son petit-déjeuner sans regarder ses mails. Il faut qu’il y ait une coupure nette entre la sphère privée et professionnelle en télétravail. Des pauses répétées sont aussi conseillées. Il est primordial de retrouver le contrôle de sa journée, d’avoir des buts à très court terme, faciles à atteindre. Dresser à la fin de sa journée de travail une liste des priorités du lendemain offre aussi une prévisibilité très bénéfique contre l’anxiété.
Que conseillez-vous pour garder le moral sur le long terme ?
Il est important d’avoir des projets, mais je ne conseillerais pas de se projeter dans les vacances de carnaval et de se demander si on pourra oui ou non aller skier. C’est un but trop lointain. On ne sait rien de la situation future. C’est déjà difficile de ne pas savoir ce qui se passera à Noêl, si on pourra inviter 2 ou 4 personnes,… ? Il faut saisir l’opportunité de se contenter de petites choses, d’être plus centré sur l’émotion, moins sur le grandiose. On peut se programmer dans un futur proche des activités faisables quoi qu’il arrive, comme une balade avec des amis dans les Ardennes, une journée à la mer,… c’est une chance inouïe que de pouvoir redécouvrir son pays. Mieux vaut apprivoiser le pire car si on a des attentes trop élevées, on risque d’être déçu. Un grand calendrier affiché au mur de la cuisine ou dans le hall d’entrée rend plus visuelles les activités planifiées qui permettent de se ressourcer. Cela fait partie d’une stratégie thérapeutique pour les enfants et les adolescents qui ont du mal à se projeter dans le futur. Même si la situation ne s’améliore pas, ils peuvent de la sorte visualiser sur ce calendrier des événements réjouissants auxquels se raccrocher.
Quelles sont les aides disponibles pour les personnes en grande détresse ?
Il est alarmant de constater que les tentatives de suicide sont en grande augmentation. Il est important de répéter aux personnes qui sont actuellement dans une grande détresse psychologique que des aides de soutien existent. La Croix Rouge propose un soutien psychologique, tout comme le Centre de prévention suicide.Des psychologues reçoivent également en téléconsultations, il ne faut pas hésiter à les contacter avant qu’il ne soit trop tard.
Des séances d’hypnose en ligne pour lâcher prise
Catherine Paquet est psychopraticienne. Elle croule pour le moment sous les demandes de patients qui rencontrent des difficultés émotionnelles et souffrent de stress, d’anxiété et de troubles du sommeil. « De nombreuses personnes se retrouvent sans ressources dans cette situation compliquée. Je désire mettre à leur disposition des outils accessibles pour vivre les choses plus sereinement, sans devoir nécessairement s’investir dans une psychothérapie « , avance-t-elle.
Dans ce but, elle a mis en ligne des séances d’hypnose adaptées à cette période spéciale de confinement sur sa chaîne YouTube. « Ce que je propose plus précisément à travers mes vidéos est de la relaxation thérapeutique, au carrefour entre l’hypnose, la sophrologie et des techniques de psychologie cognitive « , précise-t-elle. « L’hypnose permet le lâcher-prise qui est très bénéfique pour surmonter l’incertitude à laquelle nous sommes confrontés pendant ce nouveau confinement. »
La pratique régulière va favoriser la détente mentale et corporelle, inviter à l’évasion et induire une modification du regard que l’on pose sur notre quotidien, afin d’arriver à le relativiser. « La méthode induira ensuite un changement de positionnement : passer du statut de victime à celui d’acteur ou actrice de notre vie, reprendre en quelque sorte le contrôle sur soi-même, à défaut de pouvoir contrôler la situation qui nous préoccupe. Le corps est relâché, les crispations musculaires apaisées« , commente Catherine Paquet.
4801.0480Hypnose : confinement (2)- prendre soin de notre moralhttps://www.youtube.com/https://i.ytimg.com/vi/AFDjEUlJ-zY/hqdefault.jpgCatherine PAQUETvideo270https://www.youtube.com/channel/UClFH4lIDM8mvYYxgPP-s8-wYouTube
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