Il y a 10 ans, Namur se rêvait « ville culturelle ». Pourquoi elle y est (presque) parvenue
Il y a dix ans, dans son Livre blanc de la politique culturelle, Namur se rêvait en « ville culturelle » en 2022. Nous y voilà. Verdict? Elle n’y est pas tout à fait arrivée mais la transformation des infrastructures est spectaculaire.
C’était au printemps 2012. Maxime Prévot (CDH) venait de succéder à Jacques Etienne (CDH) en tant que bourgmestre de Namur et avait décidé de prendre la culture dans ses attributions. Alors que le scrutin communal suivant approchait, il avait lancé une large consultation du secteur culturel qui, dix-sept mois plus tard, allait aboutir, sur le fond, à une grande ambition, celle de faire de Namur une ville culturelle. Et, sur la forme, à une vaste feuille de route, intitulée « Namur confluent culture », reprenant les engagements précis censés concrétiser ce dessein. Horizon: 2022.
« C’est vrai que cela fait déjà dix ans et qu’il est temps de faire le bilan, admet Maxime Prévot. J’ai demandé il y a quelques mois à un collaborateur d’entamer ce travail et de pointer ce que nous avons fait et ce que nous n’avons pas réussi à concrétiser. Ce que je souhaite, c’est aboutir à un bilan lucide avec tout le milieu culturel. Il nous permettra par la suite de relancer un nouveau cycle d’engagements pour dix ans. » Pour le bourgmestre, la promesse centrale de « Namur confluent culture » a été tenue: celle de faire de la culture une priorité. En témoignent, selon lui, les montants investis et les projets déployés. « Namur avait déjà un gros potentiel en matière culturelle mais on a réussi à l’amplifier », affirme-t-il.
Namur n’a pas encore atteint son seuil de maturité sur le plan de l’identité culturelle. Mais on a bien avancé. »
Maxime Prévot, bourgmestre de Namur.
Le Namur culturel de 2022 a, il est vrai, bien évolué par rapport à celui de 2012. Pour s’en convaincre, il suffit de se rapporter aux chantiers et aux inaugurations qui ont ponctué l’actualité du secteur ces dix dernières années. Les Abattoirs de Bomel n’avaient pas encore été investis par le centre culturel régional ; ils sont désormais un lieu incontournable. Idem pour le Delta, superbe bâtiment en bord de Sambre qui n’existait pas et où s’est installée la Maison de la culture. Pareil encore pour le Namur concert hall, où le Grand manège s’est établi. Ou pour l’ancien pavillon belge de l’Exposition universelle de Milan, dont l’asbl Kikk a pris possession en haut de la citadelle pour en faire un lieu de culture numérique. Quant au Caméo, le cinéma de la ville, il attendait une modernisation. Elle a eu lieu et a laissé la place à un outil en phase avec les exigences actuelles.
Cette mue des infrastructures culturelles en a surpris plus d’un, a-t-on parfois l’impression. Du moins, elle est saluée. Et si critiques il y a, elles tiennent désormais surtout à ce qui n’a pas encore été réalisé. « Le grand vide, assurément, parmi toutes ces infrastructures, c’est une salle pour les musiques actuelles, indique Loïc Bodson, musicien et programmateur namurois. Il y a bien le Belvédère à la citadelle, mais l’équipe est très limitée et la salle peut accueillir deux cents personnes au maximum, et encore, pas toutes dans des conditions optimales. Avoir une salle dédiée uniquement aux musiques actuelles, c’est crucial, selon moi. Surtout pour une ville qui compte beaucoup d’étudiants puisqu’il y a une université et des hautes écoles. »
Des moyens suffisants?
Au-delà des infrastructures, c’est leur animation qui pose question parmi les acteurs culturels namurois. Qui savent ce que « coûte » d’animer des lieux, d’accueillir des artistes. « Je le vois avec le projet du pavillon, commente Gaëtan Libertiaux, directeur artistique du Kikk Festival. Cela demande beaucoup d’énergie et de moyens. Pour l’heure, on organise une exposition par an. On espère pouvoir en monter deux ou trois à l’avenir. Mais, pour cela, on devra aller chercher des moyens supplémentaires. Ce n’est pas propre à Namur mais j’ai parfois l’impression que les pouvoirs publics n’imaginent pas toujours ce qu’il y a comme investissement derrière un bâtiment. »
Je sens une multiplicité d’acteurs émerger avec en parallèle la montée de nouveaux outils. »
Virginie Demilier, directrice du théâtre de Namur.
Plus largement, la dynamique vertueuse qui s’est mise en place profite, selon certains, trop insuffisamment à des plus petites entités du tissu culturel ou les laisse même franchement de côté. « Comment fait-on aujourd’hui pour garantir des moyens suffisants au théâtre Jardin passion, par exemple, qui est là depuis des années, fait du travail de qualité mais est obligé de se débattre avec des subventions limitées? , s’interroge Matthieu Collard, cofondateur du collectif d’artistes L’Isolat. Si Namur est une ville culturelle, des questions de ce genre doivent trouver des réponses. Mais soutenir le tissu local dans la dynamique, ce n’est pas qu’une question de moyens. C’est aussi se demander comment on fait pour inclure davantage les artistes du cru dans les programmations des grandes infrastructures. Pour ma part, j’ai l’impression que la réciprocité n’est pas aboutie. Je veux dire par là que les artistes namurois fréquentent les grandes institutions mais n’ont pas toujours en retour accès à celles-ci. »
La visibilité serait d’ailleurs, selon Anne-Sophie Colmant, coordinatrice du Comptoir des ressources créative (CRC) – structure de soutien qui a vu le jour dans le sillage de « Namur confluent culture » – la principale demande des créateurs: « Ils ont l’impression, en effet, qu’ils en manquent cruellement et que beaucoup de choses se mettent en place par rapport à des besoins qui ne sont pas les leurs. »
Maxime Prévot conteste avoir oublié certains acteurs culturels namurois dans l’ambition d’ensemble. « Nos efforts ont coïncidé également avec un soutien plus « micro », affirme-t-il. Plein d’associations, de petites compagnies, d’artistes ont bénéficié d’aides. Et dès qu’on peut, on tente de les solliciter pour des interventions dans l’espace public. Peut-être qu’ à une époque, un manque de porosité dans les principales institutions a pu exister. Mais je crois que les choses ont bien évolué. Reste que les programmations culturelles ne peuvent pas non plus être 100% namuroises. L’objectif est aussi d’aller chercher des choses plus variées. »
Des jeunes difficiles à retenir
Au bout de dix ans d’efforts, Namur a-t-elle développé une identité culturelle? Les avis sont partagés sur la question. Pour certains, l’objectif est à vue mais pas encore atteint. « Je dois reconnaître lucidement et humblement que ce n’est pas encore tout à fait le cas, concède le bourgmestre. Pour un certain nombre d’observateurs extérieurs, Namur n’a pas encore atteint son seuil de maturité sur le plan de l’identité culturelle. Mais on a bien avancé au cours des dernières années. »
Arrivée voici quelques mois à la tête du théâtre de Namur, Virginie Demilier a l’impression, d’une façon semblable, que Namur vit actuellement un moment intermédiaire: « Je sens une multiplicité d’acteurs émerger avec, en parallèle, la montée de nouveaux outils. La qualité et la beauté de ceux-ci sont en train d’élargir le champ des possibles. Ce qui permettra bientôt la création d’une culture plus underground, plus alternative. »
Pour d’autres, en revanche, le chemin risque d’être plus long avant d’aboutir à cette identité culturelle. « Je n’ai pas encore l’impression que les jeunes Namurois restent ici pour monter leurs projets culturels, ils continuent de partir vers Bruxelles et Liège. Ce qui pour moi est un signe », déplore Matthieu Collard. « J’aimerais vraiment que Namur soit désormais associée à une identité culturelle. Mais il me semble que, dans l’inconscient de beaucoup, les représentations sont tenaces, enchaîne Anne-Sophie Colmant. Bruxelles et Liège sont à ce niveau « des villes qui bougent », Charleroi est « celle qui émerge ». Quant à Namur, une image de « calme » a tendance à lui coller à la peau. » Malgré les chantiers, en cours ou aboutis.
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