Débuts du christianisme: le temps des hérésies
Le christianisme naissant est traversé par de nombreux courants très divergents. Il faudra des siècles pour qu’émerge une Eglise unifiée autour d’une orthodoxie. L’ouvrage collectif Après Jésus éclaire cette histoire tumultueuse et peu connue.
Et si le christianisme avait pris une tout autre orientation que celle à laquelle adhèrent aujourd’hui près de 2,5 milliards de croyants dans le monde? Au cours des premiers siècles de notre ère, le mouvement fondé sur l’enseignement, la personne et la vie de Jésus de Nazareth est pluriel. Les communautés chrétiennes adoptent des croyances diverses, parfois contradictoires. Certaines veulent rester dans le judaïsme, d’autres entendent s’en affranchir à tout prix. Des courants considèrent le christianisme comme une doctrine réservée à une élite, d’autres assurent que le message du Christ est destiné à tous, sans exception. Des groupes réfutent l’humanité du Nazaréen, d’autres reconnaissent sa double nature humaine et divine. Des prophètes inspirés prônent l’ascétisme et la chasteté, tandis que d’autres et leurs fidèles s’adonnent à des comportements licencieux. Les femmes assument un leadership dans certaines communautés – prise de parole en public, enseignement, exorcismes… -, et sont réduites au silence et exclues des fonctions à responsabilités dans d’autres, au nom de la succession apostolique: Jésus a donné son enseignement aux apôtres, qui l’ont transmis aux évêques.
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L’ensemble des travaux rassemblés dans l’ouvrage collectif Après Jésus. L’invention du christianisme (1) déconstruit l’image d’un christianisme antique uniforme, né tout armé d’un cerveau de théologien ou institué par la décision d’une poignée d’apôtres et d’évêques. « Au milieu du IIIe siècle, le canon du Nouveau Testament n’est pas encore complètement fixé, pas plus que les grands symboles de la foi », préviennent Roselyne Dupont-Roc et Antoine Guggenheim, codirecteurs de cette encyclopédie qui rassemble les contributions de près de 80 auteurs. La foi chrétienne s’est d’abord énoncée en quelques phrases: Jésus est le sauveur, mort sur la croix et ressuscité. Il reviendra à la fin des temps pour établir le Royaume de Dieu. Au IIe siècle, la doctrine chrétienne se complexifie sous l’influence de la culture et de la philosophie grecques. Il en résulte un bouillonnement intellectuel et spirituel dans les communautés, qui adoptent des orientations théologiques et liturgiques divergentes. Cette intense agitation menace de faire exploser la nouvelle religion. Du IIIe au ve siècle, le défi majeur pour le courant majoritaire (la « Grande Eglise ») sera de canaliser cette effervescence, de tracer la frontière entre le christianisme orthodoxe – au sens de conforme au dogme – et les doctrines qualifiées d' »hérésies« .
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